Le site encyclogram.fr est la mise en œuvre d’un projet intitulé Encyclopédie Grammaticale du Français (EGF), initié par un groupe de linguistes de France, de Belgique et de Suisse romande, sous l’égide de Claire Blanche-Benveniste (voir ‘Comité éditorial’).
Ce projet vise à rassembler, sur support électronique, le patrimoine des acquis de la recherche grammaticale en linguistique du français, sous forme de synthèses publiées en libre accès, aisément consultables et régulièrement mises à jour. Il est né de réflexions communes, menées à partir de 2003 sur l’état de la linguistique française, à une époque où la discipline s’ouvrait largement à la recherche interdisciplinaire (didactique, informatique, psycho- et neuro-linguistique, sciences cognitives). L’objectif poursuivi par les promoteurs de l’EGF est de remédier aux faiblesses et lacunes suivantes :
(a) Le XXe siècle a vu paraître un nombre énorme de travaux descriptifs sur le français (thèses, monographies, articles de revues), et l’inflation éditoriale ne va pas diminuant. Or, du fait de la quantité même des études produites et de leurs degrés de visibilité inégaux, beaucoup d’informations pertinentes demeurent noyées dans la masse. Par ailleurs, les recherches n’ont pas l’effet cumulatif que l’on serait en droit d’attendre, et les analyses sur lesquelles tout le monde s’accorde grosso modo, parfois sous le masque de terminologies divergentes, demeurent insuffisamment signalées. Il en résulte des difficultés pour les jeunes chercheurs, portés à reproduire sans cesse à partir de zéro les mêmes analyses, faute d’un socle épistémologique consensuel et suffisamment manifeste.
(b) Malgré l’accroissement continu des corpus écrits et oraux en quantité et en qualité, il n’y a pas non plus de réflexions suffisamment générales et approfondies sur le tri des faits qui servent à l´établissement des descriptions grammaticales : données authentiques ou non, liées ou non à tel ou tel genre discursif, banales ou remarquables, etc. Une conséquence fâcheuse de cette situation est que l’on perçoit mal la stratification des phénomènes, souvent tous présentés sur un même niveau.
(c) Enfin, il existe trop peu de bibliographies commodes et efficacement récapitulatives des différents domaines de la linguistique française, qui tiennent compte des recherches mal diffusées (thèses, articles de revues peu accessibles) et qui en proposent une vue critique claire et sans exclusive. De tels bilans sont pourtant nécessaires pour localiser les zones inexplorées du domaine grammatical, identifier les sujets de recherche ou de thèse les plus pertinents, et éviter les ressassements infructueux.
En réponse aux lacunes ainsi relevées, l’EGF vise à constituer une synthèse des savoirs grammaticaux sur le français ; en d’autres termes, à faire la somme des acquis descriptifs qui, au-delà des effets de mode, peuvent être tenus pour des connaissances solides sinon incontestables, candidates au statut de « savoirs communs » parmi les linguistes, et auxquelles puissent se référer utilement les non spécialistes. Cette somme, au demeurant, est vouée à évoluer au fil du temps. Elle pourra faire l’objet de mises à jour et de révisions, dont l’outil informatique permettra de conserver la trace.
Présenter une synthèse des acquis suppose qu’une sélection critique soit opérée parmi les travaux existants. C’est pourquoi une large place est réservée dans l’EGF à la réflexion sur les pratiques d’analyse en vigueur, au débat sur les présupposés théoriques et les notions primitives assumées par les différents courants de recherche, ainsi que sur les usages terminologiques et les divers métalangages de description. Il s’agit de ramener, sans exclusive a priori, les divers modèles en usage aux thèses et opérations dont ils procèdent, afin que le lecteur soit en mesure, à son tour, d’en évaluer le bien-fondé. Là où existent des controverses (désaccords entre modèles, divergences théoriques plus ou moins radicales), les rédacteurs de l’EGF ont pour mission de dresser un tableau des positions en présence et de rendre compte de l’hétérogénéité des connaissances accumulées. L’effort d’explicitation méthodologique ainsi entrepris devrait avoir pour effet de stimuler les échanges entre écoles et de favoriser le décloisonnement des pratiques de recherche. Par là, l’EGF espère contribuer non seulement à l’unification des savoirs, mais aussi à l’unification des dynamiques de production des savoirs.
Une autre option essentielle du projet est la place réservée aux données. Dans l’EGF, toute description linguistique est évaluée d’abord sur sa façon de sélectionner a priori ses observables : les données dont elle fait état sont-elles attestées ou fabriquées, fréquentes ou rares, prototypiques ou marginales ? Un moyen de s’en assurer est de confronter, par principe et de manière systématique, les hypothèses descriptives aux corpus les plus ouverts possibles.
L’observation attentive des données orales et écrites permet non seulement d’attester empiriquement l’existence de telle ou telle structure syntaxique, mais aussi de caractériser la façon dont s’y distribue le lexique. Elle conduit à mesurer la fréquence ou le rendement de chaque construction en fonction de divers paramètres environnementaux (types d’interaction, genres discursifs, buts pragmatiques) ou intrinsèques (complexité opérative). Ces mesures sont précieuses pour le grammairien, qui en retirera une vision hiérarchisée des phénomènes ; elles sont aussi précieuses pour les chercheurs qui développent des applications pratiques, que ce soit en traitement automatique du langage ou en vue de l’enseignement-apprentissage du français, notamment du français langue étrangère. Enfin, elles permettent d’identifier les domaines de recherche où les données font encore défaut, en quantité et/ou en qualité.
Pour des raisons classiques, les sources bibliographiques à disposition ne rendent pas toujours des services optimaux : excès de silence (par exemple thèses non publiées) et excès de « bruit » (articles redondants). Aussi les notices de l’EGF proposent-elles une sélection de références bibliographiques ciblées, qui ne visent pas à l’exhaustivité documentaire, mais qui sont choisies sur des critères de fécondité conceptuelle et de solidité empirique (travaux appuyés sur de bons dépouillements). Il s’agit aussi, le cas échéant, de mettre en valeur les apports méconnus, notamment en faisant place aux études publiées hors des pays francophones ainsi qu’aux travaux de linguistique contrastive.
En conclusion, l’EGF ne se présente pas comme une grammaire française classique et n’a pas été conçue sur le plan habituel d’une grammaire (voir ‘Table des matières’). Elle est un outil de travail évolutif et perfectible, qui répond principalement à quatre objectifs :
(1) Présenter une synthèse des savoirs grammaticaux sur le français.
(2) Dresser un bilan des méthodes appliquées en linguistique française.
(3) Aider à la recherche bibliographique.
(4) Donner accès, par des liens, aux ressources disponibles (corpus écrits et
oraux, outillages variés).