l'interrogation directe

A. Coveney
(03-2015)
(revu et corrigé 05-2020)

Pour citer cette notice:
Coveney (A.), 22020, "L'interrogation directe", in Encyclopédie grammaticale du français,
en ligne: encyclogram.fr

 


1. Découpage du domaine



1.1. Difficultés.

a) L’interrogative figure parmi les plus anciens concepts grammaticaux, mais depuis le milieu du XXe siècle le développement de différentes approches syntaxiques ainsi que de nouvelles sous-disciplines de la linguistique (notamment la pragmatique, l’analyse du discours et la sociolinguistique) a contribué à augmenter les connaissances dans ce domaine.

b) L’interrogation directe est un domaine qui connaît une très grande diversité de structures, ainsi qu’une distribution complexe de ces structures, conditionnée par des facteurs linguistiques, pragmatiques et socio-stylistiques.

c) La catégorie grammaticale d'interrogative directe ne correspond pas de manière simple aux catégories sémantique (question) ou pragmatique (demande d’information, requête etc.). Ceci se reflète, par exemple, dans l’incertitude qui existe à l’écrit concernant l’emploi d’un point d’interrogation ou d’un point d’exclamation à la fin d’une question rhétorique, en particulier là où les formes à fréquence élevée sont devenues presque des formes figées :

(1)  Où allons-nous ?/!
Qu'est-ce que ça peut me faire !/?

d) L'emploi de l'intonation montante (ou « non achevée ») pour signifier une interrogation totale a été peu étudié par les grammairiens, sans doute en partie parce que cette variante ne se distingue d'une proposition déclarative que par des moyens prosodiques, et non syntaxiques (ordre des mots, particule interrogative). Cependant dans des études basées sur corpus (sociolinguistique, diachronique, acquisitionnel etc.), il est essentiel de trancher sur le statut de cette structure : s’agit-il effectivement d’une variante interrogative ou non ? Nous aborderons ce problème sous la rubrique ‘Critères de reconnaissance’.

e) Dans des études quantitatives des différentes variantes, il est clair que les formes lexicalisées ne devraient pas être comptées comme des interrogatives. Par exemple, les substantifs qu'en dira-t-on ou m’as-tu vu, et les marqueurs de discours n'est-ce pas ?, voyez-vous ?, tu vois ?


1.2. Problèmes terminologiques.

a) Il existe également une grande diversité terminologique dans ce domaine, en partie à cause de l’interaction entre syntaxe, sémantique et pragmatique. Si les interrogatives représentent toujours des questions sur le plan sémantique (grâce à leur sens propositionnel ou 'littéral'), elles sont loin d'exprimer systématiquement, sur le plan pragmatique, une demande d'information ou une requête. De plus, ces actes de parole peuvent s'accomplir par le biais d'autres moyens linguistiques que les interrogatives directes.

b) Toutes les grammaires reconnaissent la dichotomie entre interrogatives directes et indirectes, celles-là étant des propositions indépendantes, celles-ci des subordonnées. Beaucoup emploient maintenant le terme ‘enchâssée’ (‘embedded’ en anglais) de préférence à ‘indirectes’; mais ‘matricielle’ est moins répandu comme synonyme de ‘directe’, même si les générativistes anglophones parlent souvent de ‘matrix interrogative’.

c) Une autre distinction fondamentale concerne la portée de l’interrogation – sur la phrase entière, ou seulement sur une partie :
- interrogatives totales (‘globales’, 'oui/non', 'polaires', 'à polarité') ;
- interrogatives partielles ('qu-', 'particulières', 'constituantes', 'à variable', 'x', 'à information').
Nous adopterons les abréviations IT et IP pour ces deux types.

d) Dans certaines langues (par exemple, le chinois mandarin), les questions alternatives prennent une forme particulière, mais en français il s'agit le plus souvent de deux interrogatives totales juxtaposées ou coordonnées :

(2)  Est-ce un bien, est-ce un mal ?
Est-ce que je continue ou est-ce que j'arrête ?

Cependant dans des représentations littéraires de la langue populaire, on trouve parfois une structure avec la conjonction complexe, ou (bien) si :

(3)  Bon, je continue de vous raconter la suite ou bien si vous préférez une histoire drôle ? [San-Antonio, Ma langue au chah, p.171]
Tu piges ou si je dois te marquer tout ça sur un bout de papier ? [San-Antonio, Emballage cadeau, p.170]

e) Traditionnellement on faisait une distinction entre inversion 'simple' - que le sujet soit un clitique ou un GN - et inversion 'complexe', dans laquelle un sujet GN est redoublé par un sujet clitique après la forme conjuguée du verbe. Aujourd’hui cependant on accepte généralement qu’une distinction plus fondamentale et utile est celle entre l’inversion d’un sujet clitique et l’inversion d’un sujet GN. L’inversion 'complexe' peut être considérée essentiellement comme une variante de l’inversion 'clitique'.

f) Certains auteurs, dont la plupart qui travaillent dans la syntaxe théorique, l’acquisition du langage et l’acquisition d’une langue seconde, emploient le terme ‘in situ’, pour signifier la structure dans laquelle l'élément qu- occupe la même position postverbale qu’occupe l’argument correspondant dans les déclaratives. Les mêmes auteurs utilisent le terme ‘antéposition’ lorsque l’élément qu a été déplacé vers une position préverbale. Plusieurs autres variantes sont parfois décrites en termes des supposées transformations qu’elles représentent, par rapport à la phrase canonique (par ex. inversion, clivage).

g) Bon nombre de linguistes ont employé une représentation abrégée des différentes structures interrogatives. Dans la liste suivante, l’exemple de chaque structure est précédé par sa représentation abrégée et un nom possible :

Interrogatives Totales

SV↑ Intonation Ils/Les autres sont partis?
ESV Est-ce que Est-ce que les autres /ils sont partis?
V-CL Inversion du clitique Sont-ils partis?
GN V-CL Inversion complexe Les autres sont-ils partis?

Interrogatives Partielles

SVQ in situ Ils sont partis où?
QSV Antéposition Où ils sont partis?
QV-CL Inversion du clitique Où sont-ils partis?
Q GN V-CL Inversion complexe Où les autres sont-ils partis?
Q V GN Inversion stylistique Où sont partis les autres?
seQk SV Clivage C'est où qu'ils sont partis?
QE SV 'Est-ce que' Où est-ce qu'ils sont partis?
Q sek SV Variante de 'est-ce que' Où c'est qu'ils sont partis?
Qk SV Complémenteur Où qu'ils sont partis?
Q=S V Sujet qu- Lesquels sont partis?

Légende : S = sujet (clitique ou nominal) ; V = verbe ; ? = intonation finale montante ; E = est-ce que ; CL = sujet clitique postposé ; GN = Groupe Nominal ; Q = mot ou groupe interrogatif qu- ; se = c'est ; k = que/qui ; ‘Q=S’ = le sujet est un syntagme qu-.

(Ce système de représentations abrégées peut sembler quelque peu simpliste du point de vue de théories syntaxiques formalistes, mais il a le mérite d’être facilement compréhensible par des chercheurs travaillant dans des approches très différentes.)

h) Les interrogatives infinitives sont le plus souvent des IP, les IT étant assez rares dans ce contexte :

(4)  Que faire ?

(5)  Pourquoi ne pas lui dire la vérité ?

(6)  être ou ne pas être ?

N’ayant ni sujet ni verbe conjugué, les questions de ce type ne peuvent pas être reformulées en termes d’une des autres structures interrogatives, à moins de changer également les lexèmes.

i) Certains auteurs parlent également des autres formes qui peuvent servir à poser une question, notamment les formes elliptiques (par ex. Un peu de vin ?, À qui le tour ?).

j) Des exemples ‘hybrides’ s’entendent ou se lisent parfois, mais sont considérés par certains chercheurs (pas tous) comme des hypercorrections :

(7) QEV GN :
Avec qui est-ce que travaille Nicole Dupont ? [Grevisse]

(8) Q=S V-CL :
De ces fillettes, lesquelles sont-elles les tiennes ? [Mauger]

(9) E GN V-CL :
Est-ce que demain les sauveteurs pourront-ils s'approcher des alpinistes en détresse ? [Mauger]

(10) QE GN V-CL
Qu'est-ce que le rédacteur de la rubrique des chats écrasés entend-il par un pachyderme ? [Ionesco, cité par Mauger]

k) Certains types d’interrogatives qui ont fait couler beaucoup d’encre dans les travaux générativistes sont extrêmement rares dans les textes écrits ou parlés. C'est le cas par exemple de la majorité des questions à qu- multiples :

(11)  Qu'est-ce que Jean a fait comment ?

La grammaticalité prétendue des exemples de ce type est contrastée avec l'agrammaticalité de séquences comme la suivante :

(12)  *Comment est-ce que Jean a fait quoi ?

Pourtant certaines questions à qu- multiples sont attestées fréquemment :

(13)  Qui fait quoi ?

Rares aussi sont les questions qu- à ‘longue distance’, dans lesquelles, on suppose que le groupe qu- est antéposé de sa place logique après le verbe :

(14)  Quelle voiture avez-vous dit que je pense que Simon voudrait acheter ?
(cf. Vous avez dit que je pense que Simon voudrait acheter quelle voiture ?)


1.3. Problèmes de découpage et d'identification.

a) Beaucoup de grammaires traitent les interrogatives directes principalement sous la rubrique des différents mots interrogatifs (qui, que etc.), mais d'autres préfèrent maintenant les analyser en fonction des différentes structures. Cette deuxième approche est favorisée notamment par ceux qui s'intéressent à la variation socio-stylistique et au changement diachronique.

b) En français parlé, certaines phrases interrogatives ressemblent superficiellement à d’autres structures. Ceci est vrai pour certaines occurrences de SVQ, QSV, QESV, QV GN et Q=S V. Dans la langue parlée, il est parfois nécessaire d'examiner en détail la prosodie et le contexte linguistique et discursif afin de déterminer s'il s'agit effectivement d'une interrogative directe.

c) QSV ressemble aux propositions subordonnées commençant par un mot qu-. Dans l’exemple suivant, nous interprétons l’énoncé souligné, non pas comme une interrogative directe, mais plutôt comme une interrogative indirecte, même si, dans ce cas particulier, il n’y a pas de lien syntaxique précis avec le contexte précédant :

(15)  et ça c'est vrai que c'est un problème d'éducation euh / c'est euh comment on fait passer des tas de choses - auprès des gamins /

d) On a parfois proposé que qu’est-ce que soit considéré comme un terme qu- unifié, en raison notamment de sa très haute fréquence, mais peut-être aussi puisqu'une telle classification viendrait remplir la lacune laissée par le statut inacceptable – pour la plupart des locuteurs en France – d’exemples tels que, ?*Quoi tu vois ?. Selon certains, un autre argument en faveur de cette analyse serait que qu’est-ce que subit souvent l’élision du /k/ final, notamment devant tu (afin d’éviter le groupe consonantique /skt/, très rare dans le lexique français), mais aussi quelquefois devant une voyelle :

(16)  qu'est-ce tu veux ? qu'est-ce il attend ?

Mais si les questions en qu’est-ce que étaient assimilées à QSV, cela créerait une lacune dans la série de mots qu- pouvant être utilisés dans la structure QESV. Dans les études quantitatives qui seront citées plus tard, ce type de question est généralement traité comme un exemple de QESV.

e) De même, on a parfois proposé, notamment dans les recherches générativistes, que les IPs dans lesquelles le groupe qu- est le sujet pourraient être considérées comme des occurrences de QSV, dans lesquelles la position sujet serait ‘vide’:

(17)  qui y a été ?

Mais de tels exemples n’ont pas la même valeur socio-stylistique que QSV proprement dite – là où il y a incontestablement une antéposition-, et il nous semble préférable de les traiter comme une variante distincte, Q=S V.

f) Dans les questions commençant par qu'est-ce qui, il n’y a pas non plus de sujet distinct, mais on assimile souvent ce type à la variante QESV.

g) Une séquence qui ressemble superficiellement à SVQ se trouve dans l’exemple suivant, mais il ne s’agit pas d’une proposition interrogative, car y a devant combien sert de préposition (cf. pendant, depuis) :

(18)  je te parle euh de ça y a mes grands-parents l'ont connu / bon y a combien alors ? - ça devait être euh vers dix-neuf cent vingt des choses comme ça /

h) Les interrogatives, tout comme les déclaratives, peuvent se combiner avec les dislocations de différents types :

(19)  (a) vélo c'est quoi ?
(b) il est connu Brassens en Angleterre ?

Mais, plutôt que de proposer d’établir une série de nouvelles variantes interrogatives à dislocation, de telles occurrences peuvent être analysées en termes des structures que nous avons déjà évoquées – c’est-à-dire, pour les deux exemples ci-dessus, SVQ et SV?, respectivement.

 


2. Références bibliographiques importantes.


(* = études quantitatives basées sur un corpus de français parlé ou de pièces de théâtre)

*Behnstedt, P. (1978). Viens-tu ? Est-ce que tu viens ? Tu viens ? Formen und strukturen des direkten Fragessatzes im Franzosischen. Tübingen : Narr.

Sur la base du plus grand corpus analysé dans ce domaine, cette thèse allemande examine non seulement les différences entre plusieurs sociolectes/registres, mais également l'influence exercée sur la variation par des facteurs linguistiques, par ex. l’identité du mot qu-.

Blanche-Benveniste, C. (1988). « Éléments pour une analyse du mot quel ». In : Blanche-Benveniste, C., Chervel, A. et Gross, M. (dirs.) Grammaire et histoire de la grammaire. Hommage à la mémoire de Jean Stéfanini. Aix-en-Provence : Publications de l’Université de Provence. pp. 59-75.

Blanche-Benveniste, C. (1997). « À propos de Qu'est-ce que c'est et C'est quoi… » Recherches sur le Français Parlé, 14 : 127-146.

Ces articles analysent deux aspects du domaine, avec des exemples abondants en provenance du corpus oral du GARS.

Borillo, A. (1978). Structure et valeur énonciative de l’interrogation totale en français. Thèse de doctorat, Université de Provence.

Cette thèse d'État de plus de 800 pages constitue une des études les plus approfondies sur la syntaxe et la pragmatique de ce domaine; particulièrement riche sur les questions rhétoriques et les questions orientées.

Boucher, P., Fournier, J-M. & Roulland, D. (dirs.) (1994-5). Interrogation. Des marques aux actes. (= Travaux linguistiques du CERLICO, 7-8.) Presses universitaires de Rennes.

Les actes de deux colloques consacrés à différents aspects de l'interrogation, en français et dans plusieurs autres langues.

*Coveney, A. (1995). « The use of the QU-final interrogative structure in spoken French ». Journal of French Language Studies, 5 : 143-171.

Une étude quantitative sur les facteurs linguistiques et pragmatiques favorisant l’emploi de SVQ plutôt qu’une des structures à mot interrogatif antéposé (corpus : environ 1000 occurrences). Il s’agit d’une étude distincte de celle de Coveney 1996, basée sur un corpus différent, la ‘York Child Language Survey’.

*Coveney, A. (1996). Variability in Spoken French : a sociolinguistic study of interrogation and negation. Exeter : Elm Bank Publications (réimpression en 2002 avec un Supplément, publiée par Intellect Books, Bristol).

Une étude qui examine les interrogatives totales et partielles, à partir d'un corpus d’entretiens informels avec des locuteurs originaires de Picardie. Le nombre d’interrogatives y est nettement inférieur à celui dans la ‘York Child Language Survey’, mais les occurrences sont examinées minutieusement. Un chapitre est consacré à l'élaboration une taxinomie pragmatique, et un autre à une description des contraintes linguistique et pragmatique (au sens variationniste) qui exercent une influence sur la variation entre les différentes structures.

Foulet, L. (1921). « Comment ont évolué les formes de l'interrogation ». Romania, XLVII, 186-187 : 243-348.

En plus d'abondants exemples historiques, cet article passe en revue les données de l'Atlas linguistique de la France.

Fromaigeat, E. (1938). « Les formes de l'interrogation en français moderne : leur emploi, leurs significations et leur valeur stylistique ». Vox Romanica, 3 : 1-47.

De très nombreux exemples, surtout littéraires, avec des observations très fines sur les dimensions pragmatique et socio-stylistique.

Gadet, F. (1989). Le Français ordinaire. Paris : Colin.

Une présentation très claire et riche en exemples, notamment pour l'oral, y compris les variétés les plus populaires.

Huddleston, R. (2002). « Clause type and illocutionary force ». In : Huddleston, R. et Pullum, G. (dirs.) The Cambridge Grammar of the English Language. Cambridge University Press. pp. 851–945.

Cet important chapitre expose de manière lucide et exhaustive les grands problèmes dans le domaine de la pragmatique des interrogatives.

Jones, M. A. (1996). Foundations of French syntax. Cambridge University Press, pp. 28-9; 463-497.

Se basant sur les études générativistes de Ruwet, Kayne et autres, cet ouvrage donne un aperçu extrêmement lucide du traitement des interrogatives directes dans cette approche, notamment en termes des transformations Antéposition de Qu-, Inversion du Sujet Clitique et Inversion Stylistique (c’est-à-dire, Inversion du GN sujet).

König, E. et Siemund, P. (2006). « Speech act distinctions in grammar ». In : Shopen, T. (dir.). Language Typology and Syntactic Description, Volume 1, Clause Structure (2nd edition). Cambridge University Press. pp. 276-324.

Une mise à jour du chapitre de Sadock et Zwicky (dans la première édition de l'ouvrage), consacré à une étude typologique des réalisations dans les langues du monde des principaux 'actes de parole'.

Korzen, H. (1985). Pourquoi et l’inversion finale en français : Étude sur le statut de l’adverbial de cause et l’anatomie de la construction tripartite. Copenhague : Munksgaard.

Adopte une approche pragmatique pour expliquer l'agrammaticalité d'interrogatives en QV GN avec pourquoi. Limpide et très riche en exemples.

Marchello-Nizia, C. (2003). « Le français dans l'histoire ». In : Yaguello, M. (dir.) Le Grand livre de la langue française. Paris : Seuil. pp. 11-90. (pp. 73-9 sur les phrases interrogatives)

En sept pages, un excellent résumé de l'évolution des formes interrogatives en français.

*Quillard, V. (2000). Interroger en français parlé : études syntaxique, pragmatique et sociolinguistique. Thèse de Doctorat. Université François Rabelais, Tours.

Une thèse récente basée sur un grand corpus parlé, qui comprend différents types de discours. L'analyse est à la fois pragmatique et sociolinguistique.

Renchon, H. (1969). Études de syntaxe descriptive. Tome II. La syntaxe de l’interrogation. (Nouveau tirage avec note complémentaire de l’auteur). Bruxelles : Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.

Une étude très riche en exemples littéraires.

Rowlett, P. (2007). The Syntax of French. Cambridge University Press. pp. 188-233.

Une nouvelle synthèse, technique mais très lucide, du point de vue de la théorie chomskyenne.

Sadock, J. et Zwicky, A. (1985). « Speech act distinctions in syntax ». In : Shopen, T. (dir.). Language typology and syntactic description, vol. 1, Clause structure. Cambridge University Press. pp. 155-96.

*Söll, L. (1982). « L'interrogation directe dans un corpus de langage enfantin ». In : Hausmann, F-J. (dir.) Études de grammaire française descriptive. Heidelberg : Groos.

Une étude quantitative d'un grand corpus de langage enfantin (9 ans).

*Terry, R. M. (1970). Contemporary French interrogative structures. Montréal et Sherbrooke : Éditions Cosmos.

Une étude quantitative d'un grand nombre d'occurrences tirées du théâtre du boulevard des années 1950 et 1960.

Tuaillon, G. (1975). « Analyse syntaxique d'une carte linguistique : ALF 25 : ‘Où vas-tu ?’ ». Revue de Linguistique Romane, 39 : 79-96.

 


3. Les données.



3.1. Critères de reconnaissance.

Les critères qui permettent de reconnaître les interrogatives directes sont multiples et très divers :

- Critères morphologiques : présence d’un mot qu- (qui, que, quoi, quel, lequel, où, quand, comment, combien, pourquoi) ; présence d’une particule interrogative, notamment est-ce que/qui, mais aussi l’enclitique -ti dans certaines variétés.

- Critères syntaxiques : inversion du verbe et de son sujet, clitique ou nominal.

- Critères prosodiques et de ponctuation : souvent – mais pas toujours – intonation finale montante, en particulier pour les interrogatives du type SV? ; de manière plus générale, la prosodie de l’énoncé interrogatif lui-même et de son contexte immédiat peut jouer un rôle primordial. Même le point d’interrogation s’avère moins simple qu’il ne le semble au premier abord comme marque d'une interrogative directe.

- Critères discursifs et pragmatiques : Le contexte est souvent déterminant, premièrement en ce qui concerne l’interprétation d’un énoncé comme interrogatif, et deuxièmement pour son interprétation sémantico-pragmatique plus précise, en termes de force illocutoire, orientation etc.

Dans les paragraphes suivants, nous verrons quelques exemples de la mise en application de certains de ces critères, au cours du processus d’identification des différentes structures interrogatives.

a) Certains énoncés ressemblent superficiellement à SVQ : par exemple, Tu sais quoi ? et Tu sais pourquoi ?, utilisés comme 'préannonces'. Or, si ces phrases étaient effectivement des IPs, elles pourraient accepter comme réponses, par exemple, ‘Je sais beaucoup de choses’ et ‘Parce que je suis très cultivé’. Il est clair que de tels exemples sont en réalité des interrogatives totales, et non partielles, et que le locuteur, s'il attend une réponse, pense que celle-ci sera ‘non’. Le mot qu- appartient à une interrogative indirecte elliptique : ex. Tu sais [pourquoi ça s'est passé comme ça] ? (en anglais, cette structure a été nommée 'sluicing' : Ross, 1967). Un équivalent plus formel de Tu sais pourquoi ? serait Sais-tu pourquoi ?, qui est, bien entendu, une IT, malgré la présence de pourquoi.

b) Certains exemples d’IPs ne se distinguent d’exclamatives que par leur prosodie :

(20)  Qu’est-ce que tu chantes bien ?/ !

Les transcripteurs emploient parfois un point d’exclamation à la fin d’une question rhétorique, laissant ainsi la pragmatique l’emporter sur la syntaxe :

(21)  Qu'est-ce que j'en ai à foutre !

c) Certaines occurrences de SVQ ressemblent fortement à des séquences dans lesquelles le groupe qu- n’est pas lié syntaxiquement à la matière linguistique qui le précède. La disjonction est marquée tantôt par une pause sonore (notamment dans le cas d’une ‘autoréparation’), tantôt par une intonation descendante sur la syllabe qui précède le groupe qu- (dans le cas d’une frontière syntaxique prévue par le locuteur) :

(22)  à l'Ecole des Beaux Arts oui. / j'en ai fait euh combien ? quatre euh quatre cinq ans /

(23)  c'est une question de moyens / la preuve c'est que les gens - à faible revenu ils ont beaucoup d'enfants. pourquoi ? parce qu'ils sont aidés et assistés. /

Dans le premier de ces deux exemples, il semble que le locuteur a eu du mal à se souvenir du nombre d’années dont il était question, et qu’il a donc interrompu sa phrase (déclarative) pour se poser la question (combien ?), avant de poursuivre. Dans le deuxième exemple, le locuteur parlait rapidement et n’a pas laissé de pause entre la fin de la déclarative (d’enfants) et le mot qu- interrogatif indépendant (pourquoi).

d) L’emploi non standard de qu’est-ce que et qu’est-ce qui comme formes relatives (au lieu de ce que et ce qui) dans certains contextes mène quelquefois à des ambiguïtés avec les interrogatives en QESV :

(24)  ... le travail de la journée c'est un peu voir / "bon - où on en est ? euh qu'est-ce qui se passe ? euh" // avec des interventions euh - ou ponctuelles ou ou même plus longues /

En raison des pauses et de la prosodie, nous avons interprété l’interrogative soulignée comme directe, puisque faisant partie d’une citation. Dans des exemples de ce type, le transcripteur donne l’interprétation qui lui paraît la plus plausible, mais il faut reconnaître qu’il reste une part d’incertitude. Dans une autre interprétation, l’extrait ci-dessus comporterait des interrogatives indirectes, dépendantes de voir :

(25)  le travail de la journée c'est un peu voir / bon - où on en est euh qu'est-ce qui se passe euh // avec des interventions euh - ou ponctuelles ou ou même plus longues /

e) Faut-il classer SV? comme une interrogative, ou plutôt comme une déclarative qui, accompagnée d’une prosodie appropriée, puisse servir à poser une question ? Cette deuxième position est celle souvent adoptée pour la structure analogue en anglais, en partie puisque cette structure est ‘marquée’ (c’est-à-dire, dans ce cas, peu fréquente) pour les questions totales dans cette langue. Mais en français parlé, SV? est de loin la structure la plus fréquente pour les questions totales, et par conséquent son statut est beaucoup plus proche de celui que l’on trouve dans des langues où l’intonation montante est le seul trait qui différencie une interrogative totale d’une déclarative (cf. Sadock et Zwicky, 1985 ; König et Ekkehard, 2006). Cependant, il faut noter également qu'en réalité l’intonation de ces énoncés en français n’est pas toujours montante, surtout lorsque le contexte suffit à lui seul à indiquer que le sens voulu par le locuteur est bien celui d’une question.

f) En français écrit, certaines phrases se terminent en un point d’interrogation, sans pour autant qu’elles soient des interrogatives directes – c’est le cas notamment des phrases commençant par Si ou Et si, employées pour faire une suggestion, une requête ou une hypothèse :

(26)  (a) Si on faisait une partie de scrabble ?
(b) Et si tu me disais la vérité ?
(c) Et si la terre était plate ?

Dans la représentation écrite de la langue parlée, le point d’interrogation sert aussi parfois à indiquer une demande d’information exprimée par une interrogative indirecte :

(27)  je sais pas si vous allez à Paris souvent ?


3.2. Variations

3.2.1. Oral vs. écrit :

Il s’agit pour la plupart de tendances quantitatives, plutôt que d’une ségrégation absolue : en effet, tout ce qui peut s’écrire peut également se dire, au moins dans un style très formel proche de l’écrit oralisé; et les structures plus typiques de la langue parlée se rencontrent aussi à l’écrit, par exemple dans le dialogue d’un roman ou dans une bande dessinée. En dehors du dialogue cependant, la structure SV? est très rare à l’écrit, en raison évidemment de l’absence d’indices prosodiques. Lequel et ses variantes sont très rares dans la langue parlée informelle, quelle que soit la structure concernée.

Dans le Tableau 1 (adapté de Coveney, 1996), nous essayons de présenter un consensus concernant la valeur socio-stylistique accordée par les grammairiens à chacune des variantes interrogatives. (Il s’agit peut-être plutôt de ‘lieux communs’, puisque tout le monde ne serait pas d’accord avec cette évaluation. Il faut souligner aussi que l’oral est différent de l’informel.)

Tableau 1 : Évaluation socio-stylistique des variantes de l’interrogation totale et partielle

  Totale Partielle
Ecrit formel, parlé soutenu V-CL QV-CL
Neutre - Q=S V, QV GN
Neutre (mais parfois 'inélégant' à l'écrit) ESV QESV
Familier (mais non stigmatisé à l'oral) SV SVQ
Hypercorrection E GN V-CL Q=S V-CL
Familier / populaire - QSV, seQkSV
Populaire - QkSV, QsekSV
Rural / populaire SV-ti -

Remarque : La structure ESV peut s'employer dans la langue écrite, notamment dans des phrases longues ou complexes, lorsque est-ce que signale l'interrogation vers le début de la phrase.

3.2.2. Variation dans le temps et l’espace :

Selon certains écrivains, la particule postverbale -ti (T'as-ti tout ?) était caractéristique du français populaire de Paris jusqu’au milieu du XXe siècle, mais d’autres jugent qu’il s’agit d’un stéréotype mythique, qui n’a jamais réellement existé dans la langue de la capitale. Blanchet (1995) a observé que cette forme s’utilise encore à Nantes, mais pas du tout en Provence. Presque toutes les études quantitatives sur corpus réalisées depuis les années 1960 signalent l’absence complète de -ti, et il semble raisonnable par conséquent de la considérer comme une forme à la fois archaïque et ludique.

Quant à l’inversion du sujet clitique, Blanchet indique qu’à Nantes elle s’emploie fréquemment même dans les styles informels, tandis qu’en Provence elle s’entend rarement et exclusivement en discours soutenu. Mais là encore, plusieurs études sur corpus ont montré que cette variante est généralement absente – ou presque – de la langue parlée informelle dans la plupart des régions de France. (Certaines études indiquent qu'elle est plus fréquente en Belgique.) Même à l’écrit, certaines formes sont incontestablement archaïques, notamment les inversions de je avec un verbe de la première conjugaison au présent :

(28)  *Continué-je ?; *Qu'oublié-je ?

L’inversion de je résiste un peu mieux avec les verbes irréguliers (par ex., dois-je, suis-je, puis-je), même si veux-je a presque disparu.

Certaines autres occurrences de l’inversion clitique sont rares à l’oral, et d’autres sont déjà jugées comme agrammaticales :

(29)  Le dit-on ?; *Seront-ce … ?

Par contre, certaines occurrences figées de l’inversion clitique restent bien vivantes, notamment avec les verbes irréguliers les plus fréquents (Quelle heure est-il ? Comment se fait-il que … ? Comment veux-tu que … ? Où allons-nous ? Comment dirai-je ?, Où en étais-je ? ), même si d’autres semblent avoir disparu, ou presque, au cours du XXe siècle (Plaît-il ? Qu’est-ce à dire ? et même N'est-ce pas ?). Dans le français parlé informel, les marqueurs discursifs avec inversion, tels que voyez-vous ?, sont moins fréquentes que leurs équivalents sans inversion, comme (vous) voyez ?.

À la différence de l’inversion clitique, ‘l’inversion stylistique’ est encore bien vivante dans la langue parlée : des questions en Où est … sont même parmi les premières à apparaître chez les enfants. La faible fréquence de Q V GN dans les études quantitatives s’explique par le fait que les sujets nominaux sont beaucoup moins nombreux dans le discours que les sujets pronominaux, mais cette faible fréquence n’indique pas que cette structure soit en voie de disparition.

3.2.3. Innovations.

(a) SVQ.

On trouve peu de traces de la structure SVQ avant la fin du XIXe siècle. Dans une étude de la carte 25 ("Où vas-tu ?") de l'Atlas linguistique de la France, Tuaillon (1975) note qu’elle n'y figure pas du tout, et il l'appelle 'le dernier-né' des tours interrogatifs. À son avis, cette variante s'est répandue seulement après 1945. Pourtant l’absence de SVQ dans l’ALF n’indique pas forcément que cette structure était inconnue dans les dialectes de cette époque : il se peut que son absence soit plutôt attribuable au fait qu’elle ne s’employait que dans un contexte discursif particulier, peu susceptible d’être produit par les informateurs de l'ALF. Dans une étude récente d'un corpus oral important, Quillard (2000) a trouvé que SVQ est utilisée davantage par les locuteurs âgés de moins de 35 ans. Il semble donc probable que cette structure est en train de gagner du terrain en français familier. En parallèle, on a remarqué l'emploi – nouveau ? – d'une structure analogue dans les interrogatives indirectes : par ex. ça dépend c’est quoi (Gadet, 2007 : 68).

(b) Qu’est-ce que au lieu de pourquoi, dans des reproches et critiques.

Une autre innovation possible est l’emploi de qu’est-ce que à la place de pourquoi, dans certaines questions rhétoriques employées comme des reproches ou critiques : Qu’est-ce t’as été te mêler de ça, toi ?! C’est pas ton problème ! (exemple du film Raï, de Thomas Gilou, 1995). Cet usage semble être assez fréquent dans le ‘français des banlieues’, et il est le sujet d’une thèse en cours à Exeter (L. Dekhissi).


3.3. Données quantitatives

Depuis les années 1960, on a réalisé plusieurs études quantitatives des interrogatives directes en français, et dans les deux tableaux suivants (adaptés de Coveney, 1996), nous donnons un aperçu des résultats de ces enquêtes.

Tableau 2 : Fréquence des variantes de l’Interrogation Totale (deuxième moitié du XXe siècle):

Variété V-CL ESV SV
1.radio 20% 39% 41%
2. théâtre 11,2% 3,2% 85,5%
3. bourgeois familier 10% 90%
4. enfants (9 ans) 1,3% 7,7% 90,9%
5. ouvriers 5% 95%

Légende : 1. Behnstedt, 1973 (N = 12069); 2. Terry, 1970 (N = 3016); 3. Behnstedt, 1973 (N = c.900); 4. Söll, 1982 (N = 452); 5. Behnstedt, 1973 (N = c.1100).

La légende du Tableau 2 indique, pour chaque ligne, la source des données, ainsi que le nombre d’occurrences à partir duquel sont calculées les fréquences relatives. Le corpus radiophonique datant des années 60-70 représente une variété proche de ce que certains appellent ‘l'écrit oralisé’ (texte lu). Pour les autres variétés, la préférence pour SV est massive, et l’inversion clitique est quasi absente de la langue parlée spontanée. Dans le corpus des enfants, toutes les occurrences de V-CL sauf une (As-tu regardé Télé-Dimanche ?) étaient en fait des citations de la bande sonore d’un film. L’inversion complexe (GN V-CL) est extrêmement rare dans ces corpus, parfois même complétement absente.

Tableau 3 : Fréquence des principales variantes de l'Interrogation Partielle (deuxième moitié du XXe siècle):

Variété SVQ QSV QkSV QESV QV-CL QV GN
1.radio 25 10 0 3 50 12
2. théâtre - 12,5 - 38,9 48,6
3. bourgeois familier 33 46 0 12 3 2
4. enfants (9 ans) 12,9 31,6 6,9 41,5 3,6
5. ouvriers 12 36 26 8 9

Légende : 1. Behnstedt, 1973 (N= 4 367); 2. Terry, 1970 (N = 1 515); 3. Behnstedt, 1973 (N = 446); 4. Söll, 1982 (N = 364); 5. Behnstedt, 1973 (N = 587).

Dans le Tableau 3, nous avons omis les chiffres pour quelques variantes ‘mineures’, à savoir QksekSV, QsekSV et seQkSV, ce qui explique le fait que, pour quelques variétés, le total des fréquences relatives ne soit pas 100%.

Ce tableau montre des différences quantitatives importantes en ce qui concerne les principales variantes d’IP, par exemple :
- La structure QSV figure nettement moins dans le corpus radiophonique que dans les trois corpus de langue spontanée ;
- La variante ‘populaire’ QkSV est absente des trois premiers corpus, présente mais peu fréquente chez les enfants et assez fréquente chez les ouvriers ;
- L’inversion clitique, massivement présente dans le corpus radio, est quasiment absente du langage des enfants et des ouvriers.

À certains égards, les fréquences ‘brutes’ que l'on voit dans les Tableaux 2 et 3 peuvent être trompeuses, car elles donnent l’impression que, chaque fois qu’un locuteur emploie une interrogative directe, il peut choisir n'importe quelle variante. Or, ceci n’est évidemment pas le cas. Pour prendre un exemple simple, la variante QV GN n’est possible que lorsque le sujet du verbe est un GN. Et tandis que l’inversion clitique est massivement évitée par les locuteurs contemporains dans les contextes où elle est possible, l’inversion du GN est encore employée la plupart du temps lorsqu’elle est possible. Nous pouvons en conclure que QV GN est en ‘meilleure santé’ que QV-CL, qui semble avoir quasiment disparu du style vernaculaire (au sens labovien du mot). C’est pour cette raison que Coveney (1996) a proposé un type de quantification différente, qui tient compte du nombre d’occurrences potentielles de chaque variante dans un corpus donné. (Dans cette perspective, la notion d’occurrence potentielle veut dire que l’analyste juge qu’un locuteur aurait pu employer telle variante au lieu d’une autre, dans le même contexte discursif et pragmatique, sans changer le sens ou la fonction communicative de son énoncé.)

 


4. Analyses descriptives.



4.1. Distributions

(a) La distribution des variantes a été examinée en détail par les grammairiens et par des chercheurs travaillant dans les différents courants de la linguistique moderne. Les grandes lignes de cette distribution peuvent être résumées sous forme de règles indiquant les éléments contextuels qui rendent telle ou telle structure agrammaticale. (Certains auteurs préfèrent structurer leur présentation plutôt en fonction des éléments contextuels, par exemple, la nature du sujet et l’identité du mot qu-.)

(b) Nous ne parlerons pas de certaines contraintes qui semblent découler logiquement des principes de base de la grammaire du française moderne, par exemple :

*V GN (*Chante Pierre ?) ;
*QV-CL, si Q = sujet (*Qui a-t-il chanté ?).

(c) Certaines contraintes sont peut-être universelles, pour des raisons sémantiques. Par ex. le statut inacceptable de certaines IPs négatives (*Comment n'a-t-il pas réparé la voiture ?). D'autres montrent que la structure en cause a perdu du terrain historiquement – c'est le cas de plusieurs contraintes sur l'inversion.

(d) D'autres contraintes ne sont plus catégoriques si le contexte est modifié, notamment si la phrase est rendue plus longue :

(30)  (a) ?Que cela signifie-t-il ?
(b) Que cela signifie-t-il lorsqu'un étudiant se lève et sort de l'amphithéâtre ?

La référence dans l’exemple (30b) est cataphorique. La présence de particules comme déjà et donc semble, elle aussi, annuler l’effet de certaines contraintes :

(31)  Où Françoise va déjà ? (cf. *Où Françoise va ?)

(e) Remarques préliminaires sur que et quoi.

Que et quoi sont généralement en distribution complémentaire (que étant l'allomorphe clitique de quoi), comme le montre le Tableau 4.

Tableau 4 : Distribution de quoi et que.

- QV CL QV GN QESV QSV SVQ
Si Q=quoi * * * ?*
Si Q=que * *

Exemples : *Que tu faisais ?, *Quoi tu faisais ? (Mais dans certaines variétés - par exemple au Canada, en Valais et sur le web - on peut utiliser effectivement QSV avec quoi.)

Puisque que est un clitique, il ne peut pas être séparé du verbe par un sujet nominal :

(32)  *Que les autres font-ils ? (*Q GN V-CL, si Q = que)

Mais, comme c'est le cas avec certaines autres contraintes, on rencontre néanmoins parfois des contre-exemples :

(33)  Que le gouvernement cherchait-il donc à cacher ? (http://www.senat.fr/rap/r00-414/r00-4140.html)

Notons l'acceptabilité d'une séquence dans laquelle que est séparé du verbe par un autre clitique :

(34)  Que vous a-t-il dit ?

Dans une étude d’interrogatives directes dans lesquelles l’élément qu- est l’attribut de être, Blanche-Benveniste (1997) a analysé en détail la distribution de que et quoi. Elle a observé par exemple qu’il existe une tendance à employer celui-là dans des demandes d’une définition générale (qu'est-ce que c'est, un X ?), et celui-ci lorsque le locuteur demande la définition d’un terme qui vient d’être utilisé par son allocutaire (c'est quoi, un X ?). Blanche-Benveniste a mentionné également que les deux structures peuvent être employées par une même personne, parfois dans la même situation. (Nous reviendrons sur ce point plus tard.) Dans une perspective variationniste, on peut appeler ce phénomène ‘variation inhérente’.

(f) *V-CL et *QV-CL, si S = je, et V est au présent.

Sauf pour un petit nombre de verbes irréguliers et très fréquents (suis, ai, dois, fais, sais, puis), l'inversion clitique est devenue agrammaticale dans ce contexte :

(35)  *Comment m'impliqué-je là-dedans ? (cf. Comment je m'implique là-dedans ?)

L'inversion est rare aussi pour les autres temps du verbe, si S = je (par ex., Allais-je à Paris ?), sauf dans des formes figées, telles que Où en étais-je ?

(g) Bon nombre d'autres cas possibles d'inversion clitique sont devenus tellement rares qu'ils semblent frôler l'inacceptabilité dans la langue parlée :

(36)  (a) Était-ce ce matin ou hier ?
(b) Sera-ce dix ans ?
(c) Sont-ce des garçons intelligents ?
(d) Manipule-t-on ?
(e) Marchaient-ils bien ?
(f) Les as-tu vus ?

(h) *QV GN, s'il y a un complément d'objet direct; *QV GN, si Q = pourquoi.

Depuis le XVIIIe siècle, l’inversion d’un GN est agrammaticale dans ces deux contextes :       

(37)  (a) *Où passent les autres leurs vacances ? (b) *Pourquoi sont partis les autres ?

La possibilité d'ambiguïté a peut-être joué un rôle dans la disparition d'occurrences du premier type, mais ce facteur ne semble pas en jeu dans le deuxième.

(i) *SVQ, si Q = pourquoi.

Jusqu'à récemment, pourquoi semblait également inacceptable dans une des autres variantes, SVQ, même si les grammaires parlent peu de cette structure. Cependant, SVQ semble devenir plus fréquent dans la langue parlée, et en même temps on rencontre parfois des exemples comme :

(38)  Ils votent pour Le Pen pourquoi ? (N. Sarkozy, dans l’émission J'ai une question à vous poser, TF1, 5.2.07).

Dans certains cas, un pourquoi postverbal est elliptique, non intégré à la proposition qui précède, et à l’écrit, ceci est parfois indiqué explicitement par la ponctuation :

(39)  Vous citez souvent Wittgenstein, pourquoi ? (P. Bourdieu, Choses dites, 1987, p. 19)

En anglais les IPs in situ sont nettement moins fréquentes que les occurrences de SVQ en français et elles sont limitées à des contextes pragmatico-discursifs bien précis (notamment, les questions écho, les interrogatoires, les jeux test). Il est néanmoins intéressant de noter que l'équivalent anglais de pourquoi, why, est également peu acceptable en position postverbale. Ceci laisse à supposer qu'il existe une raison sous-jacente à ce phénomène. Selon Korzen (1990), pour le français, et Bolinger (1978), pour l’anglais, pourquoi et why sont moins acceptables en position postverbale, en raison de la faiblesse relative du lien sémantico-syntaxique entre le verbe et l’argument représentant la finalité : de tels arguments ne sont obligatoires avec aucun verbe et sont probablement moins fréquents dans le discours que les autres types d’argument. Cependant, SVQ est tout à fait acceptable si on remplace pourquoi par pour quelle(s) raison(s) :

(40)  Vous continuez pour quelles raisons ?

(j) ?QSV, si Q = quand.

La possibilité (théorique) de QSV avec quand n’est pratiquement pas attestée dans les corpus (Benzitoun, communication personnelle), et Behnstedt (1978) a trouvé que la moitié de ses répondants jugeaient une telle structure inacceptable :

(41)  ?/*Quand ça commence ?  ?/*Quand il arrive ?

Pourtant les mêmes séquences sont fréquentes en tant que subordonnées non interrogatives, et c’est probablement l’ambiguïté potentielle qui explique le fait que les locuteurs évitent cette structure dans un contexte interrogatif (cf. Benzitoun, 2006).

(k) QV GN (ou QV-CL) obligatoire, si Q = quel, V = être.

Si quel(le)(s) représente l’attribut d’un sujet nominal, QV GN est la seule structure interrogative possible :

(42)   Quels sont les auteurs que vous aimez ?

Si le sujet est un clitique, on peut trouver QV-CL (mais de telles occurrences sont assez rares dans la langue parlée) :

(43)  Quels sont-ils ?

Les autres variantes sont exclues de ces contextes :

(44)  (a) *Les auteurs que vous aimez sont quels ? (*SVQ)
(b) *Quels est-ce que les auteurs que vous aimez sont ? (*QESV)
(c) *Quels les auteurs que vous aimez sont ? (*QSV)
(d) *Ils sont quels ? (*SVQ)
(e) *Quels est-ce qu’ils sont ? (*QESV)
(f) *Quels ils sont ? (*QSV)

Si on remplace quels par lesquels, SVQ devient acceptable, mais de tels exemples semblent inclure une présupposition plus forte (‘Vous aimez certains auteurs’) :

(45)  Les auteurs que vous aimez sont lesquels ? Ils sont lesquels ? (SVQ)

(l) Antéposition inacceptable, si Q est à l’intérieur d’un GN.

Si le groupe qu- se situe au sein d’une proposition relative ou d’un autre type de GN, seule la structure SVQ est possible :

(46)  (a) C'est une association qui a été fondé quand ?
(b) *Quand est-ce que c'est une association que vous avez fondée ?
(c) Vous êtes dans un magasin de quoi ?
(d) *De quoi vous êtes dans un magasin ?

Étant donné que l’on ne peut pas en ‘extraire’ le groupe qu-, les générativistes ont appelé les GN de ce type des ‘îles’. Mais notons que, dans les subordonnées non relatives, l’antéposition de qu- a lieu sans difficulté : 

(47)  (a) Tu penses qu'elle gagne quoi ?
(b) Qu'est-ce que tu penses qu'elle gagne ?

Malgré l’absence d’attestations à l’écrit, on peut imaginer que des exemples ‘catégoriques’ de SVQ (là où l’antéposition est inacceptable) ont toujours existé dans la langue parlée, bien avant la montée (apparemment récente) de SVQ en tant que structure interrogative à part entière. Le fait que ces occurrences semblent caractéristiques d’un langage spontané, presque imprévu, explique peut-être leur absence de documents écrits.

(m) *QSV, si S = GN, et si V est monosyllabique.

(48)  *Où Jean va ?

Mais, comme nous l’avons évoqué ci-dessus, la présence d’un marqueur discursif (par ex. déjà), peut rendre de tels exemples acceptables, peut-être simplement parce que ce marqueur sert à rallonger le groupe verbal :

(49)  Où Françoise va déjà ?

(n) Les interrogations négatives (‘interro-négatives’).

Certains auteurs ont signalé que SVQ est impossible lorsque la phrase est négative :

(50)  *Tu n'as pas réparé la voiture comment ?

Mais bon nombre de questions négatives potentielles – y compris celle-ci – sont tellement étranges du point de vue sémantico-pragmatique que l’on a du mal à imaginer un contexte dans lequel elles seraient utilisées, même s’il y a antéposition du groupe qu- :

(51)  ?Comment tu n'as pas réparé la voiture ?

Demander comment une action a été faite présuppose toujours qu’elle a été effectivement faite. En revanche la question équivalente avec pourquoi est tout à fait normale :

(52)  Pourquoi tu n'as pas réparé la voiture ?

Dans le langage de tous les jours, les IPs négatives sont peu fréquentes : par exemple, dans le corpus de Picardie la seule occurrence est :

(53)  Qui ne fait pas d'erreur ?

Il s’agit bien entendu d’une question rhétorique, ayant comme valeur ‘Tout le monde fait des erreurs !’ (‘Personne ne fait pas d’erreur !’). Les interrogations négatives servent toujours à poser une question orientée, et les questions rhétoriques peuvent être considérées comme un type de question orientée. On pourrait émettre comme hypothèse que la plupart des IPs affirmatives ont difficilement un équivalent négatif – ou si elles en ont un, il sera souvent interprété comme une question rhétorique :

(54)  Où n’a-t-il pas laissé sa voiture ? (‘Il n’a pas laissé sa voiture nulle part !’ = ‘Il a laissé sa voiture partout !’)

La présence d’un adverbe comme encore rend une question négative plus usuelle, même lorsqu’il ne s’agit pas d’une question rhétorique :

(55)  Qu’est-ce que tu n’as pas encore nettoyé ?


4.2. Études contrastives

a) Depuis quelques années, les études explicitement contrastives sont favorisées par les générativistes (par ex., Pollock et alii, 2001). En dehors de la grammaire générative, les études explicitement contrastives de ce domaine ne semblent pas très nombreuses (mais, par ex., Chuquet et Wass, 1994).

b) On a attribué la présence en français de QV-CL à l’influence germanique, puisque cette structure connaît un équivalent dans les langues germaniques mais est absente de la plupart des langues romanes. (Il faut ajouter cependant que, dans les langues germaniques, les sujets pronominaux ne sont pas des clitiques.) Par contre QV GN est considérée comme une structure proprement romane.

c) Dans le numéro 141 de Langue française, consacré aux contrastes entre le français et les autres langues romanes, Barra Jover (2004) attire notre attention sur le fait que l’émergence de SVQ en français semble avoir eu lieu à la même époque que le déclin décisif de la particule négative ne, soit au XIXe siècle. Pour lui, ces deux développements auraient été provoqués par la perte du trait [± modal] du verbe en français populaire : dans cette variété, le verbe n’est ni précédé de ne, ni suivi d’un clitique sujet.

d) La quantité de travaux sur l’interrogation dans d’autres langues est, bien entendu, très importante. À titre d’exemple, on peut citer le volume Interrogativity, dirigé par Chisholm et alii (1984), avec ses chapitres sur le russe et le mandarin, ainsi que le volume du CERLICO (1994-5) consacré à l’interrogation, qui comporte des études sur plusieurs langues (le breton, l’albanais, l’allemand, l’anglais, le basaa). Pour l’anglais, en plus de chapitres dans les grandes grammaires de cette langue, il existe une étude fort instructive de Kontra (1980) sur l’interrogation négative. Un ouvrage important sur l’anglais, écrit dans le cadre de la ‘Head-Driven Phrase Structure Grammar’, est Ginzburg et Sag. (2000).

e) L’interrogation est un des domaines où les variétés canadiennes et américaines se distinguent le plus du français de référence (voir, par ex., les travaux de C. Lefebvre, Y. Barbarie, M. Saint-Pierre, C. Fox, M. Picard, K. Rottet, M. Elsig).


4.3. Etudes typologiques

a) Selon Sadock et Zwicky (1985), les interrogatives totales semblent exister dans toutes les langues, ce qui n’est pas le cas pour les interrogatives partielles. Certaines langues se passent de celles-ci en utilisant plutôt les IT avec des sujets indéfinis.

b) A partir des données recueillies pour le World Atlas of Language Structures, Dryer (2005) a étudié plusieurs aspects de la grammaire des interrogatives, par ex., la position des particules interrogatives dans les questions ‘polaires’.

c) Dans son survol typologique de l’IT, Feuillet (1994) signale que l’inversion est assez rare en dehors de l’Europe occidentale (surtout les langues germaniques et quelques langues romanes). Le déclin de l’inversion clitique en français parlé doit être vu dans la perspective du statut typologiquement marqué de cette structure.

d) Travaillant dans les traditions de l’anthropologie linguistique et de la socio-pragmatique, Brown et Levinson (1987) ont examiné l’expression de la politesse dans plusieurs langues, y compris l’emploi des interrogatives pour accomplir divers actes de parole tout en protégeant la face des participants dans la situation de communication.

 


5. Interprétations



5.1. Un modèle de structuration syntaxique.

a) La plupart des grammairiens et linguistes qui ont étudié différents aspects de ce domaine (histoire, variation, description synchronique, typologie) ont adopté un modèle grammatical de type traditionnel, qui correspond à ce que Dryer et autres appellent ‘Basic Linguistic Theory’.

b) Parmi les générativistes ayant examiné l’interrogation en français, on peut notamment citer R. Langacker, N. Ruwet, R. Kayne, H-G. Obenauer, M. A. Jones. Dès les débuts de la Grammaire Générative, le concept de transformation semblait se prêter particulièrement bien à l’analyse de structures comme l’inversion et l’antéposition de qu-, dans lesquelles on peut voir que certaines constituantes sont déplacées de leur position ‘logique’ ou ‘sous-jacente’. Ce point de vue accorde une importance fondamentale à la notion d’un ordre des mots canonique (par ex. Jean mange une pomme), alors que si l’on attache plus d’importance à l’usage de la langue (y compris l’histoire et la variation) on est frappé par la faible fréquence de ce type de phrase, notamment à l'oral.

c) La Théorie de l’Optimalité a été appliquée aux interrogatives en français par Myers (2007) et Hamlauoi (2010).


5.2. Interprétations sémantiques

a) Il n'est pas difficile de trouver des exemples où deux tours interrogatifs ne semblent pas signifier la même chose, dans la mesure où une des variantes convient à un contexte donné beaucoup mieux que les autres. Par exemple, on peut imaginer une alternance comme la suivante lorsqu’un parent parle à son jeune enfant :

(56)  (a) Que fais-tu, mon chéri ? (b) Mais qu’est-ce que tu fais avec ce marteau ?!

Cependant, en modulant la prosodie dans de tels exemples, il est tout à fait possible de substituer une variante à l’autre.

b) En contraste avec de tels exemples, on peut trouver des occurrences de différentes variantes employées par un même locuteur dans une même situation, où l’on doit conclure qu’il y a équivalence sémantico-pragmatique entre ces occurrences. Par exemple, devant le salon d’arrivée d’un aéroport, on a observé une personne interroger plusieurs passagers, afin de savoir s’ils avaient voyagé dans le même avion que l'ami qu'elle était venue chercher. Cette personne disait alternativement Vous venez d’où ? et D'où venez-vous ?

c) On peut également trouver des occurrences de deux variantes ayant le même contenu lexico-sémantique et remplissant visiblement la même fonction pragmatique :

(57)  (a) c'était la taille au-dessus c'était jusqu' oh y avait quoi ? - six sept des choses comme ça /
(b) y avait des fringues aussi - on faisait des vêtements. / euh qu'est-ce qu'i y avait encore ? / euh -

(58)  (a) B : oui on en était où là ? A : oui je voulais te demander …
(b) B : oui oui - où j'en étais là ? / [rires] // A : La Rochelle tout ça. /

d) Dans les films sous-titrés, il n'est pas rare de lire une occurrence d'une des structures interrogatives au même moment où l’on en entend une autre sur la bande sonore :

(59)  (bande son) Qu’est-ce qui se passe ? (sous-titres) Que se passe-t-il ?

SVQ est souvent préférée à QESV dans les sous-titres, sans doute pour des raisons d’économie. De tels exemples indiquent que les traducteurs jugent que les variantes peuvent parfois produire des énoncés équivalents.

e) Les autoréparations, elles aussi, comprennent parfois la substitution d’une variante à une autre – notamment dans les IPs. Dans les deux exemples suivants, SVQ est remplacé par QSV :

(60)  A : tu es d'où ?
B : [ne répond pas, apparemment n’ayant pas compris]
A : d'où tu es ?
B : d’Amiens.

(61)  Enfant : j peux en faire combien ?
Adulte : eh ben / pourquoi « combien » ?
Enfant : combien j peux en faire ?
Adulte : ben - avec un t en as pas assez ?

Mais puisque dans les autoréparations les locuteurs modifient parfois le sens de ce qu’ils viennent de dire, les exemples de ce genre fournissent a priori une démonstration moins convaincante de synonymie que ne le font les sous-titres.

f) On peut considérer que le problème fondamental concernant la sémantique de ce domaine est le suivant : les différentes structures ont-elles la même signification ? La réponse à cette question dépendra en partie de ce qu’on veut dire par ‘signification’. Comme c'est le cas pour la sémantique lexicale, on peut envisager différents types de synonymie, notamment synonymie absolue (dans tous les contextes et sur certaines dimensions sémantiques) et synonymie partielle (dans certains contextes et/ou sur certaines dimensions sémantiques). Dans le cas des interrogatives, il s'agirait de synonymie partielle.

g) Le concept du présupposé, à la frontière de la sémantique et de la pragmatique, est souvent invoqué pour rendre compte de différents types de question. Le contraste entre SVQ et l’antéposition de qu- a été beaucoup discuté récemment par des générativistes, ainsi que par des chercheurs travaillant dans une tradition quantitative ou variationniste. Dans la grammaire générative, l’optionalité (l’existence de deux manières de dire la même chose) va à l’encontre d’un principe fondamental de la ‘théorie minimaliste’. (En revanche, pour la linguistique historique et la sociolinguistique variationniste, la coexistence de deux ou plusieurs variantes est considérée comme faisant partie du nécessaire mécanisme du changement linguistique.)

h) Les premières études générativistes sur l’interrogation en français, ne tenaient pas compte de la variante SVQ, puisqu’elles se concentraient sur les structures du français écrit. Un des premiers générativistes à se pencher sur cette structure, Obenauer (1994) considérait que SVQ est acceptable uniquement dans des contextes où la réponse peut être jugée importante. Par conséquent, cette structure serait exclue des questions rhétoriques (où la réponse est supposée connue de l’interlocuteur), aussi bien que des questions plus ou moins rituelles, telles que Comment ça va ? (cf. #Ça va comment ?). SVQ est généralement utilisée lorsque le locuteur n’a presque aucune idée sur la réponse. Obenauer constate qu’un locuteur qui emploie la particule diable après un mot qu- implique souvent qu’il sera outré par la réponse, et a donc au moins une vague idée sur la nature de cette réponse. C’est pour cette raison, selon Obenauer, que diable est inacceptable dans les interrogatives SVQ :

(62)  (a) *Il parle de quoi diable ?
(b) De quoi diable parle-t-il ?

i) Les générativistes Boeckx (1999) et Cheng et Rooryck (2000) considèrent que SVQ s’emploie dans des ‘contextes présupposés’, alors que les IPs à antéposition se rencontrent dans des ‘contextes non-présupposés’. Ils prétendent ainsi que SVQ ne permet pas de réponse négative, à la différence d’une structure antéposée :

(63)  (a) Q : Marie a acheté quoi ?  R : *Rien.
(b) Q : Qu’est-ce que Marie a acheté ?  R : Rien.

À nos yeux cependant, il s’agit ici d’une tendance, plutôt qu’une règle absolue : après SVQ, une réponse négative est certes inattendue, mais elle n’est pas exclue pour autant. Elle serait probablement accompagnée d’une prosodie spécifique et précédée éventuellement du marqueur discursif ben, pour souligner que le présupposé n’est pas valable. (Nous reviendrons sur ces problèmes dans la section suivante.)

j) Il est clair que dès que l’on examine les énoncés interrogatifs dans leur contexte, on est obligé de faire face à différents aspects de la pragmatique, y compris le contexte discursif et la dimension socio-pragmatique (par ex., les relations entre les locuteurs).


5.3. Interprétations pragmatiques

a) Les interrogatives directes servent à remplir une très large gamme de fonctions communicatives, peut-être la plus large de toutes les structures syntaxiques. Mais la catégorisation pragmatique des énoncés réels ou authentiques est souvent problématique, car il est souvent difficile de savoir exactement quel était l'objectif communicatif du locuteur. Il l’est d’autant plus pour les interrogatives, vu le nombre très élevé de catégories pragmatiques qu’elles sont capables de représenter. Dans les paragraphes suivants, nous évoquerons quatre dimensions pragmatiques impliquées dans l’emploi des interrogatives : l’orientation, la force illocutoire, la fonction conversationnelle et une quatrième, que nous appelons ici le ‘statut pragmatique’, faute d’un terme plus répandu. Pour un énoncé donné, deux (ou plus) de ces dimensions peuvent être impliquées simultanément.

b) Une des dimensions pragmatiques qui exercent une influence sur la forme de l'interrogative est celle de l'orientation. Au lieu de questions orientées, certains parlent de questions 'dirigées', 'incitatives' ou 'implicatives'. Les questions 'insistantes' (Wagner et Pinchon, 1962 : 546) ne nous concernent pas ici, puisqu’elles prennent la forme d’une proposition déclarative suivie d'une question-tag, comme n’est-ce pas.

c) Si le locuteur donne une orientation positive à sa question, cela implique qu'il attend une réponse affirmative, tandis qu'une orientation négative implique l’attente d'une réponse négative. Dans le domaine des questions totales, en plus des questions neutres, on peut ainsi distinguer quatre types de question orientée. (Notons qu’à l’oral la prosodie joue un rôle crucial dans les questions orientées qui prennent la forme SV, ce qui est toujours le cas pour les types (i) et (iii).)

i. question affirmative, orientée positivement; exemples :

(64)  (a) ah c'était en France donc ?
(b) Tu rêves encore en anglais quand même ?

Dans ces deux exemples, le contour intonatif final est bas, la descente principale et l’accent étant sur la dernière syllabe avant la particule finale : France ou (an)glais.

ii. question affirmative, orientée négativement; exemples :

(65)  (a) mais est-ce que vous mangez vraiment de la viande en Angleterre ?
(b) bon maintenant / est-ce que c'est bon aussi ?

Ici également, le contour intonatif final est bas, et l’accent est sur vraiment et bon respectivement.

iii. question négative, orientée négativement

(66)  (a) là t as pas trop mal ?
(b) ça existe pas en Angleterre ?

Dans le second de ces exemples, c’est pas qui reçoit l’accent et qui porte la chute intonative.

iv. question négative, orientée positivement

(67)  (a) mais l'Angleterre euh c'est pas un système euh / de deux grands partis quoi ?
(b) on pourrait pas faire ceci ?
(c) j veux dire est-ce qu'on vit pas un peu sur nous-mêmes ?

Dans les deux premiers exemples, l’orientation positive se traduit par une intonation montante sur partis et ceci, mais dans le troisième le contour intonatif descend, en raison de la présence de est-ce que.

Pour les deux types de question négative, on parle parfois de négation interne ou externe (à savoir, interne ou externe à la proposition logique), et cette distinction est quelquefois marquée par des moyens morphosyntaxiques :

(68)  (a) Elle n'a pas acheté de fleurs ? (négation interne : orientation négative)
(b) Elle n'a pas acheté des fleurs ? (négation externe : orientation positive)

d) Une deuxième dimension pragmatique dans l’emploi des interrogatives est celle de la force illocutoire. Plusieurs auteurs ont tenté de classer les énoncés interrogatifs dans des catégories d'actes de parole : par ex., demande d’information, demande de confirmation, demande de conseil, demande de permission, demande d’action (requête), offre et suggestion. Puisque des interrogatives servant à accomplir ces différents actes de parole sont souvent répertoriées maintenant dans les dictionnaires bilingues (par ex., le Robert-Collins français-anglais), il serait inutile d’en présenter un inventaire ici.

e) En revanche, il nous paraît intéressant de signaler que la force illocutoire voulue par le locuteur peut exercer une contrainte sur son choix de structure interrogative. Dans l’exemple suivant, le locuteur demandait que l’on éteigne le magnétophone, et pour cette requête, il n’avait pas la possibilité d’employer ESV ou V-CL (à moins de rallonger la question par un verbe modal) :

(69)  Tu coupes un petit peu ?
#Est-ce que tu coupes un petit peu ?
#Coupes-tu un petit peu ?

(L’emploi dans ce contexte de ESV ou de V-CL aurait été incongru pragmatiquement, ce que nous indiquons par le dièse.) On peut résumer cette contrainte pragmatique par la formule suivante :

#ESV, #V-CL, comme requête, si S et V sont à la 2e p., et que le V est au présent.

f) Pour les questions rhétoriques, on dit généralement que la force illocutoire est celle d’une assertion emphatique. Selon la définition la plus courante, ce type de question implique toujours une affirmation dont la polarité est l’opposé de celle exprimée syntaxiquement:

(70)  (a) où est l'inconvénient ? (= ‘L'inconvénient n’est nulle part!’ = ‘Il n’y a pas d’inconvénient!’)
(b) qui ne fait pas d'erreurs ? (= ‘Personne ne fait pas d’erreurs!’ = ‘Tout le monde fait des erreurs!’)

Quelques questions rhétoriques sont devenues tellement fréquentes qu’elles peuvent être considérées comme des locutions figées:

(71)  (a) Où allons-nous ?
(b) Comment voulez-vous que je sache ?
(c) Qu’est-ce que tu veux que je fasse ?

Dans des études de pragmatique typologique (par ex. Brown et Levinson, 1987), on a trouvé que les questions rhétoriques prennent souvent une forme particulière pour les distinguer des questions ordinaires. En français, les questions rhétoriques de forme totale sont presque toujours marquées par est-ce que ou l’inversion clitique. Pour les questions partielles, l’antéposition semble quasi obligatoire, la structure SVQ étant incongrue pragmatiquement :

(72)  alors c'est à la fois un petit handicap mais qu'est-ce tu veux ? ça fait partie des règles de vie
#Tu veux quoi ? (pour le contexte ci-dessus)

Nous n’avons pas trouvé d’exemples réels de SVQ employée comme question rhétorique, mais cette possibilité ne semble pas totalement exclue :

(73)  Mais franchement, ça sert à quoi ? (= 'ça sert à rien !')

g) Proches des questions rhétoriques sont celles dont la force illocutoire est une assertion mitigée, et qui ont normalement une orientation, soit positive soit négative :

(74)  mais est-ce qu'on l'aura vraiment aidé pour qu'il reparte euh sur d'autres bases ? euh - c'est pas évident du tout.

h) La troisième dimension pragmatique qui nous intéresse ici, celle de la fonction conversationnelle, nous apporte des catégories telles que la question introductive de thème (‘topic-introducing question’, terme inventé, paraît-il, par Comrie pour le russe) et la pré-annonce (Schegloff) :

(75)  (a) tu sais pourquoi i n l’a pas eu ? / parce qu'il avait oublié d mettre la ceinture.
(b) alors ça consiste en quoi ? eh ben - ça consiste euh à animer / à animer un groupe d'animateurs c'est le cas de le dire.

Cette deuxième catégorie s’emploie souvent dans un certain type de blague, favorisée par les enfants :

(76)  Tu sais pourquoi y a pas de bancs dans les églises à Cuba ? Parce que les fidèles cassent trop.

i) Une quatrième dimension pragmatique pertinente est ce qu’on peut nommer le statut pragmatique de l’énoncé. On pose des questions non seulement aux autres mais également à soi-même : les grammaires appellent ce type la question délibérative. Dans les récits, bon nombre d’interrogatives se trouvent à l’intérieur de passages polyphoniques, et certaines sont à la fois des citations et des questions délibératives :

(77)  je me suis dit ‘bon euh qu'est-ce que je fais maintenant ? j'ai vingt-quatre ans est-ce que je continue ?’

j) La politesse, dimension socio-pragmatique importante de toute interaction, est rarement incorporée dans les taxinomies de fonctions communicatives, mais les grammairiens ont souvent remarqué que les interrogatives en est-ce que peuvent être employées pour exprimer la politesse. (Dans le cadre théorique de Brown et Levinson, il s’agit ici de politesse négative, celle qui nous aide à éviter, dans nos actes de parole, de menacer la face d’autrui.) Dans l’exemple suivant, la jeune locutrice interrompait un entretien enregistré entre un enquêteur et un directeur de camp de vacances (‘Bertrand’) afin de faire une demande (requête) à celui-ci. Il est très probable qu’elle a utilisé ESV pour rendre sa demande moins abrupte et plus polie :

(78)  Bertrand est-ce que je peux avoir des agrafes et de la colle ?


5.4. Interprétations discursives

a) Comme c’est le cas pour la frontière entre la sémantique et la pragmatique, la distinction entre celle-ci et l’analyse du discours n’est pas franche. Ainsi certains aspects que nous avons traités sous la rubrique de la pragmatique impliquent-ils le contexte discursif : c’est le cas notamment de la fonction conversationnelle et de la politesse. On se contentera dans cette section de faire quelques remarques concernant l’influence sur le choix de structure exercée par le statut discursif ou informationnel des différents éléments d’une interrogative.

b) Toute question partielle a comme présupposé une assertion qui contient tous les éléments de la question sauf le terme qu-, lequel est remplacé par un terme indéfini. Par exemple,

(79)  Tu vas où ? (présupposé : Tu vas quelque part.)

On dit aussi que le présupposé représente de l’information ‘donnée’ ou ‘vieille’. Par conséquent on peut appeler l’élément qu- le 'foyer' (focus en anglais) de la phrase.

c) Dans les questions partielles elliptiques (c.-à-d., celles sans sujet ou verbe), le locuteur juge que l’information omise est bien connue par son interlocuteur et facilement récupérable du discours précédent ou simplement de sa compréhension du contexte situationnel. On peut postuler comme principe que différents types de question partielle se distinguent par le degré (ou la force) de présupposition associé à chacun :

présupposition plus forte :
Où ? (par ex., chauffeur de taxi au client)
On va où ?
C’est où qu’on va ?
Où c’est qu’on va ?

présupposition moins forte :
Où est-ce qu’on va ?
Où on va ?, Où qu’on va ?
Où va-t-on ?

Dans les questions SVQ, la présupposition serait plus forte que dans les questions à qu- antéposé. À propos de SVQ en anglais, Bolinger (1978) constate que le locuteur non seulement y présuppose un fait, mais que son interlocuteur le présuppose également.

d) C’est pour cette raison que l’on trouve fréquemment les questions elliptiques dans les situations où les questions s’enchaînent, telles que les entrevues, médiatiques ou autres :

(80)  Jacques Chancel : Vous avez fait de bonnes études ?
Siné : Oui... pas mal...
Chancel : Jusqu'où ?
Siné : Jusqu'à une école professionnelle qui s'appelle l'Ecole Estienne dans laquelle j'ai appris la typographie. (Chancel, Radioscopie, volume 1)

e) De même la structure SVQ tend à être employée davantage dans les situations où la quantité d’information partagée entre les interlocuteurs est plus importante. Peut-être ce facteur explique-t-il en partie l’absence de cette structure des textes historiques, au moins avant le XXe siècle, période où l’on a commencé à chercher à représenter la langue parlée de manière plus fidèle.

f) Des études variationnistes (par ex., Coveney, 1995) ont trouvé que l’emploi de SVQ est favorisé lorsque la phrase interrogative inclut un groupe qu- d’au moins deux syllabes, ou bien une séquence Sujet + Verbe qui est très courte (une ou deux syllabes). Cela veut dire que, toutes choses égales, le premier des deux exemples suivants est bien plus fréquent que le second :

(81)  (a) Y a combien de bouteilles de vin ?
(b) Tous les autres sont partis où ?

Ce facteur est sans doute lié au statut discursif des différents éléments dans ces questions, puisque l’information nouvelle tend à être représentée par des groupes syntaxiques plus longs, placés typiquement vers la fin de la proposition.

g) Comme nous l’avons vu dans la section IV, SVQ est quasi exclue pour les questions rhétoriques. Cela semble être le cas aussi pour certaines locutions plus ou moins figées de forme interrogative. En effet, lorsque le contexte discursif ne fournit pas de présupposé pertinent, la tendance à employer une structure à qu- antéposé est très forte :

(82)  (a) Comment ça va ? (cf. #Ça va comment ?)
(b) Qu'est-ce qu'il y a ? Qu’y a-t-il ? (cf. #Il y a quoi ?)
(c) Comment je pourrais dire ? (cf. ?Je pourrais dire comment ?)


5.5. Cadres théoriques favorisés dans ce domaine

Nous avons vu que le domaine de l’interrogative directe en français est fort complexe et que cette complexité a été abordée par des linguistes travaillant dans plusieurs branches de la linguistique et suivant les principes de différents courants. Les auteurs de descriptions synchroniques et diachroniques se sont servis de corpus afin de préciser la distribution et la fréquence des différentes structures. Certaines études récentes basées sur des corpus contemporains ont tenu compte des dimensions diaphasique, diastratique et pragmatique de la variation. Nous n’avons pas mentionné ci-dessus les études sur l’acquisition du français, soit comme langue maternelle, soit comme langue seconde : certaines de ces études emploient des méthodes quantitatives et ont des objectifs proches de la sociolinguistique variationniste, alors que d’autres sont menées dans le cadre de la Grammaire Générative. Même si les adeptes de celle-ci ne partagent ni les objectifs ni les méthodes des diverses branches de la linguistique à base de corpus, il s’avère parfois qu’il y a une convergence d’intérêts sur certains points, comme l’étude des facteurs favorisant l’emploi de SVQ.

 


6. Bilan


Les interrogatives directes constituent donc un domaine déjà bien exploré de la grammaire du français. Du point de vue de la linguistique empirique, il nous semble que l’emploi et le développement de la structure SVQ soient des zones de ce domaine qui méritent encore un grand effort de recherche. Dans différents ‘genres’, dans différentes situation de parole, cette structure est-elle en train de gagner du terrain, aux dépens des autres variantes ? Le déclin historique de l’inversion clitique est incontestable, mais il serait encore intéressant de continuer à suivre et à décrire les emplois résiduels de cette structure, notamment dans les variétés les plus informelles, afin d’améliorer notre compréhension du processus selon lequel les structures syntaxiques disparaissent d’une langue.

 


7. Annexe: Références supplémentaires.



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