Les verbes attributifs

P. Lauwers,  >Page pers. 
E. Tobback,  >Page pers. 
N. Van Wettere  >Page pers. 
(04-2020)

Pour citer cette notice:
Lauwers (P.), Tobback (E.) & Van Wettere (N.), 2018, "Les verbes attributifs", in Encyclopédie grammaticale du français,
en ligne: encyclogram.fr

 


1. Découpage du domaine.



1.1. Définition et délimitation

1.1.1. Définitions

La définition du verbe attributif (désormais VA) s’appuie nécessairement sur le rapport attributif (ou prédicatif) et notamment sur la fonction syntaxique d’attribut (du sujet). Dans la notice sur l’Attribut, le rapport attributif a été défini comme un rapport prédicatif qui réunit un terme prédiqué (jolie, froide, vieille, etc.) de nature non verbale à un argument (ta cravate, sa soupe, elle) :

[Jolie, ta cravate] !
Il avait tant papoté qu’il a dû boire [sa soupe froide].
[Elle] est [vieille / une bonne prof / prof / la meilleure prof de l'école / bien / debout / en forme]

Le français dispose d’un marqueur explicite de ce rapport attributif : la copule, être, en l’occurrence. La copule est donc un mot-outil (ou mot grammatical) qui indique de manière explicite la fonction prédicative du terme qui suit. C’est donc « le marqueur du rapport prédicatif que l’a.s. entretient avec le sujet »  (Riegel et al., 20187 : 423). En d’autres mots, c’est un élément ligateur, de nature verbale, qui « prédicativise » (ou « verbalise ») un prédicat non verbal, c’est-à-dire un adjectif, un SN, etc.

« A copula enables a non-verbal predicate to act as a main predicate in those languages and under those circumstances in which this non-verbal predicate could not fulfill this function on its own » (Hengeveld, 1992: 32).

Dans la tradition linguistique française, cette complémentarité de la copule et de l’attribut se retrouve également dans le nucléus dissocié de Tesnière (1959, chap. 23: 46-48), dans lequel le centre syntaxique (le verbe) et le centre sémantique (l’attribut) sont dissociés.

En outre, comme la copule est un élément verbal, elle permet, à travers sa flexion, d’attribuer des propriétés modales, temporelles et aspectuelles au terme prédiqué. Notons que la vacuité sémantique de la copule ne l’empêche pas pour autant de construire différentes relations sémantiques (caractérisation, catégorisation, spécification, etc.) grâce aux constructions dans lesquelles elle entre (Riegel, 1985 ; Van Peteghem, 1991).

Le verbe attributif (= VA) est alors tout verbe ou construction verbale autre que la copule, donc un verbe à contenu lexical, dont le sémantisme comporte ledit rapport prédicatif entre son argument initial (sujet ; elle) et le terme X subséquent considéré comme l’attribut du sujet (= AS ; vieille) dans la construction phrastique [N0 – VA – X] :

Elle est vieille.
Elle fait vieille.
Elle devient vieille.
Elle se fait vieille.

Sur cette fonction prédicative se greffent toutes sortes de nuances aspectuelles et modales, comme nous allons le voir, à tel point que l’on peut considérer les VA comme des variantes sémantiquement plus riches de la copule.

Comme sans le prédicat non verbal on n’a plus de phrase, on comprend que tant l’attribut du sujet que le VA - qui permet de le construire – sont des éléments syntaxiquement essentiels de la phrase, qui s’impliquent réciproquement. Cette implication réciproque est d’ailleurs typique de toute relation argument/prédicat dans le cadre de la phrase.

1.1.2. Problèmes d’inventaire

Celui qui se penche sur les verbes attributifs (VA), se voit d’emblée confronté à un problème d’inventaire. En effet, dans les grammaires de référence (p. ex. Riegel et al., 2018: 422-423 ; Wilmet, 2010: 577-580 ; Grevisse & Goosse, 200814 : 261-265), la description de l’attribut du sujet et des VA se termine le plus souvent par une liste de verbes qui ne se veut pas exhaustive. Si ce choix se défend étant donné la vocation grammaticale – et non pas lexicographique – de ces ouvrages, force est de constater que les dictionnaires de constructions verbales ne permettent pas non plus de se faire une idée précise de l’étendue de l’inventaire. À ce propos, on y constate même un certain désarroi, voire des contradictions internes (v. Lauwers & Tobback, 2010 pour un examen critique). En somme, si plusieurs linguistes ont « tent[é] de voir ce que masque le fameux etc. qui clôt la courte liste des verbes (essentiellement) attributifs » (Leeman, 1996 : 192), quitte à proposer des inventaires plus complets, l’inventaire des verbes attributifs reste mal circonscrit.

Cette difficulté d’inventaire s’explique par la conjugaison de plusieurs problèmes.

Le premier problème remonte à la nature même de l’attribut du sujet (= AS) et des problèmes de définition qu’il pose. Si l’on définit le VA à partir du rôle qu’il remplit au sein de la prédication attributive, il reste à isoler celle-ci par rapport à d’autres types de prédication, ce qui, dans les faits, revient à distinguer l’attribut du sujet (essentiel) d’autres fonctions syntaxiques. Or, rien que dans le domaine des phrases attributives dites prédicationnelles (voir notice "Attribut"), du fait justement du caractère morpho-syntaxiquement sous-spécifié de l’attribut (« terme prédiqué de nature non verbale »), celui-ci offre une image éclatée. Ainsi, aucun test de pronominalisation ne permet de couvrir l’ensemble du spectre (Lauwers, 2009) et les attributs sont plutôt réfractaires à la coordination (voir aussi Riegel, 1985 : 48), ce qui s’explique par la diversité catégorielle des attributs et leurs contreparties interprétatives (qualités, états, catégories, identifications, etc.), qui constituent autant de constructions différentes :

?Pierre est intelligent et un homme sans complexes   (SN et Adj)
*Dieu est amour et clément.  (Lauwers, 2007b)

Le lecteur se reportera à la notice "Attribut" pour une discussion plus circonstanciée de la problématique de l’unité de l’attribut. Comme la fonction d’attribut du sujet peut être réalisée par une grande variété de catégories morphosyntaxiques (des Sadj, des SN, etc.), les problèmes de délimitation par rapport aux fonctions syntaxiques connexes ne manquent pas de se multiplier (§ 1.2.). Ce problème devient encore plus aigu dans le domaine des VA, dans la mesure où ceux-ci n’autorisent parfois qu’une seule catégorie morphosyntaxique dans la position attributive. Il s’ensuit que l’on ne peut pas s’appuyer sur la compatibilité avec d’autres catégories morphosyntaxiques typiquement attributives, notamment avec l’adjectif, raccourci commode, pour évaluer le statut attributif du verbe. Ainsi, dans le domaine nominal, par exemple, un verbe comme constituer dans son emploi non dynamique (ça constitue un gros problème) donne du fil à retordre (Leeman, 1996). De même, les Sprép posent souvent problème, car tantôt ils se rattachent aux COI, tantôt aux attributs. Voir § 1.4. pour un aperçu de tous ces cas-limites.

Ces contraintes morphosyntaxiques exercées par les VA sont révélatrices d’un autre problème, plus fondamental encore. Si a priori le critère d’inclusion minimal est clair (figurer dans une construction attributive pour relier un terme prédicatif au sujet, à l’instar de la copule « vide » être), l’application des critères d’identification habituels se voit compliquée par la structure radiale de la classe des VA, construite autour du prototype (être) et entouré de cercles concentriques (Wilmet, 20105 : 577-578) qui s’agrandissent progressivement pour inclure des spécimens dotés d’un moindre degré de ‘copularité’ (Van Wettere, 2018) :

« Il est difficile de délimiter la classe des verbes copules, parce que le rapport copulatif peut être exprimé par des verbes et par des expressions très différentes. Si on considère être comme la copule prototypique, on peut poser sans hésitation que devenir, rester, paraître et sembler sont également copules. D’autres comme faire (« paraître »), passer, tourner, etc., sont copules dans une moindre mesure, et des verbes comme constituer, former, etc. sont vraiment à la limite » (Van Peteghem, 1991 : 174)

En clair, les VA ne vérifient pas tous les critères que l’on a l’habitude de mettre en œuvre pour identifier les emplois attributifs du verbe être (voir 1.3. pour une analyse plus détaillée). Ainsi, un critère phare comme la pronominalisation en le n’est pas disponible pour la plupart des VA. Il s’ensuit que l’arsenal des critères d’identification de l’attribut pour les VA se réduit de façon considérable et que les VA présentent un certain nombre de propriétés de la copule, mais non pas toutes, loin de là. Qui plus est, dans certains cas, même la commutation avec être est exclue (Pierre fait l’intéressant ; ça vire au cauchemar ; Lauwers & Van Wettere, 2018), ce qui pose un problème de principe : devrait-on exclure a priori tous les candidats au statut de VA qui tombent en dehors du champ d’application de la copule ? Enfin, de manière plus générale, les VA continuent à exercer toutes sortes de contraintes morphosyntaxiques, sémantiques et parfois même lexicales par rapport à l’attribut et dans une moindre mesure au sujet, contrairement à la copule (voir cependant 1.2.5.).

Cette organisation radiale de la catégorie des VA, qui donne lieu à différents « degrés de copularité » ou, si l’on préfère, différents degrés de défectivité copulative, s’explique facilement à la lumière des processus diachroniques – notamment de grammaticalisation – qui ont mené à la création de ces verbes attributifs (infra § 5.). À travers ces processus, les VA ont gardé une part de leur sémantisme lexical d’origine, ce qui leur permet d’exprimer des nuances aspectuelles et modales parfois subtiles. Il en découle aussi une moindre transparence syntaxique et une distribution plus limitée. En outre, la diversité à l’intérieur de la classe des VA se voit encore renforcée par le fait qu’elle puise dans différentes sources (verbes pronominaux, verbes intransitifs métaphorisés, verbes transitifs directs désémantisés, p.ex. constituer, etc.). Qui plus est, ces VA ne fonctionnent comme VA que dans certaines acceptions (p.ex. arriver premier dans un concours de violon, qui se construit avec un attribut essentiel, vs arriver premier dans une étape du Tour de France, attribut accessoire), avec des configurations intermédiaires et ambiguës, ce qui fait que l’inventaire des VA est un inventaire dynamique, difficile à circonscrire.

1.1.3. De la copule aux VA moins prototypiques : le dégradé de la copularité

Lorsque être, la copule par excellence, se combine avec un attribut du sujet à travers un rapport attributif, il se caractérise par la superposition d’un certain nombre de propriétés (voir notice "Attribut"). Or, il est clair que la plupart des verbes attributifs listés dans les inventaires sont loin de vérifier tous les critères. Dans ce qui suit, nous passerons en revue ces critères en donnant à chaque fois des exemples de VA qui ne les satisfont pas.

1.1.3.1.La pronominalisation en le, les phrases copulatives non prédicationnelles et la construction impersonnelle à extraposition

Les verbes attributifs les plus proches du prototype  – être, rester, demeurer, sembler, paraître et devenir – se caractérisent par la pronominalisation en le du terme attribut – abstraction faite des SN indéfinis non caractérisants qui se pronominalisent en en … un (Lauwers, 2009) –  et leur capacité à entrer dans des phrases copulatives autres que prédicationnelles, notamment des spécificationnelles :

Le Maroc, dont le premier partenaire commercial reste la France, peut ainsi espérer – selon les prévisions de la BERD  une croissance annuelle de 3,8 % en 2020. (web)

La commutation par le met en évidence le caractère attributif (prédicatif, non référentiel) du complément, le n’étant pas pourvu des marques de la classe nominale (féminin / masculin ; singulier / pluriel). Quant à l’extension de cette forme neutre aux SN définis, les avis divergent. Certains défendent l’idée que le est devenu la norme, la/les étant un archaïsme (Je suis la femme de Pierre -> Je le suis ; Wilmet, 2010: 582), alors que pour d’autres la commutation d’un SN défini féminin reste une anomalie (Hanse & Blampain, 19943, s.v. le).

Quant au second critère, rappelons qu’une phrase spécificationnelle (e.a. Higgins, 1979 [2015]  Declerck, 1988 : 2 ; Van Peteghem, 1991) est une phrase attributive dans laquelle le constituant préverbal exprime une variable (le premier partenaire) qui est réalisée de manière exhaustive par la valeur contenue dans le constituant postverbal (la France). Toutefois paraître est incompatible avec les phrases spécificationnelles et sembler requiert l’insertion du verbe être, ce qui en fait une construction à auxiliaire :

L’assassin de Mme Tussaud paraît (être) BW.
?Le vainqueur (me) semblait Vettel. → Le vainqueur (me) semblait être Vettel.

On pourrait ajouter que les VA entrent aussi dans des phrases impersonnelles avec extraposition (i.e. déplacement vers la droite avec anticipation pronominale) de la complétive:

Il {est / devient / semble} important que …

Ces propriétés ne se vérifient pas pour les autres VA. C’est notamment le blocage de la pronominalisation en le qui pose problème :

*Fou ? Non, il ne le vire pas.
*L’eau se le fait, rare.

Le problème se pose notamment pour les Sprép. Pour ce type de constituant,  la détermination du statut ‘attributif’ doit souvent passer par un détour (notamment en l’absence d’attributs adjectivaux) : vérifier la compatibilité du constituant avec la copule être, et, en aval, la pronominalisation en le de la combinaison être + attribut. On opposera ainsi :

La voiture tombe en panne  ↔  La voiture {est / reste…} en panne
                 Non, la voiture ne l’est pas.

Ça vire au cauchemar    ↔  *C’est au cauchemar

Pour les VA qui ne se construisent pas avec des attributs adjectivaux, c’est le seul moyen de savoir jusqu’à quel point le phénomène attributif s’étend dans le domaine des Sprép et où se situe la frontière avec les COI (§ 1.3.). Dans ce sens, on peut dire que c’est parfois le VA qui finit par « faire » l’attribut (Van Wettere, 2018 : 10). L’inclusion de VA qui se construisent uniquement avec des Sprép repose donc sur un raisonnement intra-paradigmatique. Le VA y est défini indirectement, par le biais d’un lien in absentia entre son complément et le complément de la copule être, le ligateur prédicatif par excellence.

1.1.3.2. Critères graduels : ouverture catégorielle et lexicale

À ces traits définitoires dichotomiques s’ajoutent encore des critères pour la plupart graduels :

- la grande ouverture catégorielle de la position post-verbale et notamment la présence d’adjectifs (§ 3.1.)
- une ouverture lexicale maximale de cette même position, signe de « productivité » (Van Wettere, 2018).

Voici, pour rappel, l’inventaire des catégories attestées d’après Lauwers & Melis (2013) dans les constructions prédicationnelles (notons que les spécificationnelles se construisent aussi avec des complétives : Mon seul souci est qu’il réussisse) :

- SN (indéfinis, définis), y compris des noms propres et des noms nus (Pierre est médecin ; Dieu est amour) ;
- pronoms (C’est toi);
- numéraux (et SN déterminés par un quantifieur : Nous sommes cinq [personnes]) ;
- adjectifs (qualificatifs, relationnels ; gradables et non gradables) (Il est grand / La clientèle de X est internationale) ;
- participes passés (passifs et accomplis) (Il est invité / Il est parti) ;
- adverbes (Il est debout);
- infinitifs (Aimer, c'est vouloir l'impossible) ;
- syntagmes prépositionnels (Il est de bonne volonté).
- certains types de subordonnées (relatives substantivales ; circonstancielles, p.ex. Les bons repas et les grands principes, c’est pour quand il y a du monde) ;

Force est de constater que la plupart des VA présentent une combinatoire beaucoup plus contrainte. À ce propos, le cas de devenir est emblématique. Assez proche de la copule prototypique, il ne sous-catégorise pourtant pas la quasi-totalité des attributs de type Sprép (Lamiroy & Melis, 2005) et, contrairement à être, est largement incompatible avec les participes passés, ce qui pourrait avoir partie liée avec la non-gradabilité de ceux-ci (Guehria, 2011 : 139):

Son corps est devenu d'une maigreur à faire peur. (A. Ewing, 2015, trad., Google books)
*La maison devient détruite.
*Pierre devient en forme.

L’adjectif, de par sa valeur prédicative – donc non référentielle  qui le prédestine à la fonction prédicative, constitue sans doute la catégorie attributive prototypique (Riegel, 1985 : 13 ; Goes, 1999 : 118). Or, force est de constater que certains verbes (ou emplois de verbes) que l’on retrouve communément dans les inventaires comme faire (il fait cuistot ‘il exerce le métier de cuistot’) ou passer (passer colonel), ne prennent pas les adjectifs. Cela vaut d’autant plus pour les verbes (supports ?) qui se combinent uniquement avec des Sprép, comme entrer en vigueur (cf. aussi être en vigueur).

Sous 3.1. nous fournirons un aperçu plus détaillé des catégories morphosyntaxiques possibles du côté de l’attribut. Nous y montrerons que, paradoxalement, le prototype être est sur certains points plus contraint que certains de ses homologues, ce qui le rapproche des autres VA. Les contraintes sur les catégories morphosyntaxiques sont assez souvent accompagnées de contraintes lexicales et sémantiques, comme nous le verrons, ce qui a partie liée avec le sémantisme plus riche du VA.

1.1.3.3. L’accord en genre et en nombre

Comme en français l’adjectif attribut s’accorde toujours avec le sujet, l’accord peut également être un indice supplémentaire, même s’il est largement tributaire du statut adjectival de l’attribut. Il conserve une certaine utilité dans la mesure où il s’impose aussi pour certains attributs nominaux (humains notamment) :

Pierre et Catherine sont incontournables.
Pierre et Catherine sont (des) professeurs (expérimentés).

Il est aussi utile lorsqu’il s’agit de démasquer des VA moins prototypiques, à chaque fois que l’accord est hésitant :

Elle fait {vieux / vieille} pour son âge. (Hanse, 1994 : 388, qui admet les deux)
Elle fait {le / la} bravache. (TLFi)
Ils font {l’intéressant / les intéressants}
À chaque fois elle a répondu présente devant le but. (Lauwers, 2018)

1.1.3.4. Caractéristiques du sujet : non agentif, défini et non sensible à l’animéité

Pour ce qui est du sujet, on notera que celui-ci est prototypiquement non agentif (Petré, 2012: 30), ce qui correspond à la nature foncièrement inaccusative de la construction attributive (Buchard, 2006 : 82). Il n’empêche que dans les verbes pas encore tout à fait grammaticalisés se maintient une certaine dose d’agentivité, comme le signalent Bybee et Eddington (2006 : 343). Pour le français, on pourrait citer les verbes suivants :

Pierre fait cuistot (dans la vie), mais ce soir il fait le dj (Lauwers, 2008)

Olivier se souvint de l'époque où il prenait le métro avec sa maman. Là, pour bénéficier de la gratuité, il devait se faire petit. (R. Sabatier, 1969, Frantext ; Lauwers & Duée, 2010)

Cette entreprise {tourne / vire} {bio / solaire} (Lauwers & Van Wettere, 2018).

Puis, le sujet ne peut pas être indéfini, à lecture spécifique, non partitive (Riegel, 1985 : 119-122), notamment avec des ‘individual level predicates’ (Carlson, 1977), c’est-à-dire des prédicats (des SV) qui expriment des caractéristiques permanentes du référent sujet (Van Wettere, 2018 : 380-381) :

*Un homme était {gourmand / (un) médecin}. (Van Wettere, 2018)

Notons qu’il faut bien que le prédicat soit de type ‘individual level’, puisqu’avec des prédicats qui marquent une caractérisation temporaire, les exemples ne manquent pas :

Un homme était en crise quartier Boissière : un périmètre de sécurité mis en place. (titre de presse, web)

Ce dernier critère – emprunté au domaine des prédicats d’états – n’est pas toujours respecté par les verbes autres que être. Même devenir, à cause de sa composante événementielle, ne le respecte pas, en toute logique, comme le montre cet exemple cité par Van Wettere (2018 : 383) :

Un homme devient dresseur de Pokémon à plein temps (titre de presse, web)

Enfin, comme le verbe attributif lui-même n’est pas censé exercer des contraintes, il se construit à la fois avec des sujets animés et inanimés, se conformant tout simplement aux restrictions de sélection imposées par l’attribut. Nous verrons que ce critère ne va pas de soi pour certains verbes tels que s’annoncer qui présentent un biais très net.

L’image qui ressort de l’application des critères est forcément éclatée : seuls les VA prototypiques, les plus proches de la copule, constituent un ensemble relativement homogène (Van Wettere, 2018), même si là encore l’homogénéité n’est pas parfaite comme nous l’avons montré pour devenir et sembler/paraître. Il s’ensuit que le VA apparait comme une classe radiale, constat qui sera approfondi dans la section ‘morphosyntaxe’ (1.3.1.) par le relevé détaillé des contraintes exercées par les VA non prototypiques sur leurs attributs.

1.1.4. Problèmes de délimitation par rapport aux structures connexes

La participation inégale des VA à la nébuleuse attributive et leur éloignement progressif du prototype être ne peuvent qu’augmenter le nombre de problèmes rencontrés lorsqu’on veut délimiter la classe par rapport aux fonctions connexes, notamment s’il s’agit d’emplois limités à une classe morphosyntaxique autre que l’adjectif.  Dans ce qui suit, nous ferons état d’un certain nombre de ces « conflits frontaliers ». Nous les traiterons d’après leur domaine d’appartenance. Les ambiguïtés d’interprétation – et donc d’analyse  feront ressortir toute la dynamique de l’inventaire.

1.1.4.1. Le domaine adverbial

Tout d’abord, certains verbes – y compris être – se construisent avec des compléments de type locatif qui se pronominalisent par où / y / là.

Elle {est / reste / demeure} à Bruxelles.

Si ces tentatives de délimiter le champ locatif du champ attributif ont pu être critiquées (Eriksson, 1980 ; Riegel, 1985 ; etc.), les tests de commutation (*le) s’avèrent d’application relativement aisée, sauf pour les emplois métaphoriques où se dessine une zone de transition constituée par des états liés à la localisation abstraite (Lauwers & Melis, 2013) :

Ou bien la forêt récréative est en zone urbanisée ou elle ne l'est pas (Lauwers & Melis, 2013)
Le débat sur ce qui est en Europe et sur ce qui n’y est pas (idem)
??Paul est dans l’angoisse. Non, il n’y est pas. (idem)

D’autres verbes se construisent avec des compléments adverbiaux de manière (p.ex. La voiture tourne court/sec; ça ne tourne pas rond), dont certains tendent au figement. Ces compléments sont à la limite essentiels et proches de l’attribut du sujet. En effet, les langues hésitent parfois entre une analyse comme attribut du sujet (caractéristique du sujet) ou complément adverbial (une ‘manière’ de faire), comme le montre l’exemple suivant, souvent débattu à cause des implications pour l’accord:

La vis tourne fou (ou folle ?, que l'on « entend pourtant » ; Wilmet, 20105 : 578).

Mais le même problème se pose pour:

Ils se conduisent en tyran(s)
Une rentrée qui tourne mal.

Ces difficultés posées par la délimitation des domaines attributif et adverbial ne font que refléter un problème plus général, qui affecte aussi les attributs facultatifs, notamment les Sprép (Lauwers, 2013). On se trouve ici en face d’une ligne de fracture typologique instable, celle entre adjoints dépictifs et adverbiaux de manière, qui n’est pas située au même endroit dans toutes les langues (Schultze-Berndt & Himmelmann, 2004).

1.1.4.2. Les verbes transitifs indirects à COI

La délimitation par rapport aux V transitifs indirects à préposition fixe (donc à COI) est encore plus ardue. En voici quelques exemples :

Ça vire au drame. Ça tourne à l’anorexie. (web)
Le Colisée tombe en morceaux. (web)
Cela équivaut à un échec. (web)

Notons que le rapport sémantique entre le sujet et le complément postverbal est caractérisant (cf. « Le socialisme est en morceaux », Jean-Pierre Le Goff, septembre 2014), ce qui fait de ces structures des constructions attributives (et donc de leurs verbes des VA). Comment distinguer alors les COI des AS ? Il faut tout d’abord déterminer si la préposition “fait bloc” avec le constituant postverbal – avec lequel elle co-varie donc – ou si, en revanche, elle est imposée par le verbe. Ainsi, dans rester au courant, la préposition à fait bloc avec courant et est donc ‘sélectionnée’ en quelque sorte par le syntagme attributif. Il s’ensuit d’une part que ce syntagme est indépendant du verbe rester et peut donc se combiner avec d’autres verbes (attributifs et autres). D’autre part, rester peut prendre d’autres prépositions si d’autres attributs le requièrent:

{rester / demeurer / être / sembler / mettre / …} au courant
rester {en suspens / en fonction / … / de glace}

Il ne s’agit donc certainement pas d’une préposition sélectionnée par le verbe. Il n’en est pas de même dans virer au drame et les autres exemples cités supra :

Ça *{reste / demeure / est / semble / met / …} au drame.
Ça vire {au drame / au vinaigre / à la catastrophe / au chaos / …}.

Ces verbes ne sont donc pas des verbes attributifs, même si du point de vue sémantique ils s’en rapprochent. Ce lien de parenté est d’ailleurs confirmé par la diachronie, les emplois proprement attributifs étant souvent issus d’emplois directionnels (Van Wettere & Lauwers, 2017).

Or, la détection d’une préposition (quasi) fixe ne permet pas encore de caser avec certitude le constituant parmi les COI, car il existe aussi des verbes attributifs indirects (passer pour, se révéler (comme)…) qui se construisent avec une préposition fixe suivie d’un véritable attribut. La différence de l’attribut indirect par rapport aux COI (et aux blocs attributifs de type Sprép) est parfois ténue. C’est notamment un problème qui se pose pour les Sprép introduits par en. Ainsi, certains VA indirects se construisent avec en, qui fonctionne comme un marqueur attributif (Lauwers & Tobback, 2018) qui fait partie intégrante du verbe en emploi attributif :

Le bœuf va finir en biocarburant ! (Lauwers & Tobback, 2018)
Finir en oppresseur. (idem)
Ils vivent en ermite(s). (idem)

Dans ce cas, il s’agit de VA indirects (finir en, vivre en). Ces verbes se combinent avec un constituant attributif qui tend à s’accorder avec le sujet.

Cette configuration ne peut pas être confondue avec la suivante :

Tomber {en morceaux / en poussière / en faillite / en panne / en ruine /…}
Tomber {dans la dépression / dans la misère / …}

Ces Sprép constituent des « blocs attributifs » qui apparaissent encore dans d’autres positions attributives. Ces expressions, basées sur la métaphore locative (cf. au courant, supra), incorporent des prépositions localisantes (en, dans) et se combinent avec tomber, qui accepte par ailleurs aussi des adjectifs et des noms nus. Il semble légitime d’inclure les Sprép non purement locatifs après tomber parmi les emplois attributifs. Dans cette analyse, tomber se comporte comme un verbe attributif direct, c’est-à-dire sans préposition fixe.

En somme, il convient donc de bien distinguer les COI (virer au drame), les attributs comportant une préposition (être au courant, tomber en panne) et les attributs des VA indirects (finir en oppresseur). Ces derniers ne peuvent pas être confondus à leur tour avec les locutions comportant le verbe être + préposition fixe, qui relèvent de ce que Lauwers & Melis (2013) appellent l’attribution  « relationnelle » ou « externe » (Cette voiture est à moi, Pierre est avec sa maîtresse, etc.), qui basculent cependant facilement vers l’attribution (d’un état) à proprement parler, comme le montre la pronominalisation en le:

Je suis avec mes enfants le week-end. Je le suis depuis le mois dernier. (Lauwers & Melis, 2013)

1.1.4.3. Les verbes transitifs directs (à COD)

Les verbes de type constituer, former, représenter (voir Leeman, 1996 et la table 36NM du Lexique grammaire > Table ) sont toujours suivis d’un SN. Dans leurs emplois désémantisés ils en viennent à fonctionner comme des équivalents de la copule être. Dans ce cas, leur complément présente des caractéristiques qui le rapprochent de l'attribut du sujet: une passivation qui n’est pas impossible (Leeman, 1996 : 193; Grevisse & Goosse, 200814 : 261-262), mais qui est tout de même moins naturelle, le maintien de l’article indéfini sous la négation (au lieu de de) et l’absence de sujets indéfinis spécifiques (??Un homme {a été / a constitué} un problème).

1.1.4.4. Les attributs non essentiels

Dans certains cas, il n’est pas clair si l’attribut est essentiel ou accessoire. Les glissements de sens à la suite de l’omission de l’attribut peuvent alors être subtils, mais néanmoins réels, ce qui justifierait une analyse en termes d’attribut essentiel. Ainsi, vivre dans vivre heureux signifie 'passer sa vie' alors que vivre tout seul signifie ‘être en vie’ (Leeman, 1996 : 191). De même, naître + N propre signifie 'avoir pour nom à la naissance', qui n’a plus grand-chose à voir avec l’acte même de la naissance :

On naît prince des Asturies comme on naît Dupont ou Durand. Donc un prince, c'est quelqu’un comme vous et moi (web).

Dans d’autres cas, l’attribut n'est même pas suppressible. Ainsi, si on peut encore supprimer l’attribut accessoire dans ressortir vivant de sous les décombres, cela n’est plus possible dans ressortir grandie/victorieuse de l’épreuve (Leeman, 1996 : 191). Le cas de commencer / finir + nom nu est encore plus subtil, mais l’attribut semble néanmoins essentiel :

Il a commencé petit {commerçant / communiste} pour finir socialiste. (Lauwers & Tobback, 2010)
?Il a commencé.

Tout ces cas-limites illustrent certains mécanismes d’« incorporation valencielle » (Lauwers & Tobback, 2010) qui aboutissent de nos jours à la création de nouveaux VA. Voir infra § 5.2.

1.1.4.5. Les verbes à attributs du COD (en construction pronominale)

Parmi les VA, on note la présence de bon nombre de verbes essentiellement pronominaux. Étant donné l’effet graduel de ce que Melis (1990) a appelé la « clôture actancielle », en gros, l'effacement progressif de la distinction entre les actants du verbe pronominal, il n’est pas surprenant que les VA pronominaux se distinguent parfois mal de leurs contreparties à attribut du COD. Si dans les exemples suivants la construction attributive pronominale est encore une simple reformulation d’une construction à attribut du COD essentiel, que ce soit en interprétation réfléchie (ou réciproque) ou passive : 

[réfléchi] 
inculpé de trahison pour s’être proclamé président du Nigéria (Le Monde)
<  on l’a proclamé président du Nigéria

[passif]
la recherche universitaire ne peut se concevoir qu’au service de la qualité des enseignements (Le Monde)
< la recherche universitaire ne peut être conçue qu’au service... ; on ne peut la concevoir que ... ,

il n’en est plus de même de se voir, qui s’est autonomisé par rapport aux emplois non pronominaux du verbe (on le voit déjà président) et qui de ce fait est devenu un VA à part entière:

pour ne pas donner à rire aux autres, du moment où il se vit sourd, il se détermina résolument à un silence qu’il ne rompait guère que lorsqu’il était seul (V. Hugo, 1831, Frantext)

Entre ces deux cas de figure s’étend tout un spectre de cas intermédiaires. En voici deux exemples :

Ma mère se déclarait souffrante et s’enfermait dans sa chambre. (R. Vrigny, 1963, Frantext)
Il s’estime satisfait du résultat. (web)

Lauwers & Tobback (2013) décrivent en détail les effets de sens pour les classes de verbes impliquées dont la forme pronominale tend à s’écarter de la forme non pronominale, mais en gros on assiste à un processus d’intériorisation qui infléchit le sens du verbe vers la sphère du ressenti, de l’intuitif et du subjectif. Ainsi, l'attribution de la qualité ne se fait plus à travers une 'déclaration officielle', comme dans le cas d'une déclaration d'indépendance, par exemple (On déclare X indépendant). Il s'ensuit que, sur le plan distributionnel, la variante pronominale se combine avec un éventail d’adjectifs attributs plus large, comme le montre la bizarrerie des pendants non pronominaux des deux exemples précédents :

?On la déclarait souffrante (uniquement acceptable dans la recherche d'un prétexte officiel pour une absence, par exemple)
?On l’estime satisfait du résultat.

Ce changement de sens s’explique par le fait que la contrainte de « l’accès cognitif aux états d’âme d’autrui » (Traugott & Dasher, 2007 : 91 ; notre traduction) imposée par ces « conceptualizing subject constructions » (Achard, 1998) a disparu. En effet, pour qu’un conceptualisateur (le on dans les exemples) puisse juger de l’attribution d’une propriété à un référent (que quelqu’un est souffrant ou satisfait, par exemple), il faut que cette propriété soit perceptible, accessible au conceptualisateur, y compris pour les états internes (états d’âme, par exemple). Comme la clôture actancielle tend à la fusion des deux rôles – celui du conceptualisateur et celui du référent qui fait l’objet de l’attribution de propriétés , ce qui correspond à une détransitivisation, le conceptualisateur peut désormais aussi s’attribuer des propriétés qui ne sont pas extériorisées (et donc perceptibles pour autrui). Concrètement, comme l’objet d’expérience coïncide avec le conceptualisateur, les états mentaux internes (non ou peu extériorisés comme la satisfaction) deviennent accessibles à l’(auto-)évaluation, ce qui se traduit par une ouverture au niveau des adjectifs susceptibles d’apparaitre en fonction d’attribut.

1.1.4.6. Le passif

Enfin, pour être, il s’y ajoute des problèmes de délimitation par rapport aux emplois comme auxiliaire du passif et des temps composés à chaque fois qu’il est suivi d’un participe passé. Notons que la commutation avec la pro-forme le, qui apparaît comme le socle minimal d’attributivité (interne, Lauwers & Melis, 2013), s’étend également à la construction passive, qui peut d’ailleurs être coordonnée à une structure attributive (Abeillé & Godard, 1996 : 56) :

La porte est fermée. Non, elle ne l’est pas.
A-t-il été trahi ? Oui, et qui plus est, il l’a été par ses pairs.

Les arguments pour aligner le passif sur les structures attributives ne manquent donc pas (Couquaux, 1979 ; Abeillé & Godard, 1996).

Sur ce point, la construction passive se distingue de la construction auxiliaire des temps composés (p. ex. Pierre est parti), même si pour une petite minorité de locuteurs les participes passés accomplis des temps composés sont également pronominalisables en le (Abeillé et Godard, 2001a: 3, n.2).

La frontière entre être + passif et être + attribut s’avère particulièrement difficile à établir lorsqu’il s’agit d’une interprétation passive de type ‘état’ ou encore accomplie (Buchard & Carlier 2008). Dans ce cas, le participe tend à se rapprocher du statut adjectival, ce qui l’ouvre à la gradation, par exemple :

Il est très fatigué (par ces éternelles discussions).

1.1.4.7. Les V supports

En outre, pour ce qui est des Sprép, mais aussi de manière plus générale, le VA se distingue parfois difficilement des verbes supports. Si la notion de V support (p.ex. avoir de l’admiration pour X, faire écran à, etc.) a essentiellement été appliquée aux prédicats nominaux (G. Gross, 2004), certains auteurs l’ont étendue à d’autres catégories telles que les Sprép entre autres après être, voire même aux adjectifs (M. Gross, 1981) et participes passés (M. Gross, 1996, 1998). D’autres comme Gaston Gross (2004 : 167, 169) s’y sont opposés. Du coup, l’extension du concept de V support rapproche celui-ci de la notion de copule, comme l’ont également remarqué Riegel et al. (20187 : 425) et Lamiroy & Melis (2005). Si ce rapprochement – qui mène dans les deux cas à la constitution de prédicats complexes – n’est pas sans fondement, Lauwers (2009) relève tout de même quelques différences, entre autres les asymétries au niveau de la sélection, dues au figement. Si le prédicat nominal est censé sélectionner le verbe support dans le cadre d’un paradigme relativement fermé, il serait peu plausible de croire, notamment pour les copules à proprement parler, que l’attribut – le plus souvent des milliers d’items lexicaux – sélectionne le VA.


1.2. Précisions terminologiques

A la suite d'autres auteurs (Riegel et al., 2006: 235 ; Grevisse & Goosse, 200814 : 261 ; Leeman 1996), nous distinguons ici le verbe (essentiellement) attributif de celui de copule (Riegel et al., 2006: 236 ; Grevisse & Goosse, 200814 : 261). Tout comme dans la notice "Attribut", le terme de copule est reservé  au seul verbe être, ligature sémantiquement vide – appelé aussi linking verb en anglais – reliant le sujet et l’attribut (Grevisse & Goosse, 200814 : 261 ; Riegel et al., 2006: 236). Le VA, par contre, est un verbe doté d’un sémantisme plus riche – certes désémantisé, voir § 5. – qui remplit le même rôle ligateur, mais qui connaît une distribution plus limitée et ne présente en général pas toutes les propriétés de la copule. Signalons au passage que la littérature typologique applique le terme de copule (copula) également à des supports non verbaux de la prédication comme les particules (Stassen, 1997 : 85), voire même à l’absence de tout mot-outil (copule zéro, Croft, 2017 : 41). 

Pour mieux capter l’idée d’un rapprochement graduel par rapport à la copule (prototypique), certains linguistes emploient le terme de semi-copule (Hengeveld, 1992 ; Lamiroy & Melis, 2005) – à l’instar du semi-auxiliaire – ou de quasi-copule (Moro, 1997 ; Bonnefille et McMichael, 2001 ; Toyota, 2008), mais comme la ligne de démarcation entre copule et semi-copule varie selon les critères pris en considération (vacuité sémantique ou pronominalisation en le, cf. Van Wettere, 2018, par exemple), nous nous en tenons ici à verbe (essentiellement) attributif (VA), tout en restant agnostiques sur le degré de ‘copularité’ du verbe. Ceci ne veut pas dire que le terme de VA est parfait. Ainsi, bon nombre de verbes se combinent avec un attribut du COD essentiel sans qu’on les qualifie de VA, alors que, en principe, ils auraient droit au même label. Dans cette notice, le concept de VA est limité au seul attribut du sujet.

Signalons encore que la littérature typologique range parfois les copules et les VA dans la catégorie des auxiliaires (p.ex. Laca, 2000 : 430 ; voir aussi Dubois, Les Verbes français). Ce rapprochement est basé sur le fait que dans les deux cas il s’agit de mots grammaticaux qui permettent à un élément prédicatif autre qu’un verbe fini, tantôt un infinitif ou participe, tantôt un adjectif, un nom, etc., de fonctionner comme noyau prédicatif de la phrase:

VA :               Il semble heureux.
                      Il est heureux.
Auxiliaire :    Il semble dormir.
                      Il est parti ; Il est invité par les organisateurs.

Sur le plan diachronique, le destin de ces constructions est souvent lié, ce qui conduit Dik (1987) à parler de « copula auxiliarization », lorsqu’une copule devient aussi auxiliaire. Ces liens apparaissent aussi en synchronie, à chaque fois que le même verbe peut entrer dans les deux constructions, avec parfois des chevauchements (qui ne se vérifient toutefois pas pour tous les VA), par exemple, lorsque le verbe inséré est être, donnant lieu à une variante plus explicite de la construction (D’hoedt, 2017), ou encore, lorsque la valeur verbale et adjectivale du participe se confondent :

Il semble (être) heureux.
Il est épuisé (par ses multiples voyages).

Malgré ce chevauchement, il nous semble toutefois que le profil des réalisations prototypiques de ces constructions est suffisamment distinct pour maintenir la distinction entre auxiliaire et copule/VA. Pour la même raison, nous distinguons le VA du verbe support, en dépit d’une certaine analogie, comme nous l’avons précisé sous 1.1.3.


1.3. Approches théoriques

Si les phrases copulatives ont fait l’objet de nombreuses études (cf. notice "Attribut") en syntaxe générative, notamment dans le cadre de la théorie des small clauses, qui exploite à fond l’idée du rapport attributif (prédicatif), la description de l’ensemble de la famille des VA n’a pas été prise à bras le corps pendant très longtemps. À y regarder de plus près, les analyses génératives, qui sont fondées sur le phénomène de montée du sujet et de la dérivation de structures (de surface) à partir d’autres structures (profondes), sont mal adaptées à la description de l’ensemble de la famille des VA. Il s’ensuit que ces analyses ne prennent pour objet que les structures impliquant le verbe être,  comme le montre aussi Roy (2013). En effet, la plupart des VA n’entrent pas dans des phrases autres que prédicationnelles (fait pourtant le plus souvent signalé, p.ex. Heycock & Kroch, 1998 ;  den Dikken, 2006a : 334-335 ; etc.) et la sélectivité graduelle des verbes pose problème.

Rappelons brièvement les grandes lignes de la théorie des petites propositions (parfois aussi appelées clausettes, d’après l’anglais small clause ; nous faisons ici abstraction de la théorie de la prédication de Williams 1983). Dans une telle optique, la phrase attributive se réduit toujours à la structure suivante, une structure en profondeur (Mikkelsen, 2005 : 7 ; repris à Van Wettere, 2018 : 24 ; voir Lamiroy & Melis, 2005 pour d’autres références ; pour une discussion plus récente des variantes de la théorie, voir Roy, 2013 : 11-15).

schéma

Le verbe sélectionnerait donc une petite proposition qui comporte en son sein un sujet (John) et un attribut (the teacher). Dans la structure de surface, ce sujet est monté en position de sujet du verbe :

Is (John, the teacher)     >          John is the teacher.

Cette analyse à montée du sujet parait tout d’abord inutilement complexe pour rendre compte du rôle ligateur de la copule. En outre, elle pose plusieurs problèmes empiriques lorsqu’on l’applique aux VA. Tout d’abord, contrairement aux constructions du type attribut du COD (On a nommé John directeur), John et the teacher ne sont jamais réalisés de manière adjacente (même pas avec la copule) et ne peuvent pas être déplacés ou remplacés en bloc. En d’autres mots,  on a du mal à soutenir que [John – the teacher] est un constituant (sœur du verbe). Puis,  la théorie de la petite proposition a du mal à rendre compte des restrictions catégorielles, sémantiques et lexicales qui pèsent parfois sur le sujet et l’AS (cela vaut aussi pour les constructions résultatives, voir Guimier 1999: 105 et Boas 2003: 41) en fonction du verbe attributif en question (Lamiroy & Melis, 2005 : 161 ; Lauwers, 2009 : 189). En effet, l’attribut souriant n’est en soi pas incompatible avec un nom humain, mais il n’en reste pas moins que ce VA restreint fortement la gamme de sujets, comme nous le verrons :

??Pauline s’annonce souriante.
Pour les Durbano-Tuchanais, la saison s'annonce souriante. (web)

C’est dire que le VA dispose encore d’un pouvoir de sélection à l’intérieur de la petite proposition, alors que, en toute logique, les composantes de celle-ci devraient se trouver en dehors de la portée du verbe, qui ne fait que sélectionner la petite proposition dans son ensemble, comme un tout. La conclusion qui s'impose, c'est que le VA exerce encore un certain pouvoir de sélection / de sous-catégorisation sur son sujet et son attribut, qui s’ajoute à la sélection du sujet par l’attribut (p.ex. obèse sélectionnant d’office un sujet animé). C’est un élément fondamental qui montre que les VA ne se confondent pas avec le verbe copule.

Aux antipodes du traitement générativiste se trouvent les analyses proposées dans le cadre de HPSG, qui traitent le verbe copule comme un verbe plein (voir aussi Sag, Wasow & Bender, 2003 : 337), doté d’un sujet et d’un complément (prédicatif), qui comprend aussi les participes passifs (Abeillé & Godard, 1996 : 57) :

schéma

L’attribut est donc un simple complément de type prédicatif qui attend un argument sujet dont hérite la copule (cf. la co-indexation). En voici la description fournie par Abeillé et Godard (1996 : 57) :

« La variable GX note un syntagme à tête quelconque (GN, GP, GA, GV). Ce que la grammaire traditionnelle appelle « attribut » est un complément distingué simplement par le trait [PRED +] (prédicatif) et par le fait qu’il attend un sujet (trait SUJ). L’étiquette 1 note le partage de sujet entre le complément prédicatif et être, qui lui ajoute une contrainte d’accord notée […]. La variable L note la liste de compléments éventuellement attendus par le complément prédicatif (L peut être vide) et hérité par la copule. Celle-ci hérite également du contenu de GX (étiquette 2) auquel elle ajoute des restrictions aspecto-temporelles (trait LOC). »

Le mécanisme de l’héritage de traits permet de partager le sujet entre le prédicat attributif et le verbe copule, ce qui ouvre sans doute des perspectives pour superposer les contraintes exercées par l’attribut et le VA. Le traitement comme verbe plein du VA – mais quid de la copule ? permet aussi de préciser la nature morphosyntaxique du complément et d’attribuer des rôles sémantiques, ce qui permet de rendre compte du comportement particulier de sembler (angl. seem) par exemple, qui aurait un thème (sujet), un expérienceur (COI) et un attribut (Van Eynde, 2015 : 111).

En somme, les analyses théoriques existantes privilégient tantôt la copule, tantôt le VA considéré comme verbe lexical, mais n’ont pas encore donné lieu à un véritable traitement qui rende compte de l’ensemble de la classe, dépassant le travail d’inventaire et de description. Une approche prototypique du VA pourrait y remédier, intégrant aussi la dimension constructionnelle qui pourrait relier les VA aux constructions attributives dans lesquelles ils entrent.

Sur le plan de la sémantique, les VA offrent un intérêt certain pour l’étude de l’aspect – même si les nuances aspectuelles des VA de changement d’état sont moins variées qu’en espagnol –  et de l’évidentialité. Nous en reparlerons sous 3.2.

Pour la linguistique diachronique, les VA constituent un champ intéressant, parallèle aux verbes auxiliaires, pour l’étude des processus de grammaticalisation, y compris de désémantisation et de subjectification. Voir à ce propos le § 5.

 


2. Références importantes.


En linguistique française :

A. Sur la fonction d’attribut en général (voir notice "Attribut") :

Riegel, M. 1985.
L’adjectif attribut. Paris: Presses Universitaires de France.

Lauwers, P. 2009.
« La prédication ‘attributive’. Portée, structuration interne et statut théorique ». In Prédicats, prédication et structures prédicatives, édité par A.H. Ibrahim. Paris: CRL. 178-202.

Lauwers, P. et Melis L. 2013.
 « L’attribut du sujet: à la recherche de l’unité dans la diversité ». In Ouattara, A. Les fonctions grammaticales : histoire, théories, pratiques. Bruxelles: Lang. 251-262.

B. Sur la famille des VA :

Leeman, D. 1996.
« Attributs du sujet et verbes attributifs ». Linx 34 (1). 187‑95.

Lamiroy, B. & Melis, L. 2005.
« Les copules ressemblent-elles aux auxiliaires ? ». In Les périphrases verbales, édité par H. Bat-Zeev Shyldkrot et N. Le Querler. Amsterdam: John Benjamins Publishing Company. 145-70.

Lauwers, P. et Tobback E. 2010.
« Les verbes attributifs : inventaire(s) et statut(s) ». Langages 179‑180 (3). 79‑113.

Van Wettere, N. 2018.
Copularité et productivité : une analyse contrastive des verbes attributifs issus de verbes de mouvement en français et en néerlandais, Thèse de doctorat, Université de Gand.

En linguistique générale et comparative :

Van Peteghem, M. 1991.
Les phrases copulatives dans les langues romanes. Wilhelmsfeld: Gottfried Egert.

Hengeveld, K. 1992.
Non-verbal predication: Theory, typology, diachrony. Berlin: De Gruyter Mouton.

Stassen, L. 1997.
Intransitive predication. Oxford: Clarendon Press.

Pustet, R. 2003.
Copulas. Oxford: Oxford University Press.

Sur la question de la productivité, l’article suivant offre un regard ‘usage-based’ original:

Bybee, J. & D. Eddington. 2006.
« A usage-based approach to Spanish verbs of ‘becoming’ ». Language 82 (2). 323‑55.

D’après les auteurs, l’éventail de lexèmes possibles dans la position d’AS, après un VA donné, ne s’explique pas par un faisceau de caractéristiques abstraites partagées par l’ensemble de ces lexèmes. En revanche, ils proposent une analyse où la position d’AS comporte plusieurs classes sémantiques se construisant autour de noyaux adjectivaux à haute fréquence. Il s’ensuit que ce serait donc surtout la conventionnalisation de certaines combinaisons particulières [VA + AS adjectival] qui détermine le choix du VA en question. En outre, ces combinaisons donneraient lieu à des extensions analogiques locales.

 


3. Analyses descriptives, résultats & modélisations.



3.1. Descriptions morphosyntaxiques détaillées

3.1.1. Introduction : paradigmes morphosyntaxiques

Sur le plan morphosyntaxique, on peut distinguer différents paradigmes de verbes. Pour ce qui est de la forme du verbe, on peut distinguer les VA simples des VA pronominaux :

Ils tombent malades.
La nouvelle se révèle fausse.

Notons qu’on ne peut considérer comme VA pronominaux que des emplois qui se présentent comme entièrement autonomes par rapport aux autres constructions du verbe de base (§ 1.3.), tels que se révéler, s’avérer, se voir, se (re)trouver, se faire, etc.

Pour ce qui est du marquage de l’AS, il convient de distinguer les VA directs et indirects, ces derniers étant introduits par des marqueurs prédicatifs issus de prépositions (Lauwers & Tobback, 2018):

Il se révèle comme un politicien charmant. (Lauwers & Tobback, 2018)

Si comme est de loin le marqueur dominant, donnant lieu à ce que Broekhuis et al. (2003) appellent la supplementive construction, on trouve aussi pour (ex. elle passe pour intelligente) et en (elle a fini en pâtissière). La présence de ces marques ainsi que leur raison d’être (morphosyntaxique et/ou sémantique) varient d’un verbe à l’autre, comme le montrent Lauwers & Tobback (2018).

3.1.2. Restrictions combinatoires de toutes sortes

Comme nous l’avons déjà dit dans la première section de cette notice, les VA se caractérisent par des restrictions combinatoires exercées sur leur attribut. Il convient de distinguer les contraintes catégorielles (3.1.2.1.), lexicales (3.1.2.2.) et sémantiques (3.1.2.3.). Enfin, il existe aussi des contraintes sur le sujet (3.1.2.4.). Pour terminer, nous attirons l’attention sur quelques restrictions inattendues avec le verbe être (3.1.2.5.). Toutes ces contraintes rendent une analyse en termes de petite proposition encore plus caduque (v. § 1.3.).

3.1.2.1. Contraintes catégorielles sur l'attribut : SN, N et Adj

Pour ce qui est de la combinatoire des verbes avec les différentes catégories morphosyntaxiques, nous nous basons ici sur les tableaux fournis par Lauwers & Tobback (2010), qui font abstraction de la distribution complexe des Sprép. En gros, on peut distinguer trois profils, un profil asélectif, un profil adjectival et un profil nominal, avec les noms nus comme catégorie intermédiaire. Tout d’abord, les VA (prototypiques) se combinent avec les trois catégories, Adj, N et SN pleins (être, devenir, sembler, paraître, rester, demeurer, passer pour et les différentes constructions de faire, voir Lauwers, 2008).  Dans le domaine des VA pronominaux, on peut y ajouter s'avérer et se révéler (Tobback & Lauwers, 2012). Puis, un deuxième groupe de VA se construit avec des adjectifs et/ou des noms nus (tourner, tomber, aller (nu), arriver (bon premier), passer colonel, etc. ; se faire, se rendre, etc.). Enfin, le troisième groupe privilégie les constituants nominaux (SN ou noms nus), au détriment des adjectifs (Ils vivent en ermite(s) ; Il s’établit comme avocat).

3.1.2.2. Contraintes (quasi-)lexicales sur l'attribut et tendances au figement 

Certains VA présentent encore des contraintes distributionnelles plus fortes, à tel point qu'on peut faire état de restrictions quasi lexicales, signe d’une tendance au figement. D'une part, on relève des locutions verbales attributives (passer inaperçu, afficher complet) pour lesquelles aucune variation lexicale n'est possible. D'autre part, il existe aussi des collocations – ou des micro-constructions attributives, si on adopte le jargon des Grammaires de Constructions – autorisant seulement une liste fermée ou très limitée d'items lexicaux :

arriver : [bon] + numéral ordinal, p.ex. Il est arrivé bon dernier au concours Eurosong ; arriver vierge, p.ex. Elle est arrivée vierge au mariage.
aller {nu / bras dessus dessous}
partir {battu / gagnant / favori}
virer {en tête / premier / invaincu}

Certaines de ces micro-constructions attributives sont de nature délocutive (Lauwers, 2018) et résultent de la réanalyse d’un adjectif en emploi autonymique, mais dont la portée lexicale reste pour l’instant limitée à quelques items lexicaux, sans doute dans l’attente de nouvelles recrues (Lauwers, 2018 ; nous soulignons) :

- afficher complet :
Il n'y avait eu qu'elle à pouvoir apprécier difficilement la nouvelle institution : elle s'était postée à l'arrêt de la rue de la Verrerie, mais cinq carrosses étaient passés devant elle en affichant "complet"!  (P. Usseau, 1961, premier exemple attesté dans Frantext)

- répondre présent/absent :
pouvoir jouer avec des personnes du monde entier me motive d’avantage à y consacrer du temps. La difficulté et le challenge ont l’air de répondre présents sans pour autant demander un énorme temps d’investissement pour être au top de la mode du jeu. (French Ten Ten Corpus)

3.1.2.3. Contraintes sémantiques

Enfin, dans certains cas, le verbe exerce des restrictions de sélection (sémantiques) assez fortes sur son attribut, ce qui n’a rien de surprenant étant donné que les VA ne sont pas des verbes sémantiquement vides. Ainsi, tomber, de par son sémantisme de base – la chute, i.e. un mouvement non volontaire entraîné par la pesanteur – sélectionne des attributs (adjectivaux ou noms nus) qui soient compatibles avec l’idée d’une perte/ absence de contrôle subie par le référent dénoté par le sujet (Guimer, 1993) : tomber malade, fou, gâteux, boiteux, amoureux, enceinte, prisonnière, veuve, professeur, soldat, chômeur, célibataire, paralytique, victime... En revanche, le verbe passer, suivi d’un nom nu, demande des noms qui renvoient à un statut jugé favorable pour être compatible avec le sens du verbe, qui implique justement une promotion : 'devenir N, après avoir vaincu un obstacle' ; mouvement 'ascendant'. C’est pourquoi on peut passer colonel, président, acteur (rusé comme un figurant qui veut passer acteur, Frantext), reine, mais plus difficilement ??chômeur. Cette contrainte semble même se maintenir lorsque le verbe se combine avec des attributs inanimés :

mi 2019 le Leader Price est passé Supermarché Casino (Le grand écart) et l’on constate aujourd’hui que ce n’était pas un si mauvais calcul car la fréquentation du magasin est beaucoup plus importante. (web)

Dans ces deux cas, on peut parler de « persistance lexicale » (angl. « lexical persistence », Hopper, 1991) : même en cas de désémantisation (partielle), le sens étymologique du verbe se fait encore ressentir sous la forme de restrictions sémantiques subtiles, mais transposées le plus souvent à un niveau plus abstrait. Ainsi, le VA passer sélectionne des statuts impliquant une promotion qu'il faut mériter, rappelant l'emploi de franchir avec un obstacle à franchir.

D’autres restrictions sont encore plus subtiles. Dans le domaine évidentiel, faire repose sur un processus inférentiel à partir d’une caractéristique perceptible servant d’indice (angl. « evidence ») (Lauwers, 2008). Ce processus est sans objet si la caractérisation est trop patente (cf. aussi sembler, apud Tasmowski, 1989), ce qui explique l’anomalie des énoncés suivants:

??Elle faisait {rouge / présente} /vs/ Elle faisait vieille.

3.1.2.4. Contraintes sur le sujet

Enfin, comme le verbe copule lui-même n’exerce pas de contraintes  sur son sujet (en plus de celles imposées par l’attribut), il se construit avec n’importe quel type de sujet. Il n’en est pas de même de la plupart des VA, qui n’acceptent ni les complétives sujets, ni les infinitifs, contrairement aux copules prototypiques (y compris s’avérer et dans une moindre mesure se révéler):

Qu’il vienne paraît bizarre.
?Que ce village soit abandonné fait bizarre.
??Qu’il ait opté désormais pour un mi-temps se retrouve néfaste.

Marquer un but contre son ancienne équipe est devenu délicat.
*Marquer un but contre son ancienne équipe s’est fait délicat (Lauwers & Duée, 2010).

Toutefois, bon nombre de ces VA acceptent la dislocation à droite de complétives et d’infinitifs (qui n’apparaissent pas aisément en fonction de sujet) :

Ça fait bizarre que ces choses-là disparaissent (web)
Ça vire au ridicule, de devoir expliquer ce genre de choses. (web)

L’extraposition avec un sujet impersonnel est également plus contrainte, mais elle est cependant possible pour s’avérer et se révéler (Tobback & Lauwers, 2013 : 52) :

Il peut s'avérer fort utile de se faire aider. (Le Monde)

Puis, sur le plan des restrictions sémantiques, on constate que s’annoncer tend à prendre des sujets inanimés (Lamiroy & Melis, 2005) et notamment certains types de sujets inanimés (laps de temps,  noms d’événements, etc.) :

La campagne électorale s’annonce rude. (web)   /vs/
??L’armoire s’annonce lourde ;  ??Le videur s’annonce rude.

Notons que, en soi, les adjectifs attributs en question sont asélectifs. Il ne s’agit pas pour autant de restrictions absolues (Tobback & Lauwers, 2011), comme le montre aussi l’exemple suivant :

La reine de W. ne baisse pas les armes de sitôt et s’annonce difficile à convaincre dans les négociations de trêve. (web)

Ce cas de figure est à distinguer des cas où l’incompatibilité avec des inanimés s’explique par des restrictions émanant de l’attribut (mécanisme qui ne pose aucun problème à la théorie de la petite proposition, puisque ces restrictions se situent à l'intérieur de ce constituant), lui-même sélectionné par le verbe  :

*Le jardin est {passé / né} médecin.

En effet, un jardin n’est pas compatible avec (être) médecin. Ce qui se passe, c’est que passer ‘monter en grade’ se combine essentiellement avec des attributs humains, qui à leur tour demandent des sujets humains, tout comme naître.

De manière générale, les préférences des VA pour certains types de sujets ne traduisent que des tendances (pas des restrictions absolues), qui font pencher la balance dans un certain sens, en dépit de l’asélectivité des attributs  (Lamiroy & Melis, 2005).

Les restrictions combinées des verbes et de leurs attributs donnent aux VA un profil spécifique quant à la sémantique de leurs sujets. Ainsi, Van Wettere (2018 : 226) observe  dans le domaine des VA issus de verbes de mouvement, une préférence pour les sujets inanimés (à l’instar de la copule, qui compte 101 animés pour 273 inanimés). Cette préférence n'est toutefois pas respectée par les spécimens moins prototypiques, tels que passer, tomber et virer (mais bel et bien dans le cas de tourner), qui présentent un profil plutôt humain.

3.1.2.5. Être, un VA comme les autres ?

Le plus souvent, être passe pour le VA par excellence, la copule à l’état pur. Dans la tradition de la Grammaire générale, être incarnait même la prédication tout court, comme le suggère le terme de « verbe substantif » (Arnauld & Nicole, 1662 : 123, apud Van Peteghem, 1991 : 4). Ce verbe substantif était censé se cacher dans tous les verbes lexicaux pleins (je dors = je suis dormant).

Tous les linguistes ne sont cependant pas du même avis. Notamment les auteurs de dictionnaires de constructions verbales ont tendance à considérer être comme un verbe comme les autres, doté d’un pouvoir de sélection et de construction (Gross, 1975 : 72 ; Goes, 1997 ; Daugaard, 1998 ; voir aussi un aperçu dans Lauwers & Tobback, 2010), position partagée par certains spécialistes de l’anglais (voir références citées dans Lamiroy & Melis, 2005). Nous nous rallions à cette thèse défendue déjà par Benveniste (1966 : 157) selon laquelle « Une phrase à verbe être est une phrase verbale, pareille à toute phrase verbale ». Si on accepte ces prémisses, deux possibilités s'offrent à l'analyste : soit on distingue plusieurs verbes être – la solution homonymique (cf. aperçu dans Den Dikken, 2006 : 302) –, soit on lui reconnaît plusieurs constructions (argumentales). Dans les deux cas, être s'insère comme prototype dans une famille de VA dont les constructions et les contraintes doivent être décrites, à l’image de tout autre verbe.

L’intérêt d’une telle approche ressort du fait que être s’avère parfois même plus contraint que d’autres verbes attributifs. Ainsi, avec être, seuls les noms attributifs concrets référant à un statut objectif ou objectivé socio-culturellement/ contextuellement (Lauwers, 2007a) peuvent se construire sans article. Certes, cette contrainte peut être contournée par des correctifs contextuels (contextes hypothétiques, génériques, etc. Kupfermann, 1991 ; Riegel, 1985 : 202 ; Lauwers, 2007), ou encore, par un effet de « rattachement conceptuel direct » (Noailly, 1991 : 84) impliquant dans le cas des noms concrets une métamorphose (Et la citrouille fut carrosse ; Noailly, 1991 : 76), force est de constater que devenir, verbe pourtant réfractaire à d’autres catégories telles que les Sprép, apparaît souvent comme moins recherché dans ces contextes :

Et la citrouille devient carrosse,

sans doute parce que son sémantisme dynamique permet de construire des catégorisations successives (prairie vs forêt) qui avec être seraient contradictoires :

Pourtant, si l'évolution continue, ces prairies deviendront aussi forêt. (French Ten Ten corpus)

À noter aussi que le VA pronominal se vouloir accepte plus facilement des SPrép. caractérisants (désignant un sous-type du référent sujet), notamment dans des relatives :

L’art qui se veut et se croit d’observation /vs/  *L’art qui est d’observation. (Lauwers & Tobback, 2010)

Enfin, dans certains emplois marginalement attributifs, comme les emplois directionnels de certains verbes, le VA ne commute pas avec être :

Cette entreprise familiale a désormais tourné marketing.
??Cette entreprise familiale est désormais marketing.

Dans certains cas, l’évitement de la copule prototypique semble s’expliquer par une très forte tendance à la lexicalisation. Ainsi, inaperçu se combine normalement avec passer (15439 attestations dans French Ten Ten corpus, 2017), au détriment de rester (264) et être (54) inaperçu.

Enfin, il faudrait noter que même être tend à former un VA indirect en se combinant avec en :

Pourquoi les mecs sont en chiens (titre de forum, web ; ‘être en manque’)
Maintenant sur Lyon, les controleurs [sic] sont en civils (web)

Comme, en revanche, ne s’y prête pas, sauf lorsqu’il s’agit d’un attribut accessoire ou comme adverbe approximatif :

Tariq Ramadan, il est là comme citoyen ou comme musulman (web)
Tout mon être était comme glacé de terreur (web)


3.2. Descriptions sémantiques

Si être passe pour « un élément purement relationnel et référentiellement vide » (Riegel et al. 20187 : 423), les autres VA enrichissent la phrase d’informations sémantiques (Hengeveld, 1992 : 35), notamment aspectuelles, épistémiques et/ou évidentielles, qui accompagnent l’ancrage TAM (temps, aspect, mode) du prédicat non verbal. Comme ces nuances font tout l’intérêt des VA, nous nous y arrêterons plus longuement, quitte à reprendre un certain nombre des verbes déjà évoqués plus haut.

A. VA aspectuels

- État (être et consorts).

Contrairement à ce qui se passe en espagnol, par exemple, où ser ‘être’ se voit concurrencé par estar, être est la seule copule stative en français. Cela implique qu’elle couvre à la fois les états permanents (~ ser) et transitoires (~estar).  Ce constat doit toutefois être nuancé, car deux ensembles de VA se positionnent eux aussi dans le domaine transitoire.

(i) Tout d’abord, la triade se trouver, se retrouver et se voir (Lauwers, Van den Heede & Tobback 2019). Se trouver et sa variante en re- expriment des états contingents liés à un constat, souvent associés à la soudaineté ou au hasard :

Il advint qu'un soir - à la première représentation de Maison neuve , au Vaudeville -, ma stalle se trouva voisine de celle d'un député qui me veut du bien (French Ten Ten Corpus)

Pour les nuances subtiles apportées par le préfixe, voir Lauwers, Van den Heede & Tobback (2019).  Se voir  (Lauwers & Tobback, 2013b) est proche de se (re)trouver :

Du Maurier fut bouleversé ; il se vit aveugle à brève échéance (Ph. Lhantony, 1999, Frantext)

(ii) Puis, le français connaît quelques VA à combinatoire lexicale réduite – dont les locutions discutées sous 3.1.2.2.  qui expriment des états sur lesquels se greffent des nuances assez spécifiques, liées à l’exercice d’un certain type d’activité (Il fait charcutier, Tu fais le dj ce soir ? (Lauwers, 200) ; afficher complet ; Il a vécu esclave/ centenaire/ vieux ; déclarer forfait ; aller court-vêtue) ou d’événement (Cicéron était né chevalier romain ; il est né musicien), y compris d’un acte de parole (répondre présent/ absent ; Lauwers, 2018) ou à l’inscription dans un ordre de succession (Neymar a fait troisième).  On constate à quel point la construction attributive offre des solutions sur mesure aux besoins expressifs. Ainsi, l’état transitoire dans lequel se trouve un joueur ou un club à un moment donné d’une compétition peut être exprimé à l’aide du verbe virer (Lauwers & Van Wettere, 2018 : 7) :

L'équipe 2 masculine vire première à l'issue des matches allers (web)

- État-phase (inchoatif, terminatif).

Certains verbes (commencer, finir (en) ; partir, arriver, (res)sortir) profilent l’état du sujet dans la phase inchoative ou terminative d’un processus. Ils ne dénotent pas vraiment un changement d’état, un devenir, mais plutôt un état saisi à un moment donné, comparé implicitement à un état antérieur :

Cette montagne, dans le jour, à mon arrivée, commençait verte, devenait grise, finissait blanche (R. Crevel, 1925, Frantext)
Elle arrive meilleur [sic] femelle (devant la classe champion) et meilleur de race (web).
Il part {gagnant / favori}.
Le ministre-Président wallon sort grand vainqueur de la saga du Ceta (web).

- Permanence (= absence d’un changement d’état, maintien de l’état).

Le français dispose aussi de deux verbes qui expriment la permanence dans un état : rester et demeurer. Ajoutons-y aussi la locution passer inaperçu (Le problème est passé inaperçu.).

- Changement d’état.

Les VA marquant un changement d’état sont plus nombreux. En plus du prototype générique (re)devenir, on note des variantes aspectuelles plus spécifiques, qui imposent des restrictions sémantiques (et lexicales) plus subtiles, comme le couple antagonique passer/tomber (cf. 3.1.2.3.), les quasi-synonymes tourner/virer et se faire, et, dans certains contextes, se trouver/retrouver. Ainsi, virer et tourner (Van Wettere & Lauwers, 2017) deux verbes qui sont parfois à tort taxés de régionalismes, ou cantonnés au registre familier ou populaire, s’attirent de larges pans de la distribution de devenir, tout en y ajoutant, chacun à sa manière, de subtiles nuances subjectives, notamment détrimentales (concevant le résultat du changement comme néfaste), p. ex. virer/tourner fou. Ils sont dès lors caractérisés par une connotation négative (appelée aussi « prosodie sémantique négative », d’après Sinclair, 1987). Sur le modèle de tourner/ virer, toute une liste de verbes de mouvement (basculer, verser, sombrer, glisser et atterrir) se construisent désormais avec des attributs:

Désolée de voir son grand mari sombrer neurasthénique, Antoinette se surpassait au plumard. (A. Vergne, 1984, Frantext)

Se faire (Lauwers & Duée, 2010), quant à lui, réunit en son sein plusieurs constructions, en plus de la simple reformulation pronominale de la construction  transitive (elle se fait belle < on la fait belle) : des changements contrôlés (pour bénéficier de la gratuité, il devait se faire petit ; Frantext) ou non contrôlés (L’eau se fait rare ;  La saison se fait longue), ou encore, des emplois statiques évidentiels (§ 5 infra). Dans le second emploi, se faire s’avère un synonyme plus soutenu et sémantiquement plus contraint, car subjectivé, de devenir.

B. VA épistémiques et évidentiels

Bon nombre de VA prennent une valeur plus subjective dans la mesure où ils véhiculent des informations relatives à la valeur de vérité de la phrase (épistémique) ou aux fondements du savoir du locuteur (évidentiel). Ces deux domaines ne sont pas toujours distinguables et leur autonomie fait toujours débat.

L’évidentialité concerne les sources du savoir du locuteur et s'applique notamment au domaine des VA, l’emploi d’un VA évidentiel {sembler, paraître, faire, avoir l’air, se révéler, s’avérer, se faire, passer (pour), s’annoncer} permet au locuteur d’énoncer un état de choses – l’attribution d’une propriété – tout en se prononçant sur les fondements (les sources) de ce qu’il dit. L’on distingue traditionnellement l’évidentialité directe de l’évidentialité indirecte, d’après la typologie de Willet (1988).

L’évidentialité indirecte est basée sur des indices (angl. « evidence ») dont le sujet parlant/ le conceptualisateur (Langacker, 1990) a pu prendre connaissance et qui donnent lieu à un calcul inférentiel:

L’hypothèse {s’avère / se révèle} fausse.
La nuit s'annonce transparente et douce. (M. Genevoix, 1949, Frantext)

Les VA qui expriment l’évidentialité indirecte se distinguent par des nuances subtiles dues aux modalités spécifiques de ce processus inférentiel. Voir à ce propos les études spécialisées : sembler/paraître (Tasmowski, 1989 ; Nølke, 1994 ; Delplanque, 2006 éd ; Thuiller, 2004), auxquels on peut ajouter encore apparaître (comme), faire/avoir l’air (Lauwers 2008), plus proches du pôle contrefactuel (Il a 80 ans, mais il fait jeune), s’avérer/se révéler (Tobback & Lauwers, 2012) et s’annoncer (Tobback & Lauwers, 2011). Certains de ces VA comme passer pour traduisent aussi l’évidentialité indirecte basée sur des propos rapportés (« reported », dans la typologie de Willet 1988):

Il y a dix-huit cents ans, les chrétiens passaient pour des impies, parce qu’ils refusaient de sacrifier aux Dieux de l’empire  (L. Ménard, 1876, Frantext)

L’évidentialité directe, quant à elle, est difficile à saisir dans le domaine attributif. Se révéler s’en rapproche déjà sous certains égards, et, dans son sillage, d’autres verbes pronominaux tels que s’afficher (comme), se montrer (comme) et se porter (comme/ pour) qui mettent l’accent sur la manifestation ou la « monstration » :

Dans les gazettes, les hommes s'affichent enthousiastes compagnons de route du féminisme […]
Le héros se montre grand dans toutes les circonstances de sa vie (Lauwers & Tobback, 2010)
se porter malade, volontaire, candidat, acquéreur (TLFi)

Tous ces verbes et d’autres (voir Lauwers & Tobback, 2010 pour des exemples) soulignent la certitude avec laquelle l’attribution des propriétés se fait, le plus souvent grâce à une dimension évidentielle directe, l’objet s’offrant au regard de l'expérienceur (Willet 1988). Avec un peu de bonne volonté, on peut y rattacher certains emplois de se trouver (Lauwers, Van den Heede &Tobback, 2019), tout comme certains emplois non dynamiques de se faire (Lauwers & Duée, 2010):

la réglementation se trouve inexistante (Lauwers & Tobback, 2010)
[téléphone portable] le fin boitier en aluminium […] se fait très agréable lors de sa prise en main (web)

C. VA bouliques

Enfin, quelques VA s’inscrivent dans la modalité « boulique », terme technique emprunté à la logique et renvoyant au champ de la volonté, en l'occurrence du sujet (ou d’un tiers à propos du référent sujet):

le candidat Bayrou, qui se revendique comme "ambitieux et médiatique". (Le Monde)
elle se propose comme une théorie fondamentale du champ de gravitation. (Lauwers & Tobback, 2010)
La voie du Rhin s’imposait comme la plus économique. (idem)

La valeur boulique glisse facilement vers les apparences, comme le montrent se donner comme / pour 'vouloir passer pour, vouloir donner une impression' et se vouloir, qui expriment surtout la volonté de ‘paraître’, qui domine le plus souvent avec ce dernier :

un homme se présenta chez lui, qui refusa de se nommer, mais qui se donna comme chevalier de Malte (Lauwers & Tobback, 2010)
Balladur se veut serein face à l'offensive du maire de  Paris et de ses amis. (Le Monde)


3.3. Analyses pragmatiques

Mis à part les aspects liés à la structuration de l’information (qui seront traités infra, parmi les analyses discursives), les VA ne présentent que très peu de spécificités d’ordre pragmatique. Signalons toutefois les implicatures conversationnelles liées à la subjectification qui accompagne les processus de grammaticalisation (§ 5.) et les inférences pragmatiques de l’auto-attribution de propriétés dans le cadre de phrases à verbe pronominal. Quant à ce dernier aspect, un exemple suffit pour illustrer de quoi il s’agit :

Pierre se croit intelligent.

Si un tel énoncé est prononcé, c’est en général pour dire le contraire : le locuteur trouve plutôt que Pierre n’est pas intelligent, mais cela est dit de manière implicite (Lauwers & Tobback, 2013b). On peut expliciter l’implicature comme suit : les qualités que l’on s’attribue sont a priori suspectes.


3.4. Analyses discursives

Les VA en tant que tels ne se prêtent pas vraiment à une analyse discursive. En revanche, les structures phrastiques dans lesquelles ils entrent ont fait l’objet de nombreuses études qui en ont déterminé la structure informationnelle et la fonction sémantico-pragmatique. Pour le français, on peut citer Van Peteghem (1991), Riegel (2005), Apothéloz (2008, 2012) et Lauwers (2011a, 2012). Legallois & Gréa (2007) insistent sur les classes sémantiques qui remplissent la position initiale des constructions spécificationnelles Le N est de / est que (L’objectif est de…). Pour une description de ces structures, nous renvoyons le lecteur à la notice "Attribut".

En revanche, ce qui nous intéresse ici, c’est la compatibilité des différents VA avec ces structures. La gamme des VA qui entrent dans la construction spécificationnelle est plus restreinte que dans les phrases prédicationnelles: être / rester / demeurer / (me)sembler (Van Peteghem, 1991; Heycock/Kroch, 1998 ; den Dikken, 2006a : 334-335, à propos de seem ; voir aussi Den Dikken, 2006b : 146), verbes auxquels on peut encore ajouter s’avérer, se révéler et devenir, dans certains contextes au moins :

Je rappelle que l’objectif ultime de tout parti politique demeure la conquête du pouvoir et faire prévaloir son projet de société. (French Ten Ten Corpus)
[…] la relation la plus fructueuse s'avère celle qui rassemble […] l’écrivain à la psychiatre (Le Monde)

Cette situation est bien entendu problématique pour l’approche basée sur la dérivation des phrases spécificationnelles à partir de prédicationnelles (ou d’une structure profonde commune, voir Moro 1997). Aussi n’est-ce pas un hasard que les contributions génératives se limitent tout au plus à signaler que certains VA n’admettent pas la spécificationnelle (voir références citées ci-dessus).

Se basant sur le French Ten Ten Corpus, un corpus web disponible sur la plateforme Sketch Engine, Van Wettere (2018 : 390) fournit des chiffres pour un certain nombre de ces VA, tout en étendant l’enquête aux phrases identificationnelles (C’est qui ça ? C’est le facteur) et d’identité (L’étoile du matin est l’étoile du soir). Ces chiffres sont basés sur des échantillons randomisés de 400 exemples pour chaque verbe (nous faisons abstraction d'autres types mineurs) :

spécificationnel identificationnel phrase d'identité prédicationnel
Demeurer 16 0 0 384
Devenir 1 0 10 389
Être 28 1 2 369
Rester 25 0 1 374

Dans les constructions du type Le prix est de X (Lauwers, 2012), dans lesquelles un de s’insère devant l’attribut, rester, sembler, devenir et s’avérer sont attestés :

Ce nouveau prix subit une baise [sic] de 10% alors il devient de 89.1 euros (web)

Notons que les contraintes sémantico-pragmatiques ont aussi des répercussions sur la nature du constituant postverbal. Ainsi, s’avérer et se révéler ne se combinent pas avec des noms propres :

*Cet homme {s'avère / se révèle} Jean Dupont.

C’est que ces noms propres impliquent une lecture identificationnelle forte dont ces deux verbes ne sont pas capables. Il n’empêche que pour s’avérer on trouve des exemples de phrases identificationnelles avec des noms communs :

[…] ce qui avait pu être pris pour un engin explosif […] s’était avéré par la suite son cartable  (Le Monde)

Normalement, dans les phrases spécificationnelles et identificationnelles, l’insertion du verbe être s’impose, ce qui en fait un emploi auxiliaire.

Indépendamment de la typologie des phrases, Demol & Tobback (2011) ont relevé les différences entre ce et il(s)/elle(s) dans l’expression de la (dis-)continuité topicale, le démonstratif étant associé plus souvent à la discontinuité topicale. Cette dimension s’ajoute à d’autres différences, comme la nature évaluative ou non de la phrase prédicationnelle à attribut nominal (Van Peteghem, 1993).


3.5. Analyses diachroniques

3.5.1. Évolution de l’inventaire

Au fil du temps, l’inventaire des VA a changé. Depuis le latin classique, on note surtout une très grande diversification, comme le montre l’inventaire compilé par Vandevyvere (2014) à partir des principaux ouvrages de référence (e.a Buridant, 2000 : 83). Notons que cette évolution continue au-delà du français classique. En effet, comme nous le verrons, bon nombre des VA datent du 19e, voire du 20e siècle : virer, tourner, répondre, se révéler, s’avérer, etc.

En outre, un certain nombre de VA ont disparu au fil du temps. Ainsi, si on compare avec la liste fournie dans  Ernout & Thomas (1959 : 146-147), on constate que bon nombre des VA latins (assez souvent des passifs) n’ont pas survécu : fieri / evadere (= ‘devenir’), haberi ‘être regardé comme’, videri ‘sembler, paraître’, manere ‘rester’, etc. Certains semblent avoir été remplacés par de nouveaux VA: manere ((re)manoir) > rester ; fieri > devenir (< devenire) ; videri > sembler (< lat. vulg. similare). Enfin, un certain nombre de créations gallo-romanes semblent avoir connu une existence plutôt éphémère, comme cheoir (< lat. cadere) et avoir (a) nom ‘s’appeler’.

À notre connaissance, l’histoire des VA – en français, mais aussi à l’échelle romane  est mal connue, et ce qu’on en sait reste très fragmenté. La dynamique de l’inventaire recèle toutefois plusieurs questions intéressantes. Se pose tout d’abord la question des rapports de force entre tous ces verbes (compétition ? attraction analogique ?) et ce que cela implique pour l’émergence (la grammaticalisation) et le déclin de VA individuels. Puis, on s’interroge aussi sur les modalités de l’émergence du paradigme des VA pronominaux et sur la façon dont ils ont pu remodeler l’inventaire. Enfin, un autre sujet qui interpelle, c’est l’évolution des marqueurs attributifs (comme, pour, etc.). Ceux-ci semblent déjà attestés en latin classique (p.ex. la locution pro haberi ‘être considéré comme’), ainsi qu’en latin vulgaire, d’après Väänänen (1963 : 164-165), qui mentionne pro, ut, quasi, tamquam. La tendance analytique qui caractérise les langues romanes semble avoir favorisé le marquage explicite de l’attribut (Morinière 2008), même si certains marqueurs semblent avoir disparu au fil du temps, comme p.ex. à, que l’on retrouve encore dans la locution prendre à témoin (voir Morinière, 2008).

3.5.2. Processus diachroniques : copularisation

En tant qu’outils grammaticaux, les VA sont le résultat de processus de grammaticalisation, plus particulièrement de copularisation (Hengeveld, 1992; Stassen, 1997). Rappelons que la grammaticalisation est un ensemble de processus diachroniques qui transforment des mots lexicaux (dotés d’un sens référentiel, p.ex. des noms, des verbes, etc.) en des mots grammaticaux tels que des prépositions (casa ‘maison’ > chez), des adverbes (passus ‘pas’ > pas ‘morphème de la négation’) ou des auxiliaires (aller), par exemple, à tel point que ces mots outils finissent parfois leur carrière comme morphèmes liés (cantare habeo > chanter-ai). Ces parcours de grammaticalisation s’avèrent plus variés que l’on ne pense. En plus de la « voie royale » on note plusieurs facteurs qui peuvent infléchir le cours de la ‘copularisation’. Il faut en outre prendre en compte que certains groupes de verbes donnent lieu à des parcours spécifiques (p.ex. la réanalyse d’anciens COD).

3.5.2.1. La voie royale : l’incorporation valencielle d’attributs dépictifs et dé/ resémantisation du V

Au cours d’un processus de copularisation, des verbes intransitifs (ou détransitivés) se construisent avec un élargissement attributif (adjectival)) de nature « dépictive » qui finit par devenir la composante prédicative centrale et de ce fait obligatoire (Hengeveld, 1992: 245 ; Stassen, 1997). Ces compléments dépictifs décrivent l'état dans lequel se trouve le référent sujet au moment de l'action exprimée par le verbe. Ce processus va de pair avec une désémantisation (angl. bleaching, traduit parfois par javellisation) du verbe, qui est compensée par une resémantisation, qui confère au verbe un sens plus subjectif. Ensuite, la position attributive s’ouvre progressivement à d’autres categories morphosyntaxiques selon le parcours A > SN (Hengeveld, 1992: 245, 247; Stassen, 1997; Lamiroy & Melis, 2005). Comme les SN pleins (déterminés) ont un degré de nominalité plus élevé que les noms nus, on peut compléter le schéma comme suit:

A > N > SN

Ce processus est décrit en detail par Hengeveld (1992) et Stassen (1997) qui montrent qu’il s’agit le plus souvent de verbes intransitifs de mouvement, de position et d’apparition. Donnons-en un exemple. En latin, le verbe de position stare ‘être debout’ est entré dans le système copulatif via les attributs adjectivaux. Ce constat peut être déduit du fait que dans toutes les langues ibéro-romanes, ce verbe ne prend pas d’attributs nominaux. Ainsi, en catalan, espagnol et galicien on ne trouve que des adjectifs, à côté des prédicats locatifs, alors que le portugais a étendu la portée du verbe aux éléments (Hengeveld, 1991: 87-90). La diffusion lexicale selon le schéma A > SN s’éclaire à la lumière de principes fonctionnels et reflète une échelle de prédicativité : les adjectifs sont davantage utilisés que les noms en fonction prédicative, les derniers servant d’abord à établir la référence (e.a. Dik, 1997: 203).

Curieusement, faute d’études diachroniques, ce parcours n’est pas encore documenté en français, mais on peut supposer que se (re)trouver et passer (inaperçu), par exemple, ont été attirés vers la sphère attributive par le biais de ce mécanisme. Voici les étapes parcourues par passer (Lamiroy & Melis, 2005 : 165), qui coexistent en synchronie :

Près d’elle, un jour, passa superbe un ange blond (Lamiroy & Melis, 2005)
Tous mes efforts pour passer inaperçu et me dissimuler dans un lieu sûr avaient été réduits à néant (ibid.)
Notre absence était passée inaperçue (ibid.)

De même, de nos jours se (re)trouver apparaît encore souvent dans des contextes de transition (Lauwers, Van den Heede & Tobback, 2019) :

Voyageuses du week-end, […] qui se retrouvaient éparses sur le grand lit Empire (M. Rheims, 1987, Frantext)

Ces « bridging contexts » se révèlent comme un véritable laboratoire de réanalyse, car même en synchronie il n’est pas toujours évident de savoir lequel des deux compléments, le complément spatial ou l’attribut, est dominant, et donc, de savoir si le verbe se construit avec un attribut adjectival essentiel ou pas. En effet, tantôt l’adjectif attribut semble être dominant (seul), reléguant le complément spatial au statut de circonstant, séparé par une virgule (et mobile), ou encore, à un complément (prédicatif) de l’adjectif (p. ex. seul - dans la nuit) :

Je me suis retrouvé seul dans la pénombre, les yeux grands ouverts (Ph. Djian, 1985, Frantext),

... tantôt le complément locatif semble essentiel (), accompagnant un attribut accessoire (concentrée et consacrée) :

Ce n'était pas seulement toute la suavité du printemps dans le plein de son explosion qui se trouvait là concentrée et consacrée […] (J. Gracq, 1992, Frantext ; nous soulignons)

Notons que l’exemple de se (retrouver) montre que la voie royale a également été empruntée par les VA pronominaux, toutefois après détransitivisation de la construction réflexive (voir Melis, 1990).

Il convient encore de préciser que le processus de réanalyse sémantique qui aboutit à la reconnaissance d’un attribut essentiel (incorporation valencielle) se voit aidé par deux processus conceptuels cruciaux : la métaphore et la métonymie. En effet, la métaphorisation de l’expression [verbe en voie de désémantisation + attribut] tend à rendre l’attribut essentiel pour le sens du verbe (Lauwers & Tobback, 2010):

Ce musicien est arrivé troisième au concours R. Elisabeth → *est arrivé au concours R. Elisabeth
(avec arriver = 'atteindre un certain état à la fin d'une épreuve quelconque')

La métonymie, quant à elle, permet le passage d’un état concomitant (vivre heureux) à un état résultant (vivre {vieux/âgé/cinquantenaire}, ce dernier peut même impliquer une visée prospective (partir content partir {gagnant/battu}).

Cette voie royale se heurte toutefois à l’existence d’un sous-ensemble de VA dont l’attribut a un profil essentiellement nominal, qu’elle n’arrive pas à expliquer. Il manque donc une seconde voie.

3.5.2.2. La voie ‘indirecte’: l’interférence des attributs indirects

En effet, l’évolution diachronique de se révéler et de tourner montre que les parcours de grammaticalisation peuvent être beaucoup plus complexes que ne le laissent présager les processus esquissés ci-dessus (pour des détails, voir Lauwers & Tobback, 2013 et Van Wettere & Lauwers, 2017). De nos jours, ces deux verbes possèdent encore une construction indirecte – qu’on l’appelle attributive ou non – qui dans le cas de se révéler est marginale :

Bart se révèle comme un politicien charmant.
La fête tourna au cauchemar.

Introduits par un marqueur prédicatif ou une préposition, ces attributs se construisent avec des SN pleins (un politicien charmant ; le cauchemar).

L’étude diachronique de ces verbes révèle que c’est la construction indirecte qui a été à la base de l’emploi attributif. Après s’être détransitivé à partir d’un emploi pronominal réfléchi signifiant ‘se dévoiler’ (Dieu se révèle à l'homme ; Cet athlète s'est révélé à 27 ans), se révéler est devenu un verbe d’apparition (L’autre rive se révélait vaguement ; Gide, 1899) qui, en tant que tel, pouvait prendre des attributs accessoires :

Le dieu, qui s'est révélé comme créateur, s'est engagé comme rémunérateur  [...] (F. Ozanam,1838, Frantext)

Ces attributs tendent à devenir obligatoires dans la première moitié du 19e s., notamment avec comme :

bien que depuis le commencement de notre voyage il se fût révélé à moi comme un bavard sans pareil. (Mérimée, 1845, Frantext)
Dieu s’est révélé comme nécessairement indivisible (F. Ozanam,1838, Frantext)

C’est donc d’abord la construction indirecte comme + (S)N qui s’est copularisée, avant de se débarrasser de son facilitateur de copularisation comme et de s’étendre aux attributs adjectivaux (Lauwers & Tobback, 2013 : 132-133). Pour décrire l’histoire des VA, il faut dès lors tenir compte de toutes les constructions du verbe qui ont interagi au cours de l’histoire. Cela est confirmé par l’histoire de tourner, dont les constructions indirectes (tourner à, tourner en) ne donnent lieu à des attributs directs qu’au milieu du 19e siècle, et cela toujours avec des noms nus :

C'était le gamin tourné voyou, et le voyou devenu escarpe. (V. Hugo, 1862, Frantext)

L’influence des constructions indirectes est étroitement liée au concept d’analogie constructionnelle : sur le plan sémantique, la construction indirecte exprime une relation attributive (X tourne au drame = X est un drame) et ouvre la voie à la construction attributive directe. Comme de nombreux VA présentent cette alternance direct/indirect, on peut supposer que l’impact des constructions indirectes a été considerable:  finir (en) pâtissier, passer (pour).

3.5.2.3. Attraction analogique lexicale : les histoires de couple

En outre, certains verbes intransitifs ou détransitivés se sont copularisés sous l’influence d’autres VA. On pourrait parler dans ce cas d’attraction lexicale (Lauwers & Tobback, 2014). Ainsi, à la fin du 19e siècle, se révéler + attribut semble avoir poussé s’avérer, verbe défectif, agonisant pour ainsi dire, dans l’orbite des constructions attributives. En effet, les locuteurs ont pu percevoir une analogie entre les emplois intransitifs:

[…] des choses de son âme obscure qui s’avère dans ce visage à la dérive où transparaît son identité vraie. (G. Rodenbach, 1891, Frantext)
L’autre rive se révélait vaguement (A. Gide, 1899, Frantext)

Cette analogie est basée sur une proximité sémantique et formelle. L’on notera que la structure syllabique de ces deux verbes est identique et qu’elle contient en outre le formant [].

Sous l’effet de la pression analogique, s’avérer a adopté brusquement la construction attributive, dès 1900, à l’image de se révéler, qu’il imite (v. 5.2.2.) :

schéma

Il s’ensuit que s’avérer n’a pas connu une diffusion lexicale graduelle ; dès le début toutes les categories (SN, N et Adj) sont attestées. Comme n’a joué aucun rôle dans le processus de copularisation et n’apparaît que plus tard, sporadiquement, par analogie avec se révéler comme, mais n’a jamais pris racine.

De même, virer semble avoir calqué son emploi attributif direct sur tourner + attribut (Van Wettere & Lauwers, 2017). De manière générale, on ne saurait sous-estimer l’impact de l’analogie lexicale, étant donné que plusieurs VA vont “en couple”: sembler/paraître, s'établir/s'installer, rester/demeurer, etc. Voir aussi répondre present/ absent infra (5.2.4.). Ces observations s’accordent avec certains constats faits par Petré (2012) à propos de la famille des VA en moyen anglais (becuman ayant été influence par weorðen).

3.5.2.4. Réanalyse (syntaxique)

Si la réanalyse (sémantique) – comme dans tout processus de grammaticalisation (Hopper & Traugott, 2003: chap. 3) – joue déjà un rôle capital dans l’incorporation valencielle des attributs accessoires (§ 5.2.1.), la réanalyse au sens strict, i.e. syntaxique, conçue comme reparenthésage (angl. rebracketing), est encore intervenue ailleurs. Il s’ensuit des processus de grammaticalisation idiosyncratiques. Le cas d’ avoir l’air est très connu :

Elle a l'air content(e)
avoir [l’air Adj]  > [avoir l’air] Adj.

La réanalyse passe parfois par une étape délocutive, comme dans répondre présent et afficher complet. Ces locutions, qui ont connu des extensions lexicales (répondre absent, Lauwers 2018), contiennent un segment autonymique, qui à l’origine apparaissait entre guillemets, comme le montre la première attestation de afficher complet dans Frantext :

Cinq carrosses étaient passés devant elle en affichant "complet" ! (P. Usseau, 1961, Frantext)

Si le TLFi et Le Petit Robert ne donnent que des exemples comportant des sujets masculins, on constate un certain flottement dans l’usage concernant l’accord en nombre et en genre, comme le montrent les chiffres du French Ten Ten corpus (Killgarriff et al., 2014). Ainsi, avec un sujet pluriel, afficher apparaît dans 18,4% des cas avec un attribut au pluriel (198 / 1075), dont 4 fois au féminin.

Les réanalyses dont a fait l’objet répondre présent, et dans son sillage, répondre absent, sont plus complexes. D’une séquence citée dans le contexte ritualisé de l’appel nominatif (répondre “Présent!”), on est passé à une locution délocutive (invariable) dénotant la procédure même (il faut répondre présent). Une seconde voie de lexicalisation a abouti à une locution attributive à sens projectif-actionnel ‘ne pas décevoir, répondre aux attentes’ (À chaque fois elle a répondu présente devant le but ; Lauwers, 2018), qui se conforme à la morphosyntaxe des constructions attributives, comme le montre la tendance à l’accord en genre et en nombre avec le sujet, éventuellement inanimé.

Enfin, un dernier cas de réanalyse concerne les verbes suivis d’un COD réinterprétés comme étant des VA construits avec un attribut (§ 1.3. supra): La double nationalité constitue un atout majeur.

3.5.2.5. Conclusions

En somme, outre la voie royale, plusieurs facteurs interviennent liés au réseau constructionnel dans lequel s’inscrivent les VA, c’est-à-dire les constructions attributives indirectes et d’autres verbes intransitifs connaissant un emploi attributif, à tel point que le devenir d’un VA est souvent une affaire de « sources multiples » (cf. De Smet et al., 2015). Ce tableau n’offre qu’une première tentative de systématisation, qui doit être complétée.  Ainsi, plusieurs VA comme faire (il fait riche), par exemple, semblent mal s’intégrer dans ce cadre.

En outre, il faudrait regarder de plus près les VA aux marges du système (constituer, finir (en) X, etc.) pour mieux comprendre la dynamique du système. Ces études pourront sans doute mieux éclairer les amorces de processus de copularisation, souvent mal ou pas du tout documentées car très anciennes.

 


4. Études contrastives et typologiques.


Les études sur les VA dans une perspective contrastive sont encore plus clairsemées que les études sur les VA en français.

Pour le français, en contraste avec le néerlandais, on dispose de la thèse de doctorat de Niek Van Wettere (2018). Cette thèse offre une analyse quantitative des propriétés de copularité et des indices de productivité des VA issus de verbes de mouvement. Pour les autres langues, la liste n’est pas longue non plus : Rodriguez Arrizabalaga (2004 ; l'anglais et l’espagnol) ; Malá (2013; l’anglais et le tchèque) ; Johansson (2008 ; le néerlandais et le suédois) ; Hanegreefs (2004 ; à propos du néerlandais worden et de ses équivalents espagnols).

Les études contrastives seraient pourtant d’autant plus intéressantes ici dans la mesure où la plupart des VA ont des équivalents plus ou moins proches (« cognates ») dans les autres langues, avec parfois des différences subtiles, comme le montre le travail de Van Wettere (2018). Dans l’attente, il faut donc se contenter des études monolingues consacrées aux VA dans d’autres langues, dans l’espoir d’y relever des différences pertinentes. À ce propos, la moisson pour l’espagnol est très riche, car les verbes attributifs de changement d’état y expriment des nuances aspectuelles très fines (voir références dans Van Wettere, 2018 : 30).

 


5. Les données.



5.1. Nature des données

Les informations relatives aux VA se trouvent essentiellement dans des ouvrages de nature lexicographique (dictionnaires, y compris de constructions verbales, voir Lauwers & Tobback, 2010), qui ont été complétés par des études plus spécialisées basées sur l’introspection (Leeman, 1996) et plus récemment sur des corpus, études qualitatives (Lauwers & Tobback, 2010) et quantitatives (Lamiroy & Melis, 2005). Depuis, toute une série d’études de détail ont paru sur des verbes individuels : sembler et paraître (Bourdin, 1986 ; Tasmowski, 1989 ; Kibbee, 1995 ; Delplanque, 2006 ; Thuillier, 2004) ; faire (Lauwers, 2008), s’avérer/se révéler (synchronique : Tobback & Lauwers, 2012 ; diachronique : Tobback  & Lauwers, 2013a), se faire (synchronie : Lauwers & Duée, 2010 ; diachronie : Lauwers & Duée, 2011), se (re)trouver (Lauwers, Tobback & Van den Heede, 2019), virer/tourner (synchronique : Lauwers & Van Wettere, 2018 ; diachronique : Van Wettere & Lauwers, 2017), s’annoncer (Tobback & Lauwers, 2011) , répondre (Lauwers, 2018), se voir (Lauwers & Tobback, 2013b).     

Dans cette notice, nous rassemblons donc des données qui proviennent à la fois de recherches de corpus et d’introspection. Si l’introspection (appuyée par la recherche d’attestations dans des corpus web ouverts) permet de tester systématiquement les limites du possible sur la base des intuitions d’un seul ou de quelques locuteurs, elle ne nous renseigne pas sur la probabilité des observables, ni sur leur distribution dans la communauté des locuteurs, ce qui peut donner lieu à des jugements qui paraissent tantôt trop sévères, tantôt trop laxistes, notamment dans le domaine des restrictions sémantiques, que certains locuteurs savent exploiter plus que d’autres à la recherche d’effets de sens (personnification, ironie, coercition, etc.). D’autre part, le calcul de la probabilité des phénomènes sur la base de corpus (voire d’échantillons) fermés et étiquetés permet de mesurer le poids des observables (dans toute leur largeur) et de dégager des tendances dans l’usage, mais n’est pas pour autant en mesure de capter tout le possible.

L’étude qui pousse le plus loin la quantification de l’usage est sans aucun doute la thèse de Van Wettere (2018). Cette thèse examine la famille des VA issus des verbes de mouvement (en français et en néerlandais) sous toutes les coutures, appliquant successivement des analyses bivariées, multivariées (régression logistique), des analyses de groupe et, finalement, une analyse de la productivité, sur la base d’échantillons randomisés d’occurrences.

5.2. VA et variation

La variation n’a pas encore fait l’objet d’études spécialisées. N’empêche que l’inventaire des VA est tributaire de la variation diatopique et diaphasique. Ainsi, les grammaires et dictionnaires font état de plusieurs variantes régionales ou familières:

Venir 'devenir' : régionalisme dans l’Est, en Suisse, dans le Midi et dans les fr. d'Amérique ; s'en venir au Québec (source : Bon Usage, p. 263) : C’est en venant vieux que vous êtes venu couillon ou c’est de naissance ; Tu me ferais venir chèvre (formule fréquente dans le Midi)  il suffit qu'il vienne plus froid (oral, OFROM).

Arriver 'devenir' : régionalisme, en Bretagne (source: Bon Usage, p. 263) : Toi, tu n’es pas arrivé vieux comme moi.

Retourner 'en revenir à un stade antérieur' : régionalisme ou populaire (source : Bon Usage, p. 263) : quitter la boulimie pour retourner anorexique (Google) ; Bien qu'il soit en fait plus vieux que ce qu’on pourrait penser, il est retourné enfant à cause de l’effet de la Malédiction Minus (Google) ; retourner bébé (Bon Usage; Google), enfant, célibataire, femme (Google)...

Cela explique pourquoi nombre de ces emplois sont disqualifiés par le discours normatif, comme c’est aussi le cas de s’affirmer (Grevisse & Goosse, 200814: 264). D’autres, enfin, comme virer et tourner sont venus frapper à la porte du français hexagonal, voire même standard, même si les corpus web ne sont pas bien équipés pour faire ressortir d’éventuelles tendances régionales (Lauwers & Van Wettere, 2018).

 


6. Bilan.


6.1. Notions importantes pour le domaine étudié :

- Verbe attributif (VA), copule et semi-copule
- Copularisation, comme un processus particulier de grammaticalisation

6.2. Interprétations incontestées ou contestées :

- « petite proposition » ou « clausette » : cette notion est mal adaptée à l’analyse des verbes attributifs moins prototypiques qui continuent à exercer des contraintes à l’intérieur de la clausette. Une analyse qui part de verbes pleins qui contraignent différemment leurs contextes gauche et droit semble plus pertinente

- la voie de copularisation ‘royale’ doit être nuancée ; plusieurs trajectoires (§ 5).

6.3. Études à faire :

- Sur le plan synchronique, plusieurs verbes n’ont pas encore fait l’objet d’études de corpus détaillées. Certaines de ces études devraient étudier des couples de quasi-synonymes (sembler/paraître, rester/demeurer, etc.) pour bien faire ressortir les différences, e.a. sur la base de l’étude des cooccurrences. 

De même les alternances impliquant comme/en et la structure ‘longue’ à infinitif (il s’avère être …) sont mal connues et mériteraient d’être examinées à l’aide d’analyses statistiques de type régression logistique.

En outre, la diffusion diatopique des VA est mal connue.

Enfin, il reste à élaborer des modélisations théoriques capables d’intégrer les propriétés spécifiques de chacune des VA, ainsi que l’éventail de leurs constructions.

- Sur le plan diachronique, beaucoup reste à faire. Si on peut dégager quelques facteurs récurrents (2.5.), il apparaît que chaque VA a sa propre histoire. La plupart des verbes n’ont pas encore fait l’objet d’études diachroniques détaillées. Même l’inventaire pour chacune des périodes fait encore défaut et doit être reconstitué à partir d’informations éparses recueillies dans les ouvrages de référence grammaticaux et lexicographiques. Pour certains verbes, les débuts risquent d’être mal documentés. Pour ces verbes, une comparaison avec le latin et les états anciens des langues romanes s’impose sans doute pour retracer le devenir de ces VA. D’autre part, la dynamique du système n’est pas non plus bien connue. Pour les verbes pronominaux, il faudrait examiner le lien avec les autres constructions (attributives ou non) pour voir si la détransitivisation est un préalable qui doit d’abord se réaliser en dehors de la construction attributive. Enfin, il faudrait clarifier la filiation entre structures directe et indirecte, structure attributive et auxiliaire (il s’avère être N). On pourrait parler de « polygrammaticalisation » (Craig, 1991) et, si celle-ci va de pair avec des glissements sémantiques spécifiques, d’hétérosémie (Lichtenberk, 1991).

 


7. Annexes.



7.1. Abréviations utilisées

VA : verbe attributif (donc à attribut du sujet essentiel)
AS : attribut du sujet


7.2. Liste des ouvrages cités

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