A. Berrendonner
(03-2015)
(revu et corrigé 02-2021)
Pour citer cette notice :
Berrendonner (A.), 2021, « Constructions disloquées », in Encyclopédie Grammaticale du Français,
en ligne : encyclogram.fr
DOI: https://nakala.fr/10.34847/nkl.bbd5z238
1. Délimitation du domaine.
1.1. Définition.
1.1.1. La notion de dislocation est d'usage commun dans les grammaires de la phrase. Elle est fondée sur le présupposé que dans la structure syntaxique des phrases verbales, il existe pour chaque constituant une position canonique, qu’il occupe par défaut [Milner 1989 : 403]. Certaines phrases se distinguent toutefois par le fait qu’un constituant y figure hors de son site canonique, en position initiale ou finale. C’est ce placement excentrique qui est traditionnellement appelé dislocation. Cf.
(1) (a) J’ai lu ce livre récemment. : construction canonique
(b) Ce livre, je l’ai lu récemment. : dislocation à gauche (DG)
(c) Je l’ai lu récemment, ce livre. : dislocation à droite (DD)
1.1.2. Selon toute une série de définitions concordantes [Larsson 1979 : 5 ; Blasco 1999 : 209 ; Lambrecht 2001 : 1050 ; Riegel & al. 2009 : 720], les dislocations prototypiques sont des structures de la forme (2) ou (3) :
(2) A # […a…]Z
(3) […a…]Z # A
dans lesquelles :
Z est une proposition verbale (= construction formée d’un verbe tensé et de ses dépendants).
A est un argument (valenciel ou non) régi par le verbe de Z.
a est un pronom clitique coréférentiel à A, et qui instancie le même rôle d’argument que A. Cette redondance fonctionnelle est dite double marquage. Elle a pour conséquence que A apparaît syntaxiquement facultatif : si on le supprime, ce qui reste, Z, est encore une proposition complète bien formée.
# est une frontière prosodique. (L’élément A forme donc un groupe intonatif distinct, ce qui lui vaut aussi l’appellation de constituant détaché).
Exemples oraux et écrits :
(4) (a) alors l’école maternelle - elle commence vers euh trois ans [oral < Blasco]
(b) La traduction/ j’en ai fait pendant quatre ou cinq ans [oral, CFA80]
(c) Les députés, de droite à gauche, ils ne valent pas plus cher les uns que les autres. [roman,Vartet]
(d) Ce problème, je n’arrive pas à le résoudre. [< Bally]
(5) (a) ça commence très bien cette émission [oral, radio]
(b) vous vous en amusez hein des chapeaux [oral, radio]
(c) Elle est bonne, votre grenadine ? [Queneau]
(d) Je les ai lues, ces lettres. [Laclos]
Dans ce qui suit, Z sera appelé « noyau », A « élément disloqué » et a son « doublet ».
1.2. Problèmes d’inventaire.
À côté de ces formes prototypiques, il existe diverses constructions qui présentent des analogies avec elles, mais qui s’en écartent par l’absence de l’une et/ou l’autre des propriétés listées ci-dessus. La question est alors de savoir si ces structures approchantes doivent ou non être traitées comme des cas de dislocation. Les réponses varient selon les structures en cause, et selon les grammairiens.
1.2.1. Nature du noyau Z.
Certaines analyses font de la dislocation un phénomène spécifique aux propositions, voire réservé aux propositions principales (main clause phenomenon). Autrement dit, elles postulent qu’en (2-3), le syntagme noyau Z ne peut être qu’une construction verbale de rang maximal. Selon Lambrecht par exemple [2001 : 1050], la propriété la plus fondamentale des éléments disloqués à gauche est leur statut extra-propositionnel : ils sont placés outside the boundaries of the clause, ce qui implique évidemment que le Z adjacent soit toujours une clause. Faire cette hypothèse interdit de traiter comme des dislocations les énoncés du type (6), où le groupe en italiques se trouve au milieu d’une proposition, et serait peu acceptable à ses extrémités :
(6) (a) Le vôtre, de style, a toujours été bien personnel. [web]
(b) Celle-ci, d’histoire d’amour, n’échappe pas à la règle. [web]
(7) (a) Votre devoir, à tous, est de lui obéir. [Acad. < Grevisse]
À la suite de Larsson [1979], Delais-Roussarie & al. [2004] prennent au contraire le parti de ranger les ex. (6-7) au nombre des dislocations à droite. Cette décision a pour conséquence que tous les constituants disloqués ne figurent pas nécessairement à la périphérie d’une proposition. En (6-7), l’élément disloqué est postposé à un SN, et doublonne avec une proforme (celle-ci, votre) ou une position vide contenue dans celui-ci. L’hypothèse qui s’impose est donc que le phénomène de dislocation n’affecte que ce SN. Cela revient à dire que dans le modèle (3) supra, le syntagme noyau Z n’est pas forcément une proposition, mais peut être aussi une unité de rang inférieur (SN, SP).
1.2.2. Nature de l’élément A disloqué.
1.2.2.1. Dans les études consacrées aux dislocations, un soin particulier a été mis à établir l’inventaire par catégories des éléments dislocables. On y trouve :
(i) Tous les types de syntagmes aptes à remplir la fonction d’argument d’un verbe : SN, SP (proformes non clitiques comprises), que-P, propositions infinitives. Ces syntagmes entrent en position A dans les dislocations prototypiques, tant à gauche qu’à droite d’une P, avec des restrictions de détail propres à chaque type.
(ii) Les syntagmes adjectivaux. Un SA peut en effet se trouver détaché en marge d’une construction copulative, dont il instancie la position d’attribut. Son doublet est alors le pronom clitique le :
(8) (a) Tranquilles, Gabriel et Mercier ne l’étaient guère. [G. Leroux]
(b) Nous, nous ne l’étions pas, peut-être, fatigués. [Rostand, < Grevisse]
(iii) Des syntagmes de forme [de N], qui apparaissent dans les configurations du type (6) ou (9-10) :
(9) Moi je préfère la verte, de chartreuse. [web]
(10) (a) J’en ai arrêté une autre, de folle, l’autre jour. [cerf]
(b) Il y en a plusieurs, de concepts de démocratie. [web]
Ces syntagmes semblent résulter de la dislocation du substantif principal d’un SN. En (9) en effet, le SN noyau qui précède contient une position N vide (qui dans les grammaires d’inspiration chomskyenne est figurée par un élément pro ou une trace). Le contenu du syntagme détaché s’unifie avec cet élément nul, qui joue ainsi le rôle de doublet. En (10), la position N vide coexiste en outre avec un pronom clitique en, si bien que le syntagme disloqué a alors deux doublets liés :
(9’) Je préfère [la Nøi verte]SN # [de chartreuse]i.
(10’) J’ en i ai arrêté [une autre Nøi ]SN, [de folle]i
1.2.2.2. Si l’existence de disloqués adjectivaux et substantivaux (iii) est dûment mentionnée dans les inventaires empiriques, on constate cependant que ces spécimens ne sont généralement pas pris en compte dans les modélisations récentes du phénomène de dislocation, ce qui revient pratiquement à les exclure du domaine. Cette tendance à en faire abstraction est le signe que leur analyse présente des difficultés. La principale vient de ce qu’adjectifs et noms sont des unités à fonction prédicative, et non référentielle : contrairement aux arguments détachés de (4-5), ils n’ont pas pour fonction sémantique de désigner des objets-de-discours, mais d’exprimer des propriétés, soit assertées, soit présupposées à titre d’attributs signalétiques. Lorsqu’il s’agit de caractériser le statut informationnel que la dislocation confère à ces prédicats, les notions usuelles conçues pour la sémantique des désignateurs, comme celles d’accessibilité référentielle, de topique ou de coréférence, ne sont donc pas applicables (du moins sans distorsions). Faute d’une théorie sémantique de la structure des prédicats, les grammairiens se trouvent alors plutôt démunis. Par ailleurs, la syntaxe des SN est moins bien connue que celle des P verbales. Pour décrire les dislocations qui les affectent (9-10), il faudrait pouvoir s’appuyer sur un modèle de leur structure canonique qui soit à peu près stabilisé, sinon communément accepté. Or, ce modèle de référence fait défaut. À ces raisons s’ajoute le fait que les dislocations d’adjectifs du type (8) sont relativement rares (5 exemples sur les 2000 items du corpus de Blasco), ce qui incite à les négliger.
1.2.2.3. Nominatifs pendants.
On trouve par ailleurs détachés en marge d’une construction verbale des SN qui ne remplissent dans celle-ci aucune fonction syntaxique :
(11) (a) La résurrection de Jésus, on saura sans doute jamais la vérité.
(b) Le tourisme sexuel, vous avez du monde même s’il pleut. [Gourio, Brèves de comptoir]
D’autres ne portent pas la marque casuelle normalement requise pour y remplir une fonction d’argument, bien qu’ils coréfèrent avec un clitique marqué en cas. En (12), p. ex., le SN Mes collègues est dépourvu de la préposition à qui caractérise les compléments datifs :
(12) Mes collègues, je leur disais bonjour. [Beauvoir].
Un SN qui n’entretient ainsi qu’un lien sémantique implicite avec Z, ou une simple relation anaphorique avec a, est dit nominativus pendens, ou hanging topic. Sur le statut de telles constructions, les avis sont partagés. Certains grammairiens les considèrent comme un cas particulier de dislocation à gauche, dans lequel l’élément disloqué entretient avec le noyau une « relation lâche » [Delais-Roussarie & al. 2004, après Cinque 1983]. Pour d’autres, l’absence de toute relation morpho-syntaxique entre le nominativus pendens et le noyau conduit à y voir deux clauses autonomes, l’une nominale, l’autre verbale, dont l’enchaînement relève de la combinatoire entre énonciations (pragma-syntaxe du Groupe de Fribourg [2012]). Le choix entre ces deux traitements dépend de la façon de concevoir et de délimiter le domaine de la grammaire (selon qu’on postule ou non la phrase comme unité maximale et comme cadre d’analyse).
Au demeurant, quelle que soit l’analyse retenue, il est à noter que les séquences du type (13) sont de structure ambiguë :
(13) (a) Cette lettre, elle ne m’est jamais parvenue. [< Bally]
(b) Mais la langue, ils la parlent ! [oral, radio]
Leur SN initial peut être aussi bien un nominativus pendens qu’un argument disloqué (respectivement sujet ou régime direct). Dans le premier cas, seule une relation d’anaphore le lie au clitique qui suit ; dans le second cas, il entretient avec celui-ci une relation syntaxique de redondance fonctionnelle (= il instancie le même rôle d’argument que le clitique, même si ce rôle n’est pas signalé par une marque spécifique dans le cas des SN sujets et régimes directs).
1.2.3. Nature du doublet a.
Sur ce point, on rencontre deux sortes d’écarts par rapport au prototype : (i) le doublet est absent ; (ii) le doublet est autre chose qu’un pronom clitique.
1.2.3.1. Absence de doublet.
Parallèlement à certains énoncés du type (2), qui contiennent à la fois un complément détaché à gauche et un indice clitique coréférentiel, il existe des énoncés analogues, mais où le clitique (a) fait défaut. Cf. (14) vs (15) :
(14) (a) Les mecs comme ça, je les connais bien. [web]
(b) Mais de ce grand voyage, il n’en revint jamais.
(c) Bilinguisme à Burmarina. Au 7e siècle avant J.-C., dans la cité mise à jour au nord de la Syrie, on y pratiquait deux langues. [presse]
(15) (a) Les philosophes, je connais ! [web]
(b) De cette époque, tout le monde se souvient. [presse]
(c) Dans la région, on cultive le blé, les agrumes, les oliviers. [web]
Vis-à-vis des énoncés (15), les attitudes sont loin d’être unanimes. Certains grammairiens les excluent en bloc du domaine des dislocations, ce qui revient à faire du double marquage une caractéristique définitionnelle des constructions disloquées [Blasco 1999 ; Kerleroux & Marandin 2001 : 291]. D’autres auteurs pratiquent un distinguo. Lorsque l’élément détaché est un régime direct (15a), ils considèrent qu’il y a bien dislocation, ce qui les conduit à postuler la présence dans le noyau d’un doublet en forme de pronom zéro. Ex.
(15a’) [Les cacahuètes]i, j’aime bien øi [Lambrecht 2001 : 1057]
En revanche, lorsque A est un ajout circonstanciel ou un régime valenciel oblique, comme en (15b-c), ils n’estiment pas avoir affaire à un cas de dislocation. Le placement périphérique du complément est alors imputé à un autre mécanisme syntaxique, souvent appelé topicalisation. Le fait que (15a), contrairement à (15b-c), comporte des restrictions sur le verbe (le tour n’est attesté qu’avec un petit nombre de verbes transitifs, principalement connaître et aimer), peut justifier cette différence de traitement. Mais elle procède sans doute aussi de l’idée, bien ancrée dans la tradition grammaticale scolaire, que les régimes directs ont une position canonique fixe à droite du verbe, tandis que les circonstants sont des constituants mobiles, déplaçables à volonté. Si l’on voit les choses ainsi, le placement frontal d’un régime direct, comme en (15a), ne peut que résulter d’une dislocation, tandis que celui d’un circonstant (15c), n’ayant rien d’anomal, n’appelle pas de traitement particulier.
Remarque.
Un SN sujet non doublé par un clitique peut
lui aussi avoir le contour prosodique d’un élément détaché à gauche [Rossi 1999 :
69 ; Groupe de Fribourg 2012 : 165]. Ex. :
(16) et pour nous le rouge est une couleur qui fait peur [oral, Pelt]
Dans le cas des SN sujets comme dans celui des compléments, il y a donc alternance entre détachements avec et sans double marquage.
1.2.3.2. Doublets non clitiques.
Toutes les études signalent marginalement l’existence d’exemplaires dans lesquels le doublet a n’est pas un pronom clitique, mais un ProSN disjoint du type lui/elle/eux, cela, ou un équivalent (position de SN vide après une préposition « orpheline ») :
(17) (a) Des gosses qui ne me sont rien, je ne vais pas m’attendrir sur eux.
(b) Une solution pareille, je ne suis pas contre øSN. [< Larsson]
Comme il s’agit là de réalisations ordinaires des régimes prépositionnels anaphoriques, en distribution complémentaire avec les pronoms clitiques, l’admission de ces spécimens au nombre des dislocations est généralement considérée comme allant de soi.
En revanche, des exemples comme (18), où c’est un SN lexical qui semble jouer le rôle de doublet, ne sont pris en compte que par certains auteurs, qui délimitent le phénomène de dislocation au plus large, en utilisant comme critère l’existence d’un lien anaphorique quelconque entre A et un élément de Z :
(18) (a) La chasse à l’étudiant, je pense que la police a toujours considéré cette activité comme un sport très agréable. [< Hirschbühler] 1.2.4.1. Jusque tard dans les années 1990, l’étude des
dislocations a été menée essentiellement sur la base de corpus écrits ou de
transcriptions d’oral non intonées. Sauf exception [Ronat 1979], la plupart des grammairiens, tout en étant
conscients de la pertinence des indices prosodiques, ont jugé préférable d’en faire
abstraction, estimant trop fragiles les connaissances en la matière. Cette
neutralisation des marques suprasegmentales a conduit entre autres à négliger
le critère du détachement, et à admettre au nombre des constructions disloquées
des séquences dans lesquelles aucune frontière prosodique ne sépare les
constituants Z et A. C’est ainsi que les doubles marquages
focalisants (19), et même les quantifieurs flottants (20), ont pu être assimilés
à des dislocations à droite [Blasco 1992 : 287, 296] : (19) (a) je te parle à toi seul (20) ben V il nous prend pour des couillons tous les deux De même, on traite communément comme disloqués à gauche, au seul
vu de leur double marquage, des SN sujets qui ne sont pas détachés
prosodiquement. P. ex. : (21) (a) chacun il paye la sienne (Après ce genre de ProSN quantifieur,
l’absence de frontière prosodique « semble en effet systématique »
[Avanzi 2012 : 161]). De l’existence de ces spécimens, signalée depuis
longtemps, on préfère généralement conclure à la labilité des critères
prosodiques, plutôt qu’à la nécessité de redéfinir plus étroitement la classe
des constructions disloquées. Négliger ainsi des indicateurs de structure
pertinents, au motif qu’ils sont de nature suprasegmentale, revient à faire du double
marquage le critère prépondérant, alors que ce phénomène ne caractérise pas un
ensemble de constructions homogène (v. infra § 125). 1.2.4.2. En revanche, une appréhension sommaire de la
prosodie a suffi pour que la distinction soit bien faite, chez la plupart des syntacticiens,
entre les séquences du type (22) vs (23) : (22) De la bonne volonté, il en avait. [Duras] A↗# Z ↘ (23) Une rude langue, il avait ! [Genevoix] Z↘ # A → (22) est une dislocation à gauche prototypique. Son noyau est son
second membre, une P verbale complète, qui porte une intonation
conclusive ; il est précédé d’un régime détaché sous intonation
continuative (§ 4311). En (23), c’est le premier membre qui porte un intonème
conclusif, et semble donc constituer le noyau. La seconde partie, une P
comprenant une position vide, a le contour mélodique caractéristique des
éléments disloqués à droite (en gros, « bas plat » ; pour plus de
précisions, voir § 432). Cette différence de contours mélodiques s’accompagne de
différences syntaxiques (double marquage exclu en (23)), et d’une disposition
inverse du topic et du focus, qui a sans doute joué le rôle essentiel dans la
reconnaissance des deux structures. Envers les configurations du type (23), deux attitudes sont
possibles, qui comportent toutes deux des problèmes à résoudre. (i) On peut les
exclure du domaine des dislocations, comme le font Lambrecht [2001 :
1052], qui les écarte sous le nom de focus-preposing,
et les chercheurs du GARS, qui y voient un ‘dispositif d’antéposition’ spécifique
[Sabio & Benzitoun 2013]. Reste alors à expliquer pourquoi leur second
membre a les mêmes caractéristiques mélodiques que les arguments disloqués à
droite, et quelle est la propriété commune qui fonde cette similitude. Une
tentative en ce sens consiste, dans le modèle du GARS, à dissocier la
description des rapports de rection verbe-argument (micro-syntaxe) de celle des
arrangements séquentiels A-Z / Z-A (macro-syntaxe), voir § 4122. (ii)
Une autre solution consisterait à voir dans les P du type (23) une espèce
particulière de dislocation à droite, ce qui serait conforme à leur structure
prosodique. Mais il faudrait alors considérer qu’on a affaire à des P non
verbales, dont le noyau Z est un SN, et admettre au nombre des constituants
dislocables toutes sortes de syntagmes verbaux comprenant une position
d’argument vide. Cette solution, qui obligerait à réviser profondément la
conception classique des constructions disloquées, n’a pas été explorée à ma
connaissance. Quant aux P disloquées prototypiques, leur identification est
compliquée par le fait que de nombreuses séquences AZ sont syntaxiquement
ambiguës, et peuvent être analysées aussi bien comme des dislocations que comme
des ressortissants d’un dispositif homonyme. Il existe en effet une variante de
P canonique, signalée depuis longtemps comme fautive [Buffier] ou « populaire »
[Bauche 1916 : 181 ; Sandfeld 1965 : 50], dans laquelle le SN
sujet, tout en occupant son site de base avant le verbe, se trouve doublé d’un
indice clitique accordé. Les P (19) ou (24) en sont des exemples univoques :
(24) (a) Personne il fiche rien, à Toulon, excepté les pêcheurs. [P. Mille] Dans ces P en effet, les ProSN sujets ne pourraient
pas être disloqués à droite (*Il fiche rien, personne) ;
sémantiquement, ce sont des quantifieurs et non des désignateurs, ce qui les
rend inaptes à être topicalisés (vs § 421) ; et ils ne forment pas un
groupe intonatif détaché du reste [Avanzi 2012 : 161]. Ces propriétés
montrent qu’on n’a pas affaire à des éléments disloqués ; il ne peut
s’agir que de sujets occupant leur site de base. Si donc, comme en attestent ces
exemples, le double marquage de sujets non disloqués est possible, toutes les séquences
formées d’un SN suivi d’un clitique sujet accordé, du type (25), sont a priori susceptibles
d’une double analyse : (25) Les gens ils vont au supermarché. [web] Elles peuvent être aussi bien des DG prototypiques que des P
canoniques avec double marquage du sujet. Sauf si la nature catégorielle de
celui-ci impose la seconde analyse, comme en (24), il n’existe pas de critère
sûr qui permette de distinguer les occurrences de l’une et de l’autre
construction. On doit pour cela s’en remettre à des indices contextuels, qui
restent à inventorier en détail. En attendant, les linguistes qui travaillent
sur corpus s’en tirent généralement en traitant tous les doubles marquages du
sujet comme des preuves de dislocation. Cette tendance à ignorer la construction
« populaire » homonyme tient en partie à des réflexes normatifs, mais
aussi à la rareté de ses occurrences univoques (24), qui la rend peu visible. Elle
a pour conséquence une surestimation du nombre des DG dans les corpus. Les séquences du type (25) sont encore ambiguës d’une autre
façon, leur SN initial pouvant être soit un sujet, soit un nominativus
pendens. Il s’ensuit que les séquences du type [SN + Clitique
sujet + V…], qui représentent la majorité des cas de double marquage, peuvent a
priori relever de trois constructions syntaxiques différentes, selon que leur
SN est (i) un sujet en site canonique, (ii) un sujet disloqué, ou (iii) un nominativus
pendens. Mais le plus souvent, seule la deuxième de ces constructions est retenue
en tant qu’hypothèse d’analyse. Au total, il apparaît que la notion de dislocation recouvre un
domaine d’extension floue, qui fait l’objet de diverses délimitations plus ou
moins opportunistes, dictées tantôt par la problématique propre à une théorie,
tantôt par le dessein de contourner quelque difficulté d’analyse, tantôt même
par des filtrages normatifs. Les critères utilisés ne garantissent pas un
résultat homogène (c’est notamment le cas du double marquage), et des critères
pertinents (prosodie) ne sont souvent pas pris en compte avec soin. Une délimitation
empirique précise de la classe des dislocations reste donc à faire, qui soit
guidée par le souci de ménager a priori l’accès aux meilleures généralisations
possibles. 2.1. Les
constructions disloquées ont été d’abord décrites par Bally [1965 : 60]
sous le nom de phrases segmentées. Ce terme renvoie explicitement à leur
division en deux groupes intonatifs, que Bally schématise sous les formes AZ et
ZA (j’ai repris cette notation commode). Dans les deux cas, dit Bally, le
segment Z « a l’intonation modale d’une phrase indépendante », tandis
que le terme A présente des contours « stéréotypés » d’intonations
« dépendantes de Z ». 2.2. Tesnière utilise, quant à lui, le terme de projection
des actants [1969 : 172], pour exprimer l’idée que l’argument A se
trouve « projeté loin du verbe » et acquiert par rapport à lui une
plus grande autonomie positionnelle. 2.3. Chez Lambrecht
[1981 sq.], les constituants disloqués à gauche et à droite sont nommés
respectivement topic et antitopic. Ces termes décrivent à la
fois des fonctions syntaxiques et le sémantisme qui leur est associé
(expression d’un topic, v. § 421) 2.4. Dans certains travaux générativistes anciens [Dubois
& Dubois-Charlier 1970], la dislocation est nommée emphase, en vertu
d’une analyse sémantique sommaire du double marquage comme forme d’insistance. Cette
appellation a été exportée dans les manuels scolaires, mais ceux-ci l’ont
étendue à diverses autres constructions de P (clivées, présentatives en voilà…),
sous prétexte qu'elles servent toutes à la « mise en relief » d’un constituant ‒ et sans avoir
égard à leurs différences de structure informationnelle, ce qui rend cette
notion d’emphase peu recommandable. 2.5. Le terme de détachement est souvent
employé comme synonyme de celui de dislocation. Mais certains grammairiens,
au contraire, les opposent, réservant l’appellation de constructions
détachées aux constituants périphériques non argumentaux qui expriment une prédication
seconde (appositions, compléments extra-prédicatifs, gérondifs, propositions
participiales, constructions absolues, etc.) [Combettes 1998]. D’autres auteurs
encore utilisent détachement en tant qu’hyperonyme subsumant toutes les constructions
phrastiques dont un membre est isolé prosodiquement [Dupont 1985]. 2.6. Les termes dislocation, détachement,
segmentation, projection, sont tous des noms d’action. Leur usage reflète
une tendance générale à envisager les constructions disloquées comme le
résultat d’opérations de réarrangement effectuées sur les P canoniques. Cette
perspective dérivationnelle, déjà présente chez Tesnière, a surtout été le fait
des grammaires génératives chomskyennes. Mais elle est aussi une
conséquence latente de la notion même de structure canonique : ériger une
construction en format syntaxique de base conduit naturellement à décrire les
autres comme des écarts par rapport à celui-ci, même si l’on se défend
explicitement de pratiquer une modélisation transformationnelle. 3.1. Blasco-Dulbecco (M.), 1999, Les dislocations en
français contemporain, Paris, Champion. De toutes les études sur les
dislocations, c’est celle-ci qui repose sur la base empirique la plus
complète : des données de corpus écrites et orales, avec observations
quantitatives. On y trouve par ailleurs des aperçus critiques sur certaines analyses
antérieures, notamment sur le recours aux exemples forgés, et sur la
vraisemblance des scénarios diachroniques (voir ici les § 35 et 511). 3.2. Lambrecht (K.), 2001, « Dislocation », Language
Typology and Language Universals: An International Handbook, M. Haspelmath,
E. König, W. Oesterreicher & W. Raible éds, Vol. 2. Berlin, New York:
Walter de Gruyter, 1050-1078. Il s’agit d’une notice encyclopédique
synthétisant les connaissances sur les dispositifs disloqués, envisagés comme
un phénomène de linguistique générale. Dans le cadre de la théorie chomskyenne ont été produites plusieurs
descriptions des P disloquées, visant essentiellement à rendre compte de leur
topographie séquentielle. Les DG ont été étudiées plus attentivement que les DD
(ce qui n’est pas sans rapport avec le fait que les versions récentes de la
théorie n’autorisent pas les mouvements vers la droite). Tous les modèles
proposés ne sont pas entièrement explicites, et il existe entre eux des
désaccords. 4.1.1.1. Dislocation = mouvement, ou non ? Un des principaux sujets de débat a été de savoir si les P
disloquées devaient être engendrées en tant que structures sui generis
(« de base »), ou dérivées à partir de P canoniques au moyen d’opérations
de mouvement, déplaçant un argument hors de son site ordinaire. (i) Il est vite apparu qu’aucun des deux traitements
n’était généralisable à tous les cas, ce qui a conduit à postuler l’existence
de deux sortes d’éléments disloqués : les uns engendrés directement par
les règles de base dans une position périphérique (HTLD = hanging topic left
dislocation) ; les autres amenés dans cette position par une
transformation de mouvement, qui les extrait de leur site argumental canonique et
crée à leur place une copie pronominale clitique (ClLD = clitic left
dislocation). À la suite de Cinque [1977], Larsson [1979] et Delais-Roussarie
& al. [2004] adoptent cette solution, et la justifient par l’existence
de propriétés différentielles entre les deux types : - Les HTLD ne sont pas marqués en cas, tandis que les ClLD le sont.
(Cela ne se manifeste qu’aux cas obliques, par la présence d’une préposition).
Cf. (26) (a) Les aristocrates, on leur coupera le cou. (= HTLD) - Le doublet des ClLD
est toujours un pronom clitique. Celui des HTLD peut être aussi bien un SN (17-18),
ou être absent (11). - Contrairement aux HTLD, les ClLD sont sensibles aux island constraints. Dans leur
cas par exemple, la relation de double marquage A-a ne peut pas passer par-dessus
une frontière de P relative. Cf. selon Larsson: (27) (a) Georges, j’ai connu la fille qui lui a écrit hier. (Il s’ensuit, par réciproque, que le
placement d’un élément disloqué hors îlot, comme en (28), est le signe qu’il s’agit
d’un hanging topic) : (28) Donc, il y avait des trucs, Pacoi,
que le plus sincèrement du monde ili ne pigeait pas. [roman, J. Attal] - S’il y a cooccurrence de plusieurs éléments
disloqués, il semble que les HTLD se placent avant les ClLD et non l’inverse.
Cf. (29) (a) Jean, de cette affaire, elle ne lui en a pas parlé. (D’autres différences ont été alléguées, comme le fait que
les HTLD ne seraient pas récursifs, ou qu’ils seraient exclus des P
enchâssées ; mais ces imputations ne valent visiblement pas pour le
français). (ii) Plus récemment toutefois, l’existence de dislocations
par mouvement a été rejetée par De Cat [2002, 2007], qui conteste la réalité
empirique ou la pertinence des différences énumérées ci-dessus. Elle soutient en
particulier que les ClLD ne sont pas sensibles aux island constraints. Cependant,
sa démonstration repose pour l’essentiel sur des données équivoques (spécimens du
type (25), ambigus entre HTLD et ClLD, ou phrases qui ne contiennent pas d’îlots
stricts), ce qui rend ses conclusions plutôt précaires. (iii) À la suite de Cinque [1997], les tenants de
l’approche « cartographique » sont eux aussi revenus sur l’idée d’engendrer
les ClLD par mouvement, et préfèrent y voir des constituants périphériques de
base, installés par fusion (merge), et coréférentiels à un argument
cliticisé. Dans cette hypothèse, seules les « topicalisations » du
type (15), où la position de base de l’élément disloqué est vide, restent engendrées
par mouvement. 4.1.1.2. Place des éléments disloqués ? Quant au site d’accueil des éléments disloqués à gauche,
différentes hypothèses ont été formulées. Pour Larsson [1979 : 87], ces
éléments occupent des positions d’adjoints à une proposition verbale, étiquetée
‘S’. De Cat [2007 : 100] adopte la même analyse, à ceci près que la
proposition noyau est définie comme une root-like clause, c’est-à-dire une
projection maximale de T porteuse de traits d’ancrage en discours. Rizzi [1997 :
286], dans le cadre minimaliste, propose un autre modèle. Il postule à
l’intérieur du complexe complémenteur CP la présence d’un constituant Top, censé
être le support spécifique de la fonction de topic. Cette tête abstraite exige
un spécifieur marqué [+ topic], et attire dans la position Spéc.Top les arguments
de verbe qui sont porteurs de ce trait. Dans le prolongement de cette analyse,
les tenants de l’approche cartographique en sont ensuite venus à postuler
plusieurs nœuds TopP étagés, censés correspondre soit à des espèces syntaxiques
différentes (disloqués adverbiaux vs nominaux), soit à des types
sémantico-pragmatiques distincts (topiques nouveaux / contrastifs / familiers).
4.1.1.3. Ces modélisations divergentes et luxuriantes reflètent
les métamorphoses successives de la théorie, et ont pour principal enjeu la discussion
de ses principes constitutifs (ou l’application au français des principes supposés
constitutifs de la grammaire universelle). En ce qui concerne la topographie des
constructions disloquées du français, il n’en ressort guère de conclusions
sûres, essentiellement parce que les argumentations reposent sur des exemples
forgés dont il est souvent difficile d’évaluer l’acceptabilité, ou sur des faits
tirés d’autres langues que le français. Dans le cadre de la
syntaxe du GARS (Groupe Aixois de Recherches en Syntaxe) ont été
proposées plusieurs descriptions successives des constituants disloqués, qui
visent à caractériser leur statut relativement aux relations de rection
projetées par les verbes. 4.1.2.1. Blasco [1999]. S’appuyant sur la distinction que fait Blanche-Benveniste [1980]
entre compléments régis par le verbe
(valenciels ou non), et associés
(extérieurs à la construction verbale), M. Blasco distingue trois sortes
d’éléments disloqués : (i) Ceux qui sont
marqués en tant qu’éléments régis par le verbe : SN porteurs d’une
préposition casuelle, proformes locatives, ou adjectifs disloqués (qui ne
peuvent être qu’attributs). Entre le constituant disloqué A et son doublet clitique a,
il y a alors à la fois coréférence stricte et redondance fonctionnelle. C’est
pourquoi Blasco réserve à ce type le nom de « double marquage » : (30) (a) Il en avait peur de cette maîtresse (ii) À l’opposé, les
SN disloqués qui n’ont ni fonction dans la construction verbale, ni doublet
coréférentiel dans le noyau, sont analysés comme des adjoints à la construction
verbale (= P). Tel est le cas des nominatifs pendants comme : (31) son travail elle est quand même tranquille (iii) La 3ème
catégorie rassemble les éléments disloqués qui, sans être marqués en cas pour
une fonction dans le noyau, entretiennent un rapport sémantique de coréférence,
stricte ou approximative, avec un doublet clitique présent dans celui-ci. Ex. (32) (a) Les femmes je leur fais pas confiance Blasco analyse en ce cas le disloqué A comme « adjoint au pronom » a,
fonction qu’elle rapproche de celle d’apposition (ex. Furieuse, elle vole). Si les deux premières catégories reposent sur des critères
syntaxiques clairs, il n’en va pas de même de la troisième. Ses éléments
apparaissent disparates, et l’on peut se demander s’ils ne devraient pas être
reversés les uns dans (i), les autres dans (ii), d’autres encore à la fois dans
(i) et dans (ii), parce que syntaxiquement ambigus (ex. 13). Par ailleurs, postuler
une fonction d’« adjoint à un pronom clitique » risque fort d’être
une solution ad hoc, dans la mesure
où ce type de pronom apparaît de manière générale inapte à recevoir quelque
expansion que ce soit. En outre, assimiler les constituants disloqués de (32) à
des appositions, c’est méconnaître le fait que contrairement à celles-ci
> Notice
, ils n’ont
pas pour signifié une prédication seconde, mais une simple instruction
référentielle. 4.1.2.2. Modèle pluri-linéaire. Dans les versions ultérieures de la syntaxe du GARS a été
introduite l’idée que les énoncés présentent deux structurations superposées, qui
‘se recouvrent’ : (i) une structure micro-syntaxique
faite de rapports de rection
> Notice
entre un verbe et ses arguments, et (ii) une structure macro-syntaxique,
faite de relations de
dépendance d’un autre ordre (pragmatico-énonciatives) entre un noyau d’énoncé
et des satellites prosodiquement détachés, ou ‘ad-noyaux’
> Détails .
Détails: 1. Dans les travaux
du GARS, un noyau est défini cumulativement : (i) par son autonomie syntaxique : On convient d’appeler « noyau » l’unité
minimale de macro-syntaxe, qui permet de former un énoncé autonome.
[Blanche-Benveniste 1990 : 114] (ii) par son autonomie prosodique : Sont considérées comme « noyaux » les
unités qui, à l’intérieur d’un énoncé donné, sont effectivement dotés d’une
mélodie conclusive. [Blanche-Benveniste 2003 : 56] (iii) par son autonomie pragmatico-énonciative : Le noyau est une unité macro- (donc autonome
énonciativement) qui a la possibilité de porter des modalités interprétables en
termes de force illocutoire notées par le trait [+ illoc].
[Debaisieux & al. 2013 :74] Les ad-noyaux sont définis par des propriétés inverses :
ils ne peuvent pas former à eux seuls un énoncé pertinent, mais impliquent la cooccurrence
d’un noyau ; ce ne sont pas des segments prosodiquement autonomes, bornés
par un intonème conclusif, et ils ne signifient pas des actes illocutoires. Ils
sont essentiellement caractérisés par la position qu’ils occupent relativement
au noyau (prénoyaux, postnoyaux) [Blanche-Benveniste 1990 ; Debaisieux & al. 2013 : 64 sq.]. Il est à noter que le critère (ii) ne vaut que dans le cadre
d’énoncés envisagés en isolation, mais cesse d’être opératoire lorsqu’on a
affaire à des énoncés en discours, (leur noyau ne porte pas toujours un intonème
conclusif). Quant au critère (iii), il est rendu fragile par l’absence de
caractérisation formelle des actes illocutoires, ceux-ci étant identifiés de
manière intuitive et sans garanties de généralité. Pour un bilan critique
détaillé, voir la section 4 de la notice ‘Phrase’
> Notice .
(b) Paul, j’ai vu cet idiot au café hier. [1.2.4. Détachement prosodique
(b) vous faites votre pain vous-mêmes
(b) au pensionnat ils recevaient tous des visites et moi personne il venait [Blasco 1992 : 252]
huit ans je devais avoir [oral, crfp]1.2.5. Homonymies de construction.
(b) Tout le monde il a le problème, mais personne il sait pourquoi. [web]
(c) Chacun il a sa chimère. [Rictus < Sandfeld]
(d) Franchement quand quelqu’un il est moche, même si on l’aime il reste moche. [web]1.2.6. Conclusion
2. Terminologie.
3. Références bibliographiques importantes.
4. Analyses descriptives.
4.1. Syntaxe.
4.1.1. Modélisations génératives.
(b) Aux aristocrates, on leur coupera le cou. (= ClLD)
(b) *À Georges, j’ai connu la fille qui lui a écrit hier.
(b) *De cette affaire, Jean, elle ne lui en a pas parlé. [< Larsson].
4.1.2. Modélisations dépendancielles.
(b) on pouvait y faire du patin à roulettes dedans
(c) doué il l’a toujours été
(b) la mairie ils ont dit d’attendre
(c) mon père ça aurait pas été le même genre
2. Quant aux
dépendances macro-syntaxiques, elles sont décrites comme des relations purement
paratactiques au plan formel, et qui ne sont pas sujettes à interprétation compositionnelle
mais inférentielle (le rapport sémantique d’un ad-noyau au noyau n’est pas codé
dans une fonction grammaticale, mais doit être calculé par inférence, sur la
base des matériaux lexicaux qu’ils contiennent, et compte tenu du contexte
informationnel [Deulofeu 2008 ; 2021]).
Ainsi conçues, les dépendances macro-syntaxiques apparaissent
de même nature que les relations entre énoncés successifs dans le discours, ce qui
pose le problème de l’identification des frontières d’énoncé : est-il
légitime de considérer les ad-noyaux comme des constituants périphériques
inclus dans un énoncé, et ne serait-il pas plus généralisant de voir dans certains d'entre eux des
énoncés distincts, non verbaux, grammaticalement indépendants et soumis à des contraintes d’occurrence
purement pragmatiques ? Répondre à ces questions ne peut se faire que sur la base
d'une définition empirique précise de ce qu'est un énoncé, laquelle fait actuellement défaut.
(33) Mais à ma famille et à mes amis, je leur disais : 'Je suis mort'. [web]
(34) Mes collègues, je leur disais bonjour. [Beauvoir].
Au plan micro-syntaxique, les constituants détachés initiaux ont des statuts différents : le SP de (33) contient une préposition /à/ qui le marque comme complément datif régi par le verbe disais, tandis que le nominativus pendens de (34) n’entretient aucun rapport de rection avec le verbe, et apparaît donc comme une unité indépendante. Au plan macro-syntaxique par contre, ces syntagmes ont le même statut d’ad-noyaux qui dépendent du noyau [je leur disais...], et qui expriment une information préalable nécessaire à l’interprétation du pronom leur. On rend compte ainsi à la fois des similitudes et des différences entre (33) et (34).
4.1.3. Modélisation discursive.
4.1.3.1. Dans le cadre d’une théorie pragma-syntaxique des discours, qui figure ceux-ci comme des structures composées d’actes d’énonciation successifs, le groupe de Fribourg [2012], abandonnant la notion de phrase, s’est attaché à délimiter méthodiquement les segments de discours qui font l’objet de chaque acte d’énonciation (et auxquels il donne le nom de clauses ). Le critère empirique utilisé pour cela est la relation formelle de rection (= déf. implication d’occurrence unilatérale doublée de restrictions sélectives mutuelles) : une clause est une monade grammaticale dont les membres sont liés par des rapports de rection, mais qui n’entretient pas de rapport de rection avec son entourage. Appliqué aux segments réputés disloqués dans les grammaires de phrase, ce critère conduit à distinguer parmi eux deux sortes d’unités :
(35) C’est vrai que tu y penses, à cette souris là-haut ? [Queneau]
(36) (a) Ce Yann, on allait lui faire savoir que Sylvestre était mort. [Loti]
(b) cette maison/ tout est à refaire\ [oral]
En (35), le SP détaché porte une préposition casuelle sélectionnée par le verbe penser, ce qui le signale comme régi par ce dernier ; il fait donc partie de la même clause que lui. En (36a) au contraire, le SN détaché ne porte pas de marque de cas, et n’entretient avec le clitique lui qu’une relation sémantique de coréférence, qui n’implique aucune dépendance syntaxique. Cela conduit à voir dans cette suite deux clauses indépendantes énoncées successivement, l’une nominale, l’autre verbale. La même analyse vaut a fortiori pour (36b), où le SN disloqué ne trouve aucune place dans la construction du noyau Z, et ne peut donc être qu’une clause averbale indépendante. Cette approche aboutit ainsi à faire éclater le domaine des dislocations en deux espèces de rang différent : des clauses à dispositif segmenté (35) et des configurations discursives (36) composées de deux énonciations dont l’une actualise une clause nominale et l’autre une clause verbale, et entre lesquelles il n’existe que des relations de nature pragmatique (préparation-action, dans le cas des DG, et action-confirmation, dans le cas des DD).
4.1.3.2. Par ailleurs, le groupe de Fribourg montre qu’en face de toute clause disloquée contenant un double marquage par pronom clitique, est attestée une construction identique, mais dont le clitique est absent ; cf. ex. (14) vs (15). Cela le conduit à traiter ces deux types de séquences comme des variantes du même dispositif, autrement dit, à récuser la distinction souvent faite entre dislocation et topicalisation (§ 1231).
4.1.4. Bilan.
En dépit d’approches théoriques très différentes, ces divers modèles présentent des points de convergence. Ils s’accordent en particulier sur l’idée que les nominatifs pendants relèvent d’une construction spécifique, à distinguer des autres types de dislocations.
4.2. Sémantique et pragmatique.
4.2.1. Dislocations = thématisation.
3.2.1.1. Dès les premières descriptions, les constructions DG et DD ont été identifiées à des marqueurs de thématisation. Pour Bally déjà, « la segmentation permet de faire de n’importe quelle partie d’une phrase ordinaire le thème, et de l’autre l’énoncé proprement dit, le propos » [1965 : 61]. Cette caractérisation sémantique (d’aucuns disent pragmatique) a été unanimement reprise ensuite, tant dans les travaux de syntaxe qu’en analyse du discours, si bien que l’équation élément disloqué = thème (ou topic) apparaît comme une constante de la modélisation, et comme un lieu commun de la doxa grammaticale.
4.2.1.2. Bien que les notions de thème et de topic ne soient pas univoques > Notice , on s’accorde en général sur l’idée qu’un constituant thématique (i) est « hors focus », non porteur d’information inédite, et (ii) renvoie à un référent « donné », c’est-à-dire identifiable pour l’allocutaire, parce que compris dans l’état courant du savoir partagé (ou présumé tel). En attribuant ce statut aux constituants disloqués, on rend compte de leurs principales propriétés sémantiques : ils ne peuvent être ni des quantifieurs, ni des mots interrogatifs (ceux-ci étant toujours focaux) ; ils sont hors du champ des modalités qui portent sur le noyau (négation, opérateurs restrictifs) ; ils ne peuvent pas apporter réponse à une question partielle (faute de pouvoir être interprétés comme focaux) ; et ils servent souvent à redésigner un référent qui vient d’être introduit dans le contexte antérieur, pour en faire le support d’un nouveau propos.
4.2.2. Questions en suspens
Le recours à la notion de thème/topic pose cependant plusieurs problèmes, qui ne sont généralement pas discutés dans la littérature.
4.2.2.1. D’une part, vu la façon dont elle est définie (« what the predication is about - more precisely, the referent with respect to wich the truth value of the sentence is evaluated » [De Cat 2007 : 102]), cette notion n’est applicable stricto sensu qu’à des expressions référentielles. Si elle convient pour caractériser les dislocations d’arguments, elle ne peut donc pas être étendue aux unités prédicatives que sont les adjectifs attributs (ex. 8) et les noms (ex. 9-10), sinon au prix d’une éventuelle redéfinition, qui reste à expliciter.
4.2.2.2. D’autre part, les dislocations sont des constructions récursives. Il arrive qu’une P contienne plusieurs éléments disloqués ). :
(37) Alors je sais que mon frère, son C.A.P., il l’a pas eu. [oral < Ashby]
Faut-il alors admettre que de telles P contiennent plusieurs thèmes ? La possibilité en est controversée. Et à supposer que cette hypothèse soit compatible avec les définitions usuelles de la notion, quel rapport (hiérarchique ou non) ces thèmes multiples entretiennent-ils dans la structure informationnelle de la P ? Ces questions restent en attente de réponses claires.
4.2.3. Différence entre DG et DD
Il y a accord unanime sur l’idée que les éléments disloqués à gauche et à droite sont également thématiques. Mais quant à la différence de valeurs entre eux, plusieurs hypothèses ont été émises.
4.2.3.1. Pour Lambrecht [1981 : 94], les deux dispositifs s’opposent par leur fonction en discours : tandis que les DG servent couramment à poser un nouveau thème (et donc à changer de thème), les DD ne s’emploieraient que pour ratifier un thème courant, déjà établi comme tel dans le contexte antérieur. Cette hypothèse expliquerait le fait, remarqué par ailleurs, que les DD ne puissent pas signifier une thématisation contrastive [Delais-Roussarie & al. 2004]. Les études sur corpus montrent qu’elle se vérifie statistiquement, mais n’est cependant pas généralisable : il existe des occurrences de DD qui instaurent bel et bien un nouveau thème [Ashby 1988 : 216 ; Horlacher & Müller 2005 : 134; Horlacher 2015: 211].
4.2.3.2. D’autres chercheurs [Ashby 1988 : 220 ; Fradin 1988 ; Furukawa 1991 ; Groupe de Fribourg 2012 : 240], constatent que les constituants disloqués à droite d’un noyau Z servent fréquemment à clarifier l’interprétation de celui-ci, en confirmant une inférence plus ou moins douteuse qu’il comporte (souvent le calcul d’une référence pronominale). Ex.
(38) Un jour, avec B. dont je t’ai parlé tout à l’heure j’avais trouvé le plan de Bigre. Puis ledit plan je l’avais copié, puis je l’avais gardé(e), la copie. [oral < Gülich]
Ils en concluent que les DD ont une fonction interactionnelle de self-repair (réparer un possible défaut d’intercompréhension). Comme le font observer Apothéloz & Grobet [2005 : 109], cette hypothèse implique que le noyau Z et le disloqué A ont été programmés séparément par l’encodeur, et donc qu’ils appartiennent à deux énonciations distinctes (contra Lambrecht, voir § 6311). Par ailleurs, elle n’est pas généralisable : bon nombre d’éléments disloqués, loin d’apporter une précision utile, ne font que redonder sur une information déjà très explicite, p. ex. lorsqu’une DD coexiste avec une DG :
(39) ce pain-là j’en mange pas de ce pain-là [oral < Blasco]
3.2.3.3. D’autre part, il semble (sans qu’on dispose de comptages précis) que les DD aient souvent lieu dans des énoncés exclamatifs ou à contenu axiologique. Cela a conduit plusieurs sémanticiens [Furukawa 1991 ; Nølke 1998] à voir dans ce dispositif la marque d’un investissement affectif particulier du locuteur dans le contenu qu’il énonce. Mais cette valeur expressive n’est sans doute qu’un effet d’ethos indirect (une réparation improvisée ou une redondance excessive pouvant être interprétées comme des symptômes d’émotion), et elle n’est pas non plus généralisable à toutes les DD.
4.3. Prosodie.
Ce que l’on sait de la prosodie des dislocations provient essentiellement d’analyses instrumentales pratiquées sur des données de laboratoire (lecture de phrases isolées). Ces analyses ont permis d’identifier les formats intonatifs prototypiques que revêtent les énoncés disloqués lorsqu’ils sont produits hors contexte. Seules quelques études récentes portent sur des occurrences authentiques relevées en discours. Leur apport essentiel a été de mettre en évidence les latitudes de variation des divers paramètres qui entrent en jeu dans le phrasé des dislocations.
4.3.1. Dislocations à gauche
4.3.1.1. Un constituant disloqué à gauche se caractérise ordinairement par une montée de la F0 en finale, et par un allongement de sa dernière syllabe. Cette proéminence mélodique majeure est perçue comme un signal de frontière, mais n’est que rarement suivie d’une pause. Ex.
Cette intonation prototypique présente cependant diverses variantes, qui diffèrent par le degré de la proéminence finale, sensible à des facteurs métriques [Avanzi 2012 : 169], ou même par leur profil mélodique : lorsque le noyau qui suit porte une intonation montante (p. ex. interrogative), le constituant disloqué présente un contour descendant, imputable selon Ph. Martin [2009] à une contrainte de contraste de pente.
4.3.1.2. D’autre part, il a été observé que sur certains constituants détachés à gauche, l’intonation de continuation entre en opposition avec un autre contour, semblable à celui des questions écho et des demandes de confirmation. C’est sans doute cet illocutionary tone [Delais-Roussarie & al 2004] que transcrit l’usage du point d’interrogation comme en (40) :
(40) Les mauvaises herbes? On va les laisser tranquilles. [presse]
On peut toutefois se demander si les SN ainsi intonés doivent être analysés comme des arguments disloqués à gauche, ou s’il ne s’agit pas plutôt de clauses nominales autonomes. Le fait qu’ils soient affectés d’une modalité propre (interrogative) plaide en faveur de cette hypothèse.
4.3.2. Dislocations à droite.
Le profil prosodique des constituants disloqués à droite (= intonation de parenthèse finale, de postrhème ou d’appendice) a reçu plusieurs descriptions successives. On a longtemps considéré, après Delattre [1966], qu’il consistait en un contour mélodique plat, de même hauteur que le ton final du groupe précédent (H+ après ton haut, B- après ton bas). Rossi [1999] a ensuite montré qu’il n’est pas plat, mais qu’il a l’allure d’une copie réduite du contour qui précède. Exemples en plage basse et haute :
Cependant, certains disloqués à droite ne présentent pas une dynamique réduite, mais plutôt amplifiée [Avanzi 2009], tandis que d’autres ne copient pas l’intonation précédente. Cela incite à voir dans les phénomènes de copie et de réduction deux caractéristiques indépendantes [Berrendonner 2008b].
4.3.3. Si les analyses prosodiques atteignent un haut degré de finesse dans la description phonologique des formes disloquées, les conclusions qu’on peut en tirer en matière de grammaire restent très limitées. Car, en raison de contraintes expérimentales de calibrage, ces études ne portent généralement que sur un sous-ensemble restreint de configurations segmentales ; et lorsque celles-ci sont syntaxiquement ambiguës, les analyses n’envisagent pas toutes les hypothèses de structuration possibles. Il s’ensuit qu’entre constructions syntaxiques et traits prosodiques, il ne se dégage pas de correspondances régulières qui permettraient d’assigner univoquement à ceux-ci des fonctions de marqueurs de celles-là. L’interférence de facteurs métriques, notamment, (poids syllabique de l’élément détaché) contribue fortement à brouiller les rapports prosodie-syntaxe. Par ailleurs, aucune corrélation régulière n’a pu être décelée non plus entre la prosodie des constituants disloqués et leur statut informationnel (= le degré de saillance ou d’activation de leur référent) [Avanzi 2012 : 170]. En matière de constructions disloquées, les interfaces prosodie-syntaxe et prosodie-sémantique restent donc encore assez opaques.
4.4. Diachronie.
4.4.1. L’étude des textes médiévaux montre que les doubles marquages sont bien attestés en ancien français, dès le 11ème siècle (Vie de St Léger). On en compte par exemple 29 dans la Chanson de Roland, dont 13 du sujet :
(41) Noz compaignons, que oümes tanz chers,
Or sunt il morz…
Cependant, comme on ignore tout de la prosodie de l’époque, on ne peut exclure l’éventualité que certaines de ces occurrences relèvent d’une construction autre que la dislocation.
4.4.2. Lorsque l’élément disloqué est un régime oblique, il peut en porter les marques (préposition, cas régime), ou bien rester au cas sujet. Cela suggère que l’opposition entre deux types d’éléments détachés, les uns marqués en cas, les autres non (= nominatifs pendants), a toujours existé.
4.4.3. Par ailleurs, selon Marchello-Nizia [1998] et Prévost [2009], il semble qu’en ancien français, la dislocation d’un constituant ait eu deux fonctions : marqueur de thématisation, ou au contraire de focalisation. Tantôt l’élément disloqué rappelle un référent déjà mentionné dans le contexte antérieur proche, ce qui lui vaut d’être traité de thème ; tantôt il introduit un objet-de-discours précédemment non activé, ce qui conduit à y voir un focus. Mais la réactivation d’un référent perdu de vue étant une des fonctions ordinaires des éléments thématiques, il n’est pas sûr que cette analyse soit correcte. Pour attester l’existence de disloqués focaux en A.-F., il faudrait des données plus concluantes, semblables aux ex. (47-51) du français moderne.
4.4.4. Dans les années 1980, certains observateurs du français parlé ont émis la thèse que l’usage de nombreuses constructions disloquées à l’oral était l’indice d’un changement diachronique en cours. Les uns ont vu dans les dislocations à droite le signe que la phrase canonique était en train d’évoluer de l’ordre SVO vers l’ordre VOS [Harris 1978]. D’autres ont tenu les dislocations à gauche pour l’indice que le français serait en voie de passer du type subject prominent au type topic prominent, ou du moins à un type mixte cumulant les structures caractéristiques de l’un et de l’autre [Lambrecht 1981 : 52]. Ces scénarios diachroniques reposent sur deux prémisses : (i) le sentiment que les dislocations sont particulièrement fréquentes à l’oral ; et (ii) l’idée que le français parlé est une variété non standard « avancée », qui préfigure la langue standard de demain. Or, ces prémisses sont toutes deux contestables. D’une part, des comptages ont montré que les constructions disloquées, loin d’être très fréquentes dans l’oral contemporain, y ont un rendement de structures mineures (§ 5221). D’autre part, ces constructions sont attestées dès les origines du français (§ 341), et même si leurs conditions d’emploi ont pu varier par moments, rien ne permet de penser qu’elles soient en passe de se généraliser [Blanche-Benveniste 1995, 2002]. (Certes, on a pu mesurer que les locuteurs jeunes produisent un peu plus de doubles marquages que les plus âgés, mais cela peut tenir simplement à un usage plus libre du tour canonique "populaire" signalé ci-dessus (§ 125), et ne suffit pas à prouver qu’un changement typologique soit en cours [Coveney 2002].)
5. Études contrastives et typologiques.
Selon Lambrecht [2001 : 1051], les constructions disloquées sont attestées dans la plupart des langues du monde, « independently of language type and genetic affiliation ». Cette quasi-universalité est illustrée par des exemples tirés de diverses langues, indo-européennes (Allemand, Anglais, Russe, Catalan…) ou non (Turc, Arabe, Hébreu, Finnois, Indonésien, Japonais, Chichewa…). Cependant, Lambrecht présente comme disloquées des P dans lesquelles le doublet a est un simple affixe de conjugaison du verbe ou un élément nul. On peut alors se demander sur quels critères ces occurrences ont été distinguées des constructions canoniques, topicalisations, couples de clauses adjacentes, et autres configurations possiblement homonymes.
6. Les données.
6.1. Nature.
6.1.1. Les descriptions générativistes sont fondées pour tout ou partie sur des exemples forgés, censés refléter l’intuition du grammairien (p. ex. (27) ou (29)). Une variante de cette méthode (De Cat) consiste à « éliciter » des jugements de grammaticalité en soumettant des phrases-tests (contextualisées) à un groupe de locuteurs natifs. En particulier, la question de savoir si les DG sont ou non assujetties aux « island constraints » a conduit à imaginer des phrases contenant à la fois dislocations et enchâssements, dont la complexité rend l’attestation en discours très improbable, et l’évaluation sujette à controverse.
6.1.2. Les autres études consacrées aux dislocations, dont un bon nombre sont d’orientation sociolinguistique, exploitent des données tirées de corpus oraux (entretiens). On en trouvera une bonne synthèse dans [Coveney 2002]. L’analyse de Blasco [1999] se distingue par la comparaison systématique de données orales (Corpaix) et écrites (textes littéraires et de presse).
6.2. Données quantitatives.
6.2.1. Les études sur corpus font état de comptages, qui renseignent sur la fréquence et le rendement des divers types de dislocation. Les conclusions que l’on peut en tirer restent toutefois limitées, pour deux raisons.
(i) D’une part, la nature des occurrences comptabilisées varie d’un chercheur à l’autre. Les constructions disloquées à noyau du type c’est X, par exemple, sont tantôt prises en compte [Le Querler 1999 ; Blasco 1999], tantôt non [Coveney 2002]. De même pour les ProSN détachés (moi je…, lui il, etc.). Ces différences dans les méthodes de comptage rendent malaisée la comparaison des résultats, et il est par conséquent difficile d’en tirer un bilan précis.
(ii) D’autre part, c’est généralement le double marquage (= cooccurrence d’un élément lexical et d’un doublet, clitique ou non) qui sert de critère pour identifier les constructions disloquées. Or, les doubles marquages ne sont pas une exclusivité de ces constructions, mais peuvent aussi se produire, de diverses façons, dans les propositions canoniques (§ 1241 et 125). L’usage de ce critère conduit donc à ranger parmi les dislocations certaines séquences qui n’en sont pas, c’est-à-dire à surévaluer le nombre des occurrences disloquées dans les corpus. En fait, les chiffres disponibles sont à prendre comme un tableau des doubles marquages, et non des dislocations. Ils ne nous renseignent sur celles-ci qu’indirectement et approximativement.
6.2.2. En dépit de ces imprécisions, certaines données quantitatives peuvent être considérées comme des acquis valides.
6.2.2.1. Il s’avère tout d’abord qu’à l’oral, les dislocations sont un phénomène relativement rare : parmi les sujets (tous types confondus), seuls 10% environ sont doublement marqués [Blasco 1999 : 83] ; et si l’on s’en tient aux SN sujets lexicaux, le taux de ceux qui s’accompagnent d’un doublet clitique (pour cause de dislocation ou autre) est en moyenne de 24% [Coveney 2002]. Les chiffres contredisent ainsi clairement l’idée reçue selon laquelle les constructions disloquées seraient particulièrement fréquentes, voire favorites en français parlé.
6.2.2.2. Les dislocations à gauche sont globalement plus nombreuses que les dislocations à droite : environ 70% contre 30%, à l’écrit comme à l’oral [Blasco 1999 ; Jyväskylän 1999].
6.2.2.3. Les constituants les plus fréquemment disloqués, à gauche comme à droite, sont les SN sujets, qui prédominent largement à l’oral (ca 70%). Viennent ensuite les régimes directs, puis les régimes obliques et les circonstants. Il apparaît aussi que les régimes proportionnels à en sont beaucoup plus rarement disloqués à l’oral qu’à l’écrit.
6.2.2.4. D’après Blasco & Cappeau [2000 : 319], les dislocations d’adjectifs sont pratiquées à l’écrit (= 6% des DG, 12% des DD), mais inusitées à l’oral (sauf dans les journaux télévisés).
6.2.2.5. Quant aux constructions verbales noyaux, Le Querler [1999] constate que dans les DG, 50% d’entre elles sont du type copulatif c’est X. (Ce chiffre repose cependant sur une délimitation large du domaine des dislocations, qui inclut les pseudo-clivées, les ajouts circonstanciels détachés sans doublet (§ 1231) et les cas de focus preposing (§ 1242)).
6.3. Espèces rares et variantes.
À côté des dislocations prototypiques communément décrites, il existe des cas particuliers qui passent inaperçus en raison de leur rareté, au point que dans la plupart des grammaires, leur existence est expressément niée. On se contentera donc ici d’attirer l’attention sur ces spécimens méconnus, de façon à rétablir les faits contre la doxa ambiante.
6.3.1. Nominatifs pendants disloqués à droite.
6.3.1.1. Les DG dont le noyau contient un clitique régime lui, y ou en se présentent sous deux formes : ou bien l’élément détaché A qui coréfère avec le clitique porte une préposition casuelle concordant avec lui (double marquage, construction I) ; ou bien il prend la forme d’un simple SN sans préposition (nominativus pendens, construction II) :
(42) (I) À la politique, elle n’y comprend pas grand-chose. [presse]
(II) La France, j’y crois. [affiche < Blasco]
Dans le cas des dislocations à droite, par contre, certains grammairiens déclarent la structure II impossible. Lambrecht, p. ex., tient la préposition pour obligatoire, et en tire argument pour soutenir que les DD, contrairement aux DG, « are integrated into the syntactic structure of the sentence » [1981 : 79].
6.3.1.2. Les auteurs mieux informés signalent toutefois que l’absence de préposition est bien attestée à l’oral lorsque l’élément A est un ProSN du type moi. (Dans le corpus de Blasco, toutes les occurrences de II sont de ce type) :
(43) (a) j’ai mis un an […] à l’écrire […] ça m’était jamais arrivé moi
(b) ça te fait pas mal toi
Cela donne à penser que ces ProSN ne remplissent pas la même fonction que les nominatifs pendants ordinaires. Une explication possible est qu’ils sont, à l’instar de divers autres monosyllabes, utilisés secondairement en guise de ponctuants segmentaux redondant sur un intonème conclusif [Groupe de Fribourg 2012 : 32].
6.3.1.3. Par ailleurs, il existe aussi des DD du type II dans lesquelles l’élément détaché est un SN lexical ordinaire :
(44) (a) j’en ai marre/ cette [stә] bête [oral]
(b) on n’y est pas habitué/ ce genre de fautes [oral]
(c) Et le reste c’est du déchet. On peut pas s’en servir, le reste. [oral < Ashby]
(d) La seule grosse erreur qu’on lui connaît à ce jour, BHL, c’est d’avoir voulu faire un film. [A. Soral, à propos de Bernard-Henri Lévy]
Ces exemples attestent qu’aucune contrainte syntaxique absolue n’interdit de postposer un nominativus pendens à une P noyau. Les comptages montrent toutefois que dans les DG, le type II est largement majoritaire, à l’oral (88%) comme à l’écrit (66-70%), tandis que dans les DD, c’est presque toujours I qui est pratiqué, à de rares exceptions près (44). On doit en conclure que les nominatifs pendants s’emploient surtout avant une P noyau, de préférence aux régimes disloqués, mais qu’ils ne sont qu’exceptionnellement usités après.
6.3.2. Disloqués indéfinis spécifiques.
Selon une idée récurrente chez beaucoup d’auteurs [Larsson 1979 : 12 ; Lambrecht 1981 : 61 ; Berthoud 1994 ; Dobrovie-Sorin 1997 : 177 ; Stark 1997 : 342 ; De Cat 2005 : 14], le fait que la dislocation soit un procédé de thématisation induit une contrainte sur la nature des SN dislocables : seuls peuvent être disloqués les SN dont le référent est présupposé connu, c’est-à-dire les SN [+définis] et les SN [-définis] non spécifiques, qui dénotent un référent indéterminé mais néanmoins identifiable (générique ou virtuel [Muller 1997]) :
(45) Un enfant, il vous fait ça en deux minutes. [< Berthoud]
(46) - Vas-y, dit Marie-Ange, raconte-moi un ou deux souvenirs d’enfance.
Des souvenirs, il en avait, comme tout le monde, mais ils ne lui paraissaient guère importants. [Beauvoir < frantext]
Sont en revanche réputés non dislocables les SN indéfinis à interprétation spécifique, c’est-à-dire ceux qui nomment un référent particulier totalement inédit, introuvable dans le savoir partagé des interlocuteurs, et non inférable de celui-ci.
Or, de rares exemples attestés (DG et DD) démentent cette contrainte :
(47) une copine à moi/ elle aime pas l(e) prof après elle boude toujours hein [oral < Galli-Cornali 1998 : 77]
(48) alors ils attrapent rien les gendarmes. - mais ils les relâchent tout de suite. des jumeaux qui écumaient Bergerac/ eh ben ils les ont relâchés ! - oui oui ils ont qu’à recommencer ! [oral, CFA80]
(49) Même plus tard, quand je commençai de composer un livre, certaines phrases dont la qualité ne suffit pas pour me décider à le continuer, j’en retrouvai l’équivalent dans Bergotte. [Proust]
(50) vous savez combien il m’avait demandé, un maçon ? [oral < Blasco]
(51) On tire un numéro et celui qui a le numéro il a gagné. Il a gagné ça, un copain d’à-côté. [oral < Ashby]
Pour certains de ces énoncés, on pourrait considérer qu’ils ne relèvent pas du dispositif disloqué, mais d’autres constructions (par exemple présentatives, du genre (il y a) une copine à moi, elle V). Mais cette échappatoire n’est pas toujours ouverte : en (50-51), on ne peut avoir affaire qu’à des DD. Ces faits obligent soit à abandonner l’idée que les constituants disloqués ont toujours un statut thématique, soit à redéfinir les notions de thème / topic – ce qui revient à peu près au même.
6.3.3. Désaccords morphologiques entre A et a.
On a relevé divers énoncés dans lesquels un SN disloqué ne porte pas les mêmes marques de genre et/ou de nombre que son doublet, qui est un indice clitique sujet. Plusieurs cas sont à distinguer :
6.3.3.1. Clitique /il/ neutre
(52) (a) Les vieilles femmes ils sont toujours à causer. [< Bauche]
(b) Les filles parfois ils sont pas d’accord avec nous [oral, adolescent]
Souvent mentionnés dans les travaux sur le « français populaire », les ex. de ce type reflètent simplement l’existence d’une variation morphologique dans le paradigme des indices clitiques. Certains locuteurs traitent la forme il(s) comme non marquée en genre, et s’en servent pour anaphoriser des SN tant féminins que masculins, y compris en dehors des constructions disloquées [Lambrecht 1981 : 40]. Les DG (52) procèdent de cette variante de grammaire dans laquelle il neutralise l’opposition de genre, et le désaccord n’y est qu’apparent. Il y a bien coréférence, et donc possible redondance fonctionnelle entre le clitique et le SN, ce qui permet d’analyser celui-ci comme un sujet disloqué.
6.3.3.2. Double marquage ou non ?
La situation est différente dans les cas comme (53-54), où le désaccord porte sur les marques de nombre :
(53) (a) La police, ils l’ont déjà fait arrêter. [web < Zumwald]
(b) ils vous l’ont interdit la mairie [oral < Blasco]
(54) Les jeunes qui apprendraient ce métier-là/ il aura de l’avenir parce qu’il peut bricoler faire n’importe quoi avec [oral]
Doit-on analyser le SN comme un sujet disloqué, mais accordé de manière non standard, ou bien faut-il y voir un nominativus pendens ? La réponse dépend essentiellement des valeurs référentielles qu’on attribue respectivement au SN et au clitique : si l’on considère qu’ils désignent tous deux le même objet-de-discours, cette coréférence permet d’analyser le SN comme un sujet disloqué ; si l’on soutient qu’ils ont des référents distincts, on n’a pas affaire à un double marquage, mais à un nominativus pendens. La décision dépend donc en dernier ressort des postulats auxquels on souscrit en matière de sémantique référentielle, et de la façon dont on modélise les objets-de-discours en jeu.
- En (53), le SN détaché désigne un objet singulier collectif, tandis que le clitique pluriel réfère à la classe de ses membres. Si l’on considère que ces entités sont deux référents distincts, il n’y a pas coréférence entre leurs désignateurs, ce qui impose d’analyser le SN comme un nominativus pendens. Si on fait au contraire l’hypothèse que le collectif et la classe sont le même objet-de-discours saisi sous deux aspects (= une dualité au sens de [Berrendonner 2014]), on peut soutenir qu’il y a coréférence entre le clitique et le SN, ce qui autorise à analyser celui-ci comme un sujet. Zumwald [2014] opte pour cette seconde analyse, en faisant valoir que les mêmes désaccords se produisent dans des P non disloquées :
(55) L’autre équipe sont super mais ils sont jeunes et ils ont le temps [web]
Elle en conclut qu’il existe une variation libre sur le nombre des SN collectifs, qui sélectionnent indifféremment des marques d’accord au singulier ou au pluriel.
L’ex. (54) représente un cas analogue, à ceci près que le SN détaché pluriel dénote une classe (les jeunes = ensemble extensionnel), alors que le clitique réfère au type correspondant (il = le jeune, objet singulier intensionnel) [Berrendonner 2002]. Selon qu’on voit là deux référents distincts, ou un seul (une dualité), on analysera le SN comme un nominativus pendens ou comme un sujet disloqué.
6.4. Évaluation des données utilisées dans la littérature.
6.4.1. Les analyses qui reposent sur des données d’intuition (exemples forgés) présentent trois inconvénients classiques. D’une part, cette façon de faire conduit à ignorer des énoncés possibles : les dislocations rares, atypiques ou non normatives, qui échappent à l’intuition du grammairien ou de ses informateurs, passent inaperçues, ou pire, sont réputées agrammaticales. D’un autre côté, et à l’inverse, l’intuition sert d’argument d’autorité pour accréditer des énoncés improbables, dont les chances d’être effectivement utilisés sont faibles voire nulles, et dont la grammaticalité prête par conséquent à controverse. Enfin, les énoncés forgés contiennent souvent des biais, comme le montre Blasco : leur apparente bonne / mauvaise formation est due à des facteurs adventices plutôt qu’à leur structure disloquée proprement dite. Il s’ensuit des désaccords entre chercheurs sur l’étendue des faits possibles, ce qui se répercute évidemment en conflits de modèles.
6.4.2. Quant aux analyses fondées sur des données de corpus, elles portent jusqu’à présent sur des effectifs relativement modestes (quelques centaines d’occurrences, un ou deux milliers dans le meilleur des cas), ce qui ôte toute chance d’apercevoir les phénomènes rares, de circonscrire leurs distributions, et d’identifier les facteurs qui les conditionnent. La rencontre de spécimens atypiques attestés sporadiquement hors des corpus étudiés confirme que la faible ampleur de ceux-ci nous rend aveugles à certains faits, et incite à se montrer prudent avant de déclarer telle ou telle dislocation impossible. (Tous les chercheurs n’ont pas cette prudence).
7. Bilan.
Les constructions disloquées sont un domaine relativement bien connu de la syntaxe du français, du moins en ce qui concerne leurs occurrences prototypiques. Dans l’état actuel des recherches, deux séries de questions restent cependant ouvertes.
7.1. Les unes sont d’ordre théorique, et concernent l’adéquation de certains instruments de modélisation couramment utilisés. Notamment :
(i) La notion de phrase. Constitue-t-elle ou non un cadre convenable pour décrire les faits de dislocation, ou bien son usage comporte-t-il en germe des défauts de généralité ? Le débat est ouvert sur ce point entre tenants de la grammaire de phrase traditionnelle et partisans d’une distinction morpho- / pragma-syntaxe.
(ii) La notion de thème / topic. Est-elle opératoire pour caractériser la valeur sémantique des constructions disloquées, ou manque-t-elle de généralité ? Certaines données remettent en question l’équation élément disloqué = thème, et suggèrent que la fonction sémantique des dislocations est à chercher ailleurs que dans le marquage d’un statut informationnel.
7.2. D’autres problèmes sont de nature empirique : divers spécimens marginaux ou atypiques ont été peu observés, et leurs propriétés restent à décrire. Entre autres :
(i) Les dislocations qui affectent les SN (ex. 6-7 et 9-10). Rarement étudiées [Lagae 2001], elles attendent un inventaire formel et une analyse détaillée de leurs conditions d’occurrence. Sera-t-il possible ou non de les intégrer avec les dislocations de P dans un modèle général ?
(ii) Les dislocations dont le noyau est un énoncé non verbal :
(56) Magnifique, la luxure ! [Rimbaud]
Il existe peu d’études sur la syntaxe de ces constructions, pourtant assez fréquentes dans l’oral conversationnel. [Tanguy 2010].
(iii) Les discordances de marques entre certains éléments disloqués A et leur doublet a restent aussi à explorer et modéliser, notamment lorsque celui-ci est un pronom clitique « vague » on ou çe (ça). Ex.
(57) les pharmaciens on est très surveillés [< Blasco]
toute la famille on est comme ça [oral]
Nous on a le temps [Angot]
(iv) Quant à la différence de valeur exacte entre DG et DD, une observation plus fine de leurs rendements en discours serait nécessaire pour pouvoir formuler une hypothèse générale.
La solution de ces deux séries problèmes passe par des investigations empiriques plus fines menées sur des corpus de plus grande ampleur, de façon à pouvoir débusquer les faits rares mais cruciaux pour la modélisation.
8. Annexes.
8.1. Liste des abréviations utilisées
B- | Ton infra-bas |
DD | Dislocation à droite |
DG | Dislocation à gauche |
F0 | Fréquence fondamentale de la voix |
H+ | Ton supra-haut |
N | Nom |
P | Proposition (= construction verbale de rang maximal) |
ProSN | Proforme de la catégorie SN (= pronom tonique) |
SA | Syntagme adjectival |
SN | Syntagme nominal (= DP ou QP dans la nomenclature anglo-saxonne) |
SP | Syntagme prépositionnel |
8.2. Ouvrages cités
Apothéloz (D.) & Grobet (A.), 2005, « Appendices dans le discours : aspects syntaxiques, prosodiques et pragmatiques », TRANEL 41, 95-126.
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Note 1:
Si ce modèle rend bien compte des dislocations à gauche et à droite, il est en revanche mis en difficulté par les dispositifs du type (23) supra. Dans
une rude langue il avait!
le SN [une rude langue] est en effet analysé au plan micro-syntaxique comme un complément régi par le verbe avoir, et au plan macro-syntaxique, comme le noyau de l’énoncé [Sabio 2017]. Or, cette analyse peut être jugée contradictoire, dans la mesure où elle comporte à la fois que ce SN est une unité dépendante (puisque régi) et une unité indépendante (puisqu’un noyau est par définition un segment autonome, apte à constituer à lui seul un énoncé). En d’autres termes, cette analyse revient à soutenir simultanément que ce SN peut et ne peut pas être actualisé sans l’accompagnement d’un acolyte.
Note 2:
Cet usage du terme de clause n'a rien à voir avec celui qui en est fait dans les grammaires anglophones pour désigner les propositions grammaticales dont se compose une phrase.
Note 3:
Les observations faites sur l'oral montrent cependant que les éléments disloqués ainsi empilés ne dépassent généralement pas le nombre de 2.