Le complément d'objet direct

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(10-2023)

Pour citer cette notice:
Melis (L.) & Willems (D.), 2023, "Le complément d'objet direct", in Encyclopédie grammaticale du français,
en ligne: encyclogram.fr



1. Découpage du domaine.



1.1. La notion de complément d'objet direct : propriétés et critères d'identification

La notion de complément d’objet direct est d’abord à définir sur le plan lexico-grammatical :

1.1.1. Le complément d’objet direct est caractérisé par la construction et par l’interaction avec le verbe régissant. 

- Le complément d’objet direct peut en premier lieu être appréhendé par le biais d’un schéma de construction. Il apparaît comme GN1 dans trois types de construction

GN0 V GN1
GN0 V GN1 à GN2
GN0 V GN1 GPrép/GAdv. 

- Comme terme d’une construction, le complément d’objet direct s’inscrit dans la dépendance d’un verbe ; il subit dès lors le double processus de sous-catégorisation syntaxique et de sélection sémantique.

- En tant que terme sous-catégorisé, le GN1 est obligatoire ou récupérable en cas d’absence.

- En outre, le complément d’objet direct est distinct du verbe lexical qui le régit et le requiert ; il n’est donc pas intégré à une expression lexicale complexe comportant un verbe support et une expression nominale.

- Dès lors, le groupe nominal n’est pas figé, ni du point de vue de sa structure interne, ni du point de vue lexical, bien que les effets de la sélection sémantique puissent imposer des limites à la variation.

- De ce point de vue, le GN1 est un des arguments du verbe (v. infra).

1.1.2. Un second aspect concerne la nature catégorielle du complément d’objet direct : le complément d’objet direct est un groupe (pro-)nominal non introduit par une préposition (cf. l’usage du terme direct) ou l’équivalent d’un tel groupe nominal : un infinitif ou une sous-phrase.

- Ceci implique qu’il manifeste la structure ordinaire d’un groupe (pro-)nominal avec toutes les possibilités de variation interne, compte tenu des limitations imposées par le verbe recteur sur le plan de la sélection ou de la compatibilité sémantique.

- Ceci implique également que les réalisations non (pro-)nominales, que-phrases ou formes verbales non tensées sont, d’un point de vue syntaxique, des équivalents d’un groupe nominal ou en d’autres termes que ces réalisations sont proportionnelles à un tel groupe. (Sur le statut de à ou de introduisant un infinitif complément d’objet, voir la  Notice  Préposition).

1.1.3. Comme notion grammaticale formelle, le complément d’objet direct peut être appréhendé à l’aide de propriétés de codage et de propriétés de fonctionnement. Les propriétés de codage concernent la manière dont l’objet se réalise, alors que les propriétés de fonctionnement concernent les réseaux de reformulations dans lesquels l’objet fonctionne.

Les propriétés de codage pertinentes en français sont

- l’existence d’indices clitiques : le, la, les et le clitique en couplé à un quantifieur pronominal, éventuellement implicite à valeur indéfinie :

Les livres, je les lis.
J’en lis (peu), (de livres).

Les formes qu- peuvent fonctionner comme indices complémentaires, mais ils ne sont pas univoques. Le relatif que  convient tant au complément d’objet direct qu’à l’attribut, alors qu’en emploi interrogatif qui et que peuvent servir d’indice tant pour le complément d’objet direct que pour l’attribut à condition que le sujet ait été identifié au préalable

Le livre que tu lis ; l’avocat que tu es.
Que lis-tu ? Qui es-tu ? Qu’es-tu ?

- le choix de la position postverbale comme position privilégiée ou neutre ; l’antéposition est soit discursivement marquée soit liée à l’interrogation partielle :

Elle aperçoit les enfants.
Les enfants elle aperçoit.
Quels enfants aperçois-tu ?

- la relation étroite avec le verbe ; à la différence des éléments plus périphériques, le complément d’objet direct ne peut être intégré à une structure de reprise telle que la formule ‘verbe et… le faire

Elle lit le livre.
*Elle lit et (elle) le fait le livre.

alors que les ajouts peuvent apparaitre dans cette formule de reprise :

Elle lit avec grande attention.
Elle lit et elle le fait avec grande attention.

On pourra y ajouter l’alternance des déterminants indéfinis un, du, des avec de en contexte négatif (Gaatone 1997), alternance qui pourrait, pour les locuteurs qui la pratiquent, également être considérée comme une propriété de fonctionnement, permettant de distinguer le complément d’objet direct de l’attribut, vu qu’elle ne s’observe pas avec être :

Elle n’a pas de livre(s).
Elles ne sont pas des voisines.

Les (autres) propriétés de fonctionnement pertinentes sont de trois ordres :

- la capacité à fonctionner comme sujet dans les diverses reformulations passives, qu’elles soient périphrastique ou réflexive :

Elle écrit une lettre à la main.
Une lettre est écrite à la main.
Une lettre s’écrit à la main.

- la saturation de la position d’objet dans la construction factitive :

Marthe prépare le repas.
Marie fait préparer le repas à / par Marthe.
Marie laisse préparer le repas à / par Marthe.

- la capacité à servir de pivot de l’infinitif construit avec à dans diverses constructions : GN être ADJ à Vinf ; GN (être) à Vinf ; il y a GN à Vinf., ainsi que la dérivation en –(a)ble, qui est toutefois moins systématique :

Ce livre est agréable à lire.
Ce repas est à préparer pour vingt heures.
Il y a encore une lettre à écrire.
Ce livre est lisible.

1.1.4. Le complément d’objet direct n’est pas exclusivement défini par des propriétés formelles, mais également par des propriétés sémantiques et cognitives.

- La tradition parle de l’objet comme du terme qui ‘subit l’action verbale’, formule qui soulève de nombreux problèmes dus à la définition trop restrictive tant du verbe à l’aide de la notion d’action que de la relation entre l’objet et le verbe. Ces imprécisions, qui sont à mettre en relation avec le grand nombre et la diversité des verbes qui se construisent avec un complément d’objet direct, peuvent être levées si l’on approche le complément d’objet direct, comme entité sur le plan du sens et du contenu, comme le terme auquel s’applique le procès verbal ; il en est l’about, comme le signalent Damourette et Pichon (1911-1940). Il définit ainsi le domaine d’application du procès et en trace les limites.

- Diverses approches ont tenté de rendre cette caractérisation générale plus précise. Une piste souvent utilisée s’appuie sur l’opposition entre l’objet effectué, amené à l’existence au terme du procès, et l’objet affecté, préexistant au procès, mais modifié au cours de celui-ci. Cette bipartition est toutefois trop fruste, comme le montrent bien Blinkenberg (1969) ou Riegel et al. (19995 : 218) mettant en évidence combien large est l’éventail des relations contractées entre l’objet et le verbe.

D’autres approches font appel au cas, soit à la typologie issue de la grammaire classique, opposant l’accusatif tant au nominatif, associé au sujet, qu’au datif, soit à l’approche des cas initiée par Fillmore : le cas ou rôle de thème, aux contours peu clairs et peut-être à considérer comme une étiquette attribuée par défaut, est généralement appliqué au complément d’objet direct dans le cas des groupes à référent non humain, celui de patient dans le cas des groupes à référent humain, sauf dans le cas des verbes dit psychologiques, comme amuser où l’objet remplirait le rôle d’expérienceur.

- Les difficultés rencontrées par les diverses approches qui tentent de caractériser de manière directe l’apport du complément d’objet direct ont mené à la formulation d’une approche différentielle. Elle pose que le rôle porté par le complément d’objet direct est plus bas dans la hiérarchie d’agentivité que celui porté par les autres groupes nominaux arguments du verbe (cf. Hopper & Thompson 1980). 

- Le fait que le complément d’objet direct est doté de propriétés sémantiques et cognitives propres implique, quelle que soit la caractérisation adoptée, que celui-ci est doté de propriétés référentielles et qu’il est dès lors autonome par rapport au verbe, quoiqu’étroitement lié à ce dernier.

Cet ensemble complexe de propriétés et de critères ne permet pas un découpage univoque des faits observables, mais il constitue toutefois plutôt un faisceau, convergent dans les cas prototypiques, mais divergent dans les cas plus périphériques.

Pour les propriétés de reformulation, ceci a été remarqué dans l’abondante littérature portant sur les restrictions imposées à la passivation (voir Gaatone 1998 ; Leclère 1993 et déjà Gross 1969) :

* Le livre est eu.
* Quatre parties sont comportées par le livre.

La variation s’observe cependant à tous les niveaux (voir 3.1.4. pour une présentation plus systématique). En outre, certaines de ces propriétés valent également d’une part pour l’attribut – comme il a été signalé plus haut – et pour le groupe nominal postposé au verbe dans les constructions impersonnelles, la séquence (ibid.).

L’absence de convergence a inspiré un certain scepticisme quant à l’utilité de la notion de complément d’objet direct (v. Gross 1969) qui reste toutefois présente dans les analyses courantes des constructions verbales.


1.2. Problèmes terminologiques

Le terme complément d’objet direct, issu de la tradition grammaticale française, en particulier de la grammaire scolaire fixée sur les problèmes de l’accord, est d’un usage courant. La portée des termes est toutefois à préciser. La tradition grammaticale utilise complément indifféremment pour les constituants essentiels, tel le complément d’objet direct, et non essentiels, comme les compléments circonstanciels, alors que les usages plus récents, par exemple la GGF (Abeillé Godard 2021), réservent le terme complément aux premiers. Cette interprétation restrictive permet un découpage plus clair des données, encore qu’il existe des cas limite, en particulier pour les compléments introduits par une préposition.

L’adjectif direct peut porter soit sur complément soit sur objet, selon que l’accent est mis sur la construction ou sur les dimensions sémantiques. L’usage du terme objet évoque le caractère nominal du constituant ; le recours à l’adjectif nominal au lieu d’objet permet de mettre l’accent sur la nature catégorielle.

L’on observe des variantes qui proposent une formule plus brève :

- Objet ou objet direct, conformément à l’usage dans la description de langues comme l’anglais ; le terme objet perd dans ce cas sa connotation sémantique, mais met l’accent sur l’opposition avec le sujet.

- Complément direct ou complément nominal direct, qui privilégient la dimension formelle, présupposant toutefois une distinction terminologique entre les compléments et les ajouts et dont le dernier terme met l’accent sur la catégorisation syntaxique. Le terme de complément direct reçoit dans certaines sources, dont la GGF (Abeillé Godard 2021) une portée plus large, qui inclut entre autres les compléments dits de mesure. La position adoptée (Abeillé Godard  2021 : tableau II-12) n’est pas tout à fait claire ; les critères de la construction directe et de la pronominalisation par le, la, les ne convergent pas toujours ; ainsi cher ou davantage sont interprétés comme compléments directs, vu leur construction, mais ils ne se laissent pas pronominaliser (voir Abeillé Godard 2021 : 149).

À partir du XVIIIe siècle, le terme de complément s’est imposé progressivement face à régime du verbe, quoique ce dernier continue à être en usage dans certaines descriptions, par exemple Blanche-Benveniste et al. (1984). Pour l’histoire de la terminologie, on verra e.a. Bouard (2007) et déjà Chevalier (1968). 


1.3. Cadres théoriques et approches

Le recours au terme de complément d’objet direct oriente l’analyse vers une approche des constructions verbales dans le cadre de la transitivité et caractérisée par trois propriétés cruciales :

- l’opposition entre les arguments du verbe et les ajouts  ;

- une stratification des arguments qui situe en premier lieu le sujet sur un plan supérieur et qui suggère en second lieu un lien plus étroit entre le complément d’objet direct et les autres arguments ;

- une analyse qui s’appuie principalement sur les formes et constructions et envisage les aspects sémantiques, pragmatiques et discursifs dans leur prolongement.

Cette approche peut s’inscrire dans divers cadres théoriques ; elle relève en premier lieu de la tradition grammaticale française et de la pratique descriptive, mais diverses approches formelles la reprennent également. 

Les trois propriétés retenues permettent de clarifier certaines oppositions quant aux cadres théoriques pour l’analyse des constructions verbales.

- Faire l’impasse sur la distinction entre arguments et ajouts tout en maintenant la forme comme point de départ peut être lié à une approche comparative ou typologique en vue de mettre en évidence les découpages et regroupements que les langues opèrent et leurs corrélations sémantiques ; dans ce cadre, le recours au terme accusatif issu de la tradition gréco-latine semble approprié (voir par ex. Butt 2006). Il convient, dans ce contexte, de mentionner que la paire accusatif / ergatif est utilisée en typologie linguistique pour marquer le contraste entre les langues dites ergatives dans lesquelles le sujet du verbe intransitif et le complément direct du verbe transitif portent les mêmes marques, et les langues accusatives qui donnent les mêmes marques au sujet, quel que soit le type de verbe, et l’opposent ainsi au complément d’objet (voir e.a. Givón 2001).

- Le recours au terme actant, proposé  par Tesnière (1959)  et lié à la notion de valence verbale implique, en principe, une approche non-stratifiée dans laquelle tous les arguments du verbe occupent le même rang et ne se distinguent que par leur ordre (prime, second, tiers actants).  La notation N1, habituelle dans les travaux relevant du lexique-grammaire, qui se veut descriptive, faisant l’impasse sur les caractérisations théoriques, occupe en quelque sorte une position intermédiaire : N1 est l’équivalent du complément d’objet direct, alors que N0 correspond au sujet ; les deux sont donc rapprochés, mais la notation N0 situe ce dernier hors de la série des constituants ordonnés.

- Dans une troisième approche, typique de la grammaire à orientation cognitive, les rôles exprimés servent de point de départ ; la perspective s’inverse, allant du signifié à la forme signifiante. La grammaire des constructions au contraire part du schéma formel dont elle dégage les propriétés sémantiques et cognitives (Legallois 2022).

Si les différentes approches évoquées ci-dessus adoptent des stratégies distinctes, il faut souligner que la littérature grammaticale utilise régulièrement les termes comme des étiquettes, sans implication théorique. Cela est non seulement le cas de complément d’objet direct et de ses variantes, mais aussi d’actant, valence, cas ou rôle ; le chapitre Valence de la GGF (Abeillé Godard 2021) en témoigne.


1. Liens avec d'autres fonctions et phénomènes

Les sections précédentes montrent que la notion de complément d’objet direct entre dans un réseau complexe de notions relatives aux constituants de la phrase et au verbe comme terme recteur, dont complément, attribut, sujet, actant, circonstant, ajout, mais aussi transitivité, valence, cas, rôle.

Le complément d’objet direct est également pertinent pour les descriptions de la phrase élémentaire et pour l’ordre des constituants majeurs, ainsi que pour celle de la variation que connaissent les constructions du verbe, passif et pronominal en particulier.

La structuration de l‘information, notamment l’opposition thème/rhème y fait également référence.

Enfin, le phénomène morpho-syntaxique de l’accord grammatical exploite la notion de complément d’objet direct.



2. Ouvrages incontournables



2.1. Linguistique française

Blinkenberg A. (1960), Le problème de la transitivité en français moderne, essai syntactico-sémantique, Copenhague, Munksgaard.

Gross M. (1969), « Remarques sur la notion d’objet direct en français », Langue française 1 : 63-73.

Larjavaara M. (2019), La transitivité verbale en français, Paris, Ophrys.

Melis L. (2008), « Continu et discontinu en syntaxe. Pistes et stratégies » in Van Raemdonck D. (dir.) La syntaxe à l’aube du XXIe siècle, Bruxelles, P. Lang : 113-131.

Rothemberg M. (1974), Les verbes à la fois transitifs et intransitifs en français contemporain, The Hague, Mouton.

Willems D. (1981), Syntaxe, lexique, sémantique. Les constructions verbales, Gent, Rijksuniversiteit te Gent.

Willems D. & L. Melis éds (1997), Les objets : relations grammaticales et rôles sémantiques, Travaux de linguistique 35.


2.2. Linguistique générale

Dowty D. (1991), « Thematic proto-roles and argument selection », Language 67 : 547-619.

Givón T. (2001), Syntax, An introduction, Amsterdam, John Benjamins.

Hopper P & Thompson S. (1980), « Transitivity in grammar and discourse », Language 56: 251-299.

Lazard G. (1994), L’actance, Presses Universitaires de France, Paris.

Næss A. (2007), Prototypical transitivity, John Benjamins, Amsterdam



3. Analyses



3.1. Analyses syntaxiques

Cette section reprend et discute les propriétés syntaxiques fondamentales du COD. Elle met en particulier l’accent sur le découpage inégal des données en fonction des paramètres retenus. Elle se clôt par un aperçu de la constellation ainsi formée.


3.1.1. La place du complément d’objet direct

Le complément d’objet direct, excepté s’il prend la forme d’un clitique personnel ou relatif-interrogatif, occupe, sauf conditions discursives spécifiques, une position dans la zone postverbale :

Elle a légué sa collection de monnaies à Françoise.
Elle a légué à Françoise sa collection de monnaies.

Voir Thuilier (2012) pour une étude d’ensemble de l’ordre des constituants. L’ordre des divers compléments, directs et indirects, est d’une part déterminé par la hiérarchie rhématique, comme dans la paire d’exemples ci-dessus, et d’autre part par le poids syntagmatique :

Elle a dit à sa famille et à ses amis proches de venir tôt.
Il a demandé aux voisins de réduire le volume de leur télévision.
Il a demandé d’être présents à la réunion non seulement aux membres du comité, mais aussi aux suppléants et à tous les experts qui ont été consultés.

Le dernier exemple montre que les deux facteurs se combinent aisément.

Certains pronoms, tels tout ou rien, apparaissent en position préverbale quand ils fonctionnent comme COD d’une forme non tensée :

Elle a tout oublié ; elle ne doit rien rendre.

Le complément (ou le premier des compléments) peut être séparé du verbe par divers éléments accessoires :

- Le deuxième terme de la négation ou de la restriction :

Il ne voit pas la solution.
Il n’a pas vu que Jeanne était partie.

- Un adjoint à la phrase qui n’est pas dans la portée de la négation ou de la restriction et qui la précède le cas échéant :

Il ne voit heureusement pas le gâchis.

- Un adjoint interne à la prédication et qui suit l’éventuelle négation ou restriction :

Elle analyse intelligemment les textes au concours.
Elle n’écarte pas brutalement les objections, mais y répond avec finesse.

Dans des conditions énonciatives spécifiques, le complément d’objet direct peut occuper la position initiale de l’énoncé :

Ces chocolats j’aime / j’aime pas du tout.
Ce genre de chocolats, j’adore.

Cette structure marquée, qui s’observe surtout avec certains verbes, est caractérisée par un schéma prosodique particulier et par une distribution atypique de l’information : le complément constitue le foyer du message et ce qui suit est un rappel d’informations déjà présentes dans le contexte discursif ou interactif (Sabio 2006). Elle s’oppose dès lors au schéma avec dislocation (voir la  Notice  Constructions disloquées), qui implique la distribution inverse des informations :

Marie, je ne l’ai pas vue.


3.1.2. Les conditions d’absence du complément d’objet direct

Quoique le COD soit comme argument un constituant fondamental de la construction verbale, il peut être omis (voir aussi Larjavaara 2000 et 2019, chap. II). Il y a lieu de distinguer divers cas.

(a) Le complément est absent, mais récupérable dans le contexte antérieur ou dans la situation ; on pourrait dire qu’il est réalisé sur le mode de l’anaphore zéro :

Il prend le verre d’eau que le garçon lui tend et boit (avec avidité).

Ce type d’absence est très courant, mais ne fonctionne pas avec tous les verbes :

Le garçon aperçoit les verres vides et les enlève.
*Le garçon aperçoit les verres vides et enlève.

(b) Le verbe est en emploi absolu et le complément d’objet direct fonctionne avec une référence généralisable :

Il faut boire quand on mange du pain.
Il ne faut pas boire quand on mange des plats trop pimentés, mais y ajouter du riz.

La réalisation implicite du COD peut être mise en évidence par deux tests présentés par Noailly (1997) :

- la question quoi ?  peut porter sur le COD :

– Il faut boire quand on mange du pain.
– Quoi ?
– De l’eau ou une boisson chaude.

- il peut être repris, fonctionnant dès lors comme point de départ d’une relation anaphorique  :

Il faut boire quand on mange du pain. Ce que tu bois n’a pas grande importance.

- un COD absent admet en plus la coordination contrastive :

Quand il fait chaud, il faut boire, mais pas n’importe quoi.

L’emploi absolu peut avoir un effet sur le mode d’action, faisant passer le verbe d’un emploi télique à un emploi non télique :

Il peint la porte. *Il peint la porte en une heure / *pendant une semaine.
Il peint. *Il peint pendant une semaine / *en une heure .

Le changement de mode d’action peut, selon les cas, résulter en une interprétation durative ou itérative.

(c) L’absence de COD peut, sous certaines conditions énonciatives et culturelles, donner lieu à un effet de sens spécifique ; la référence du complément implicite est dès lors particularisée, même s’il subsiste un effet de généralisation :

Hélas, Tiburce boit.
(à propos d’une personne dont le comportement inquiète)
Est-ce que Tiburce boit ?

Que fait-il à l'académie? Justin peint.

Les tests de Noailly sont également d’application dans ce type d’emploi. Mais, les deux types d’absence ne peuvent pas être confondues, comme il ressort des rapports avec les noms dérivés des verbes et qui réfèrent à une condition acquise ou reconnue. Des emplois sous (c) l’on peut en effet conclure que Tiburce est un alcoolique et Justin un peintre ; de telles implications ne découlent pas des énoncés sous (b).

Il y a lieu de distinguer les emplois de verbes avec complément implicite ou récupérable dans le contexte qui sont des emplois transitifs des emplois intransitifs des mêmes verbes :

Pierre glisse la table vers la fenêtre.
La table glisse.
Pierre glisse.

Le résultat négatif de l’application des tests de Noailly aux deux derniers exemples montre bien que glisser est, dans ces cas, employé sans complément et donc intransitif. La différence de sens est par ailleurs évidente ; dans le premier cas, l’interprétation est causative, ce qui n’est pas le cas des deux derniers (v. aussi 3.1.3 et 3.2.2 ).


3.1.3. Les schémas de construction

Le complément d’objet direct apparaît dans un ensemble diversifié de constructions. Celles-ci ont été répertoriées dans divers inventaires ; on notera en particulier Busse (1974) ainsi que le dictionnaire associé de Busse et Dubost (1977), Willems (1981), les travaux du LADL (Gross 1975 ; Boons, Guillet, Leclère 1976 et les tables du LADL :  >Document  ), ainsi que les inventaires de Florea et Fuchs (20232), de Dubois et Dubois-Charlier (1997) et du Dicovalence (  >Document  ). Ces répertoires ne coïncident pas dans le détail : l’inventaire des verbes, les propriétés retenues, les rapprochements entre constructions, les informations d’ordre sémantique, ainsi que les systèmes de notation varient.

Afin d’offrir une voie d’entrée pour la consultation des inventaires plus complexes et de proposer une vue d’ensemble des possibilités, la notice propose deux typologies : en premier lieu des constructions élémentaires comportant le verbe et ses arguments et en second lieu les alternances dans lesquelles elles peuvent fonctionner. Les reformulations seront traitées en 3.1.4. 

3.1.3.1.Typologie des constructions élémentaires

• il V COD (COI datif)

Cette construction est rare ; falloir est le seul verbe bien attesté ; un second complément indirect ou datif est possible .

Il faut du temps.
Il (me) faut une nouvelle serviette.

• Sujet V COD

Cette construction est la construction prototypique du complément d’objet direct ; elle sert d’étalon pour définir la transitivité verbale. La classe est très fournie et elle peut être subdivisée selon divers paramètres, tels la catégorie du complément – groupe nominal, pronom, infinitif, que-phrase, interrogative indirecte, - le caractère obligatoire ou non et la compatibilité avec les reformulations :

Pierre veut le livre / partir / que tu viennes.
Il feint de quitter la pièce.
Françoise mange un éclair au chocolat.

Cette tour recèle un mystère. *Cette tour recèle.
Jérôme dessine un mouton. Jérôme dessine.
Julie achète la maison. La maison a été achetée (par Julie).
Jules possède cette maison. *Cette maison est possédée (par Jules).

• Sujet V COD COI datif

Cette construction trivalente combine un complément d’objet direct et un complément indirect introduit par à et pronominalisable par lui ou leur. La classe de verbes, dont le cœur est constitué par les verbes de donation et de dire, peut être subdivisée en fonction du caractère facultatif d’un des compléments, ainsi qu’en fonction de la catégorie du complément direct.

 On lui a intimé l’ordre de quitter le domicile.
*On a intimé l’ordre de quitter le domicile.
*On lui a intimé.
*On a intimé.

La police interdit le passage aux cyclistes.
La police interdit le passage.
*La police interdit aux cyclistes.
*La police interdit.

Justin jure de dire la vérité aux enquêteurs.
Justin jure de dire la vérité.
*Justin jure aux enquêteurs.
Justin jure.

Pierre donne ses livres à son frère.
Pierre donne ses livres.
Pierre donne aux pauvres.
Pierre donne volontiers.

Le commissaire demande aux agents  un rapport.
   de rédiger un rapport en termes clairs.
   qu'ils rédigent leur rapport le jour même.
Il déconseille aux voisins  ce voyage.
   de partir en voyage.
   *qu'ils partent en voyage.
Il lui procure  un emploi chez lui.
   *de travailler chez lui.
   *qu'il travaille chez lui.

• Sujet V COD Complément prépositionnel

Outre la construction trivalente dont le second terme est un datif, le complément d’objet direct peut être combiné à un complément introduit par une préposition. Diverses prépositions s’observent, outre à (non pronominalisable par lui) et de, par exemple en et sur :

à  Il l’astreint à des travaux répétitifs.
de  Il l'adjure de l'aider.
en  On a transformé la maison en trois appartements.
sur  Le chercheur base son argument sur des observations très fines.

• Sujet V COD CAdv

Le complément d’objet direct se combine également avec un complément qui relève d’un paradigme adverbial . Le cas le plus fréquent est celui des verbes de mouvement et de position qui construisent un complément de lieu, mais on trouve également, quoique sporadiquement, des verbes construisant un complément temporel ou un complément alternant avec combien ou comment.

Elle a fourré les documents dans un tiroir secret.
Il a envoyé Marie à la campagne / acheter du pain.
Il a rappelé son frère de Rome.

Les experts datent ce manuscrit du onzième siècle.

La salle de vente a estimé ce tableau vingt mille euros.
Elle a qualifié ce texte de chef d’œuvre.

Constructions à trois compléments

L’existence de constructions à trois compléments est controversée ; leur reconnaissance dépend foncièrement de décisions théoriques quant à la notion de valence ou de dépendance d’un constituant par rapport au verbe lexical. Il suffit de mentionner ici un cas comme traduire :

Sophie a traduit le poème du polonais en espagnol.

Dans tous les cas, le COD forme avec le verbe une première unité à laquelle vient s’ajouter le complément additionnel, comme le montrent la variation des contraintes sur le sujet dans la paire suivante :

Un ambassadeur représente son pays.
Les Ballets S. représentent Gisèle (ce soir).

3.1.3.2. Typologie des alternances entre constructions

La typologie sommaire des constructions dans lesquelles peut figurer un COD met l’accent sur chaque construction prise en elle-même et permet de saisir quelques paramètres de variation, tels la catégorie du complément et son caractère obligatoire ou non. Si bon nombre de verbes ne connaissent qu’une seule construction, d’autres disposent d’un ensemble plus large d’emplois, partageant une forme de stabilité sémantique (voir aussi 3.2.). Il est utile de distinguer deux groupes d’alternances, celles qui maintiennent constant le nombre de positions, mais modifient soit la construction, soit la distribution des termes et celles qui impliquent un nombre variable de positions.

Alternances conservant le nombre de positions

Le premier groupe d’alternances se caractérise par la constance du nombre de positions et par le fait que le même terme peut figurer soit dans une construction à complément direct, soit dans une construction indirecte, prépositionnelle  :

Discuter le projet / du projet
Gloser le texte / sur le texte
Atteindre le but / au but
Fouiller le tiroir / dans le tiroir
Fuir l’ennemi / devant l’ennemi.
Habiter le quartier / dans le quartier.

Quelles que soient les différences entre les verbes et les contrastes sémantiques liés aux alternances (cf. 3.2.3.), on notera régulièrement une opposition entre la construction directe et la construction indirecte dans des énoncés complexes impliquant un contraste:

Ils ont discuté du projet, mais n’ont pas discuté le projet.
!* Ils ont discuté le projet, mais n’ont pas discuté du projet.

Les policiers ont fouillé dans le placard, mais pas dans tous les recoins. 
!* Les policiers ont fouillé le placard, mais pas tous les recoins.

Dans le second cas, deux positions de complément sont impliquées dont l’une est celle du COD ; l’alternance consiste à permuter les groupes comme dans

Servir quelqu’un de vin / du vin à quelqu’un
Les fournir en vin / leur fournir du vin
Planter le champ de salades / des salades dans le champ
Dégager le bureau de papiers / les papiers du bureau

Ici, comme dans le cas précédent, on observe un contraste entre les constructions directe et indirecte dans le cas d’un énoncé complexe impliquant une opposition ; on comparera à cet effet :

!* Il a planté le champ de salades, mais il y a encore de la place pour des choux.
Il a planté des salades dans le champ, mais il y a encore de la place pour des choux.

Une permutation analogue impliquant le sujet et une position postverbale apparaît plus sporadiquement, par exemple avec loger :

L’aile droite du bâtiment loge de jeunes réfugiés.
De jeunes réfugiés logent dans l’aile droite du bâtiment.

Alternances impliquant une modification du nombre de positions

Trois types d’alternance peuvent être distinguées dans cette rubrique : les alternances mettant en jeu la position de sujet ; les alternances qui impliquent le COD et un terme de construction prépositionnelle ; les alternances qui, dans la construction brève, unifient les informations véhiculées par les deux termes dans la version longue.

Le premier type est bien connu depuis les travaux de Rothemberg (1974) ; il s’agit des verbes à renversement : le sujet de la version brève, avec verbe intransitif, correspond au COD de la construction longue, avec verbe transitif ; ce dernier fonctionne comme causatif de la version brève :

Cela enfle sa joue. Sa joue enfle.
Il gonfle le ballon. Le ballon gonfle.

Le second type se caractérise, dans la version longue, par la présence de deux compléments, un COD et un complément indirect ; la version brève est caractérisée par l’élimination du terme qui remplissait la position de COD dans la version longue tandis que le terme introduit par une préposition remplit dans la version brève la position du COD :

On lui a escroqué cette somme. On l'a escroqué.
Tu perces un trou dans la porte. Tu perces la porte.
Elle fauche les blés dans les champs. Elle fauche les champs.
Il essuie l'eau de la table du salon. Il essuie la table du salon.

Le COD de la version longue a été en quelque sorte incorporé au verbe ; les informations qu’il véhicule sont, tout ou au moins en ce qui concerne la catégorie générale à laquelle elles appartiennent, récupérables, soit de manière systématique, soit à partir du contexte.

Le troisième type d’alternance concerne également des verbes disposant d’une construction longue – COD et complément prépositionnel introduit par à ou avec – et d’une construction brève. La construction longue est caractérisée par le fait que les deux positions de complément sont saturées par des termes appartenant à la même catégorie ; la construction brève présente ces mêmes termes sous la forme d’une coordination :

Il attache celui-ci à celui-là. Il attache ceux-ci.
Il oppose Jean à Marie. Il oppose Jean et Marie.
Il compare Jean à / avec Marie. Il compare Jean et Marie.
Il confond Jean avec Pierre. Il confond Jean et Pierre.

La construction à trois termes permet de distinguer l’étalon du procès, introduit par une préposition, du terme qui est mis en relation avec cet étalon, le COD. Cette distinction est absente dans le cas de la construction avec coordination.

Les configurations présentées dans cette section concernent toutes le COD et les alternances mettant en rapport deux constructions. Cette représentation des phénomènes est limitative, d’une part parce que les alternances concernent également les autres positions fonctionnelles et d’autre part parce que des chaînes bien plus complexes peuvent être constituées. Ceci est le cas du verbe loger, exemplifié plus haut :

On peut loger deux cents personnes dans cet hôtel.
Deux cents personnes peuvent loger dans cet hôtel.
Cet hôtel peut loger deux cents personnes.

mais aussi de débarquer ou de suppléer :

On débarque les passagers du navire.
Les passagers débarquent du navire.
Le navire débarque les passagers.

Justin supplée la gravure par ce procédé.
Justin supplée à la gravure par ce procédé.
Ce procédé supplée la gravure.
Ce procédé supplée à la gravure.

Chacun de ces réseaux peut toutefois être analysé comme une combinaison d’alternances élémentaires.


3.1.4. La variabilité des propriétés de reformulation

Le COD est typiquement associé à deux reformulations : la reformulation passive personnelle être suivi du participe passé’ et l’ensemble des constructions pronominales qui peuvent être mises en relation avec la construction du même verbe suivi d’un COD . Deux autres types de reformulation sont attestés : les constructions causatives du type faire + infinitif et laisser + infinitif et les constructions comportant à infinitif : GN être ADJ à Vinf ; GN (être) à Vinf ; il y a GN à Vinf.

Tant la reformulation passive personnelle que la reformulation pronominale peuvent être caractérisées comme une promotion du COD en position de sujet ou comme le second membre d’une alternance dont le premier est une construction verbale transitive :

GN0 – V – GN1 ↔ GN1  être  Vpp
GN0 – V – GN1 ↔ GN1  se V

La présence d’un COD dans le schéma de sous-catégorisation verbale est dès lors une condition nécessaire , même si elle ne constitue pas une condition suffisante. Cette  même condition vaut aussi pour les reformulations de la famille GN à Vinf, alors que dans le cas de la construction causative, le COD de l’infinitif monte en quelque sorte pour s’attacher au verbe recteur  :

L’enseignante fait lire ce roman (aux élèves).
L’enseignante le fait lire (aux élèves).

Que la présence d’un COD ne constitue pas une condition suffisante est bien connu ; un verbe comme avoir est systématiquement avancé comme contre-exemple, mais il n’est pas la seule exception, comme le montrent Gaatone (1998) pour le passif périphrastique et Melis (1990) pour la reformulation pronominale. Ces contraintes semblent être de trois ordres : elles relèvent des propriétés syntaxiques et /ou sémantiques du verbe ou encore de la lexicalisation de la construction. Elles sont, en plus, semblables, mais non identiques pour les diverses reformulations considérées ; en outre, l’on observe des contraintes lexicales idiosyncratiques.

Les propriétés syntaxiques centrales sont, outre la contrainte de sous-catégorisation déjà mentionnée, d’une part  l’appartenance du GN, dans la construction V GN, au paradigme nominal des pronoms le, la, les et d’autre part l’incompatibilité des reformulations avec certaines constructions syntaxiques.

L’absence de sous-catégorisation bloque ainsi les reformulations de verbes transparents ou semi-auxiliaires :

*Répondre a été daigné (par le président) ; Venir a été dû / osé / pu.
*Répondre se daigne / venir se doit, s’ose, se peut.

Les résultats sont également négatifs quand le GN n’entre pas dans le paradigme pronominal requis  :

*Quant à ce livre, deux cents grammes sont pesés / se pèsent.
*Chiffons ont été discutés. Chiffons se discutent.

Le troisième type de contrainte a trait aux constructions verbales. Ainsi, trois constructions bloquent la reformulation passive : la construction pronominale, la construction impersonnelle et la construction faire + infinitif + GN.

Ils se rappellent le voyage en Italie. *Le voyage en Italie s’est rappelé.
Elle s'arroge tous les privilèges. *Tous les privilèges se sont arrogés.
Il lui fau un temps de réflexion. *Un temps de réflexion lui est fallu.
Il pleut des roses / des reproches. *Des roses / reproches sont plu(e)s.
Il (lui) fait manger le gâteau. *Le gâteau (lui) a été fait manger.

De même certaines constructions sont réfractaires à la reformulation pronominale : le passif périphrastique, vu l’absence de terme postverbal, et la construction impersonnelle.

*Il se pleut des roses.

L’exclusion des deux reformulations avec les verbes métrologiques – tels compter, peser, dépasser – est liée au statut du complément qui est de catégorie adverbiale, mais est corrélative des propriétés sémantiques des verbes concernés. On peut en rapprocher contenir qui offre également une appréciation quantitative ou encore valoir :

Ce stade contient 40.000 places. *40.000 places y sont contenues.
  *40.000 places s'y contiennent.
Cela vaut un effort particulier. *Il y a un effort particulier à valoir.

Les reformulations sont également exclues au cas où le GN postverbal offre une appréciation qualitative, ce qui est le cas des verbes olfactifs comme sentir :

Ce produit sent / pue la lavande. *La lavande est sentie / puée.
  (à propos de ce produit) *La lavande se sent.

Aux cas de caractérisation, il convient d’ajouter le cas des verbes qui expriment une relation du tout (le sujet) aux parties constituantes (le GN) :

Cet ouvrage comporte quatre chapitres.
*Quatre chapitres sont comportés par cet ouvrage / se comportent.

La relation inverse ne donne pas lieu à la même contrainte :

Quatre chapitres fort longs constituent le cœur de l’ouvrage.
Le cœur de l’ouvrage est constitué de quatre chapitres fort longs.
Le cœur de l’ouvrage se constitue de quatre chapitres.

Il est tentant de rapprocher du groupe indiquant un rapport de composition un verbe comme avoir qui n’entre pas dans la reformulation passive à moins qu’il ne signifie ‘se faire attraper’ ; la relation du complément au sujet est en effet analogue à celle des parties ou caractéristiques au tout englobant.

Une girafe a deux petits ossicônes.
Pierre a deux maisons / peu de patience / un travail intéressant.

Enfin, un certain nombre de verbes au sémantisme locatif qui signifient un contact semblent rétifs au passif périphrastique (Gaatone 1998 : 100-101), alors que la reformulation pronominale donne lieu à un tableau plus nuancé, vu qu’un pluriel complexe est possible :

La maison touche l’église
*L’église est touchée par la maison. *L’église se touche.
La maison et l’église se touchent.

Ici encore l’inversion du rapport entre le tout – réalisé comme point de repère en position de sujet – et la partie, le repéré, pourrait être évoquée comme explication.

Comme le signale déjà Leclère (1993), le sens figuré bloque parfois la reformulation passive, tout comme la reformulation pronominale :

Ce papier craint la lumière.
*La lumière est crainte par/de ce papier. *La lumière se craint.

Cette plante n’aime pas le vent du Nord.
*Le vent du Nord n’est pas aimé de / par cette plante.
*Le vent du Nord ne s’aime pas.

Il n’est toutefois pas possible de rendre compte de toutes les exclusions sur la base de contraintes sémantiques qui peuvent être complexes ; ceci est entre autres le cas de certains emplois de regarder :

*Le ministre est regardé par ce problème. *Le ministre se regarde.
*La mer est regardée par cette maison *La mer se regarde.

Il faut donc admettre qu’il existe des restrictions lexicales idiosyncratiques. Pour les rapports des verbes de perception avec le passif, voir Willems (2000).

L’existence de contraintes diverses portant sur les reformulations montre que celles-ci ne peuvent être considérées comme de simples variantes de la construction active, qui fonctionne comme modèle pour l’établissement du schéma de sous-catégorisation, tout en confirmant le rôle crucial du COD. La diversité des contraintes ainsi que l’existence d’observations qui ne peuvent être rapportées de manière simple à des principes plus généraux illustre de manière fort claire la complexité des interactions entre les diverses constructions d’une part et le lexique verbal d’autre part, interaction qui fait par ailleurs intervenir des facteurs contextuels et énonciatifs.


3.1.5. Les marges du COD

Les reformulations ne sont pas distribuées de manière uniforme sur le lexique verbal qui admet un COD ; leur distribution est donc sujette à variation. De tels phénomènes s’observent pour les autres caractéristiques fondamentales. Une description quelque peu plus détaillée montre que les propriétés retenues pour définir le COD n’aboutissent pas à un découpage univoque, mais font, au contraire, apparaître un continuum, qui permet, par ailleurs, d’établir des ponts avec d’autres fonctions. Ce dernier est structuré selon divers axes : outre les paramètres déjà évoqués dans les sections précédentes – les réseaux de constructions alternantes et les reformulations – il s’agit des propriétés de codage et des propriétés catégorielles du GN, de la sous-catégorisation et du lien avec le verbe, tout comme de l’interface entre la syntaxe et le rôle sémantique.

3.1.5.1. Les propriétés de codage 

Dans deux séries d’emplois, le GN de construction directe régi par le verbe n’alterne pas avec les pronoms clitiques qui fonctionnent comme indices majeurs pour la reconnaissance du COD .

La première série peut être illustrée par le complément des verbes olfactifs dans la configuration où le sujet est la source d’une senteur que le complément, facultatif, permet d’identifier :

Ce savon sent la lavande.
*Ce savon la sent.

D’autres verbes apparaissent dans des configurations semblables, mais cette fois avec un GN obligatoire :

Zosime fait le pitre / la bête.
Le tourisme représente un secteur économique crucial.

Dans les trois cas, il offre une caractérisation du sujet ; Damourette et Pichon (1911-1940) proposent de l’analyser comme une ‘prisance’ ce qui situe ce GN sur une clinée qui relie d’une part ce qui est habituellement nommé COD et d’autre part l’attribut du sujet.

La seconde série regroupe autour des verbes métrologiques un ensemble de cas dans lesquels le GN postverbal complément du verbe n’entre pas dans le paradigme des pronoms personnels et n’est donc pas un COD, mais manifeste certaines caractéristiques adverbiales  :

Cela coûte / vaut vingt francs.
La réunion durera deux jours.
Ce livre mesure vingt-huit centimètres et pèse six cents grammes.

Certains emplois des verbes de mouvement relèvent également de ce type :

Il court / descend / marche / recule / est sorti vingt mètres.
Il court les bois et les champs.
La rigole descend la rue. * La rigole la descend.  

Si le GN contient un quantifieur, il commute avec autant ou combien ? utilisés sans en.  Dans les divers cas, le GN offre une quantification du sujet, soit directement, soit par le biais du trajet parcouru.

3.1.5.2. Le COD non sous-catégorisé se combinant à un verbe intransitif

Un COD typique est un argument sous-catégorisé par le verbe, qui est de ce fait un verbe transitif. Il existe toutefois  au moins trois types de cas où un constituant possède les propriétés syntaxiques de l’objet, sans toutefois être sous-catégorisé : soit qu’il accompagne un verbe réputé intransitif  qui en discours accède à un emploi transitif, soit qu’il  fasse partie  d’un verbe construit et perde dès lors son autonomie.

Le premier cas est illustré par des verbes de ‘bruit’ 

Le chien aboie. Le corbeau croasse.
L’entraîneur a aboyé un ordre.
La vieille chipie a croassé « Julie ne veut voir personne ! ».

et par des verbes d’activité qui possèdent la propriété N1 = Vn signalée par Boons, Guillet et Leclère (1976), et qui sont analysés par Willems (1977) :

Les enfants dansent.
Les enfants dansent le menuet.
Les enfants nagent.
Les enfants nagent la brasse.

Dans leur version transitive ces verbes construisent un COD qui possèdent toutes les propriétés attendues. Le verbe reste toutefois intransitif en l’absence d’un complément. Ceci peut être mis en évidence à l’aide d’un raisonnement par l’absurde ; si aboyer, danser et nager étaient des verbes transitifs dans ce type d’emploi, les occurrences sans complément devraient soit manifester le phénomène d’anaphore zéro avec dans le contexte antérieur immédiat un groupe nominal saturant la position d’objet, soit posséder les propriétés d’un verbe en emploi absolu et dès lors répondre aux critères de Noailly (1997) : la question quoi ? portant sur l’actant nullifié et la reprise anaphorique de celui-ci. Or, dans le cas des verbes de bruit (cf. supra), il n’en est rien, tant pour l’anaphore zéro que pour la reprise enchaînant sur l’emploi absolu :

Un message publicitaire éclate dans l’après-midi silencieuse ; le chien aboie.
*Le chien aboie ; ce qu’il aboie a l’air menaçant.

Le cas de verbes comme danser ou nager est plus complexe. Un exemple tel que

Le menuet / la brasse était au programme de la matinée. Jean a dansé / nagé, mais il n’a pas dansé / nagé le menuet / la brasse.

montre que le verbe n’est pas accompagné d’un COD zéro lié par anaphore au contexte antérieur. Dans cet énoncé complexe, le verbe semble fonctionner selon deux modes : dans le premier emploi, il fonctionne comme un verbe d’activité sans complément, alors que dans le second il fonctionne comme verbe transitif. Cette double possibilité est confirmée par le contraste entre les groupes de séquences ci-dessous ; dans le premier groupe,

! – Ma mère a été courir / nager. – Quoi ?
! – Mon père danse. – Que danse-t-il ? / Quel genre de danse ?
   – Non, rien/ aucun genre, il danse tout simplement.

le verbe évoque une activité non structurée en sous-types et il est employé sans COD, alors que dans le second groupe, où une activité plus structurée impliquant un choix entre diverses options,

La brasse est au programme aujourd’hui ; les finalistes nagent à 17 h.

l’anaphore zéro est possible, ce qui implique un COD non exprimé.

On observera que les verbes de bruit, tels aboyer ou croasser, subissent dans leur emploi transitif une triple modification : ils connaissent un glissement de sens de ‘produire un bruit’ à ‘passer un message’, construisent corrélativement une complétive, et admettent parallèlement un élargissement des contraintes sur le sujet, vu qu’un agent animé est possible dans ce cas. Les verbes d’activité pour leur part se caractérisent par une forme de transitivité occasionnelle qui précise, restreint et explicite l’activité déjà contenue dans le verbe.

Dans les deux cas, la construction V COD, disponible en langue, vient se greffer sur un verbe lexical intransitif, ce qui montre que ces deux composantes étroitement liées par la sous-catégorisation peuvent opérer séparément.

La seconde série de cas concerne les verbes construits du type V GN formant une seule unité lexicale ; dès lors, le GN n’est pas un constituant autonome sous-catégorisé. Il convient de distinguer les configurations comportant un verbe transitif et celles qui présentent un verbe intransitif. De tels figements sont bien connus avec des verbes transitifs ; Gross (1996), qui discute plus en détail ce type de cas et établit une distinction claire avec les objets des verbes supports , en cite plusieurs exemples :

donner le change (à quelqu’un), franchir le pas, graisser la patte (à quelqu’un),
mettre du beurre (dans les épinards), prendre la tangente, le taureau (par les cornes),
prendre une veste, perdre le Nord, porter le chapeau, tirer sa révérence (à quelqu’un)

et en décrit les propriétés : figement des noms et de la structure interne du syntagme, blocage des propriétés de codage, en particulier de la pronominalisation, et des propriétés de fonctionnement, en particulier des reformulations passives, opacité sémantique.

De tels figements s’observent également avec des verbes intransitifs accompagnés d’un groupe nominal direct (voir Melis 2006) :

Il va son ((petit) bonhomme de) chemin.

Deux observations additionnelles sont à faire dans ce contexte. La première concerne la détection des verbes construits : il apparaît que l’opérateur de restriction ne … que peut servir de révélateur, étant donné qu’il ne peut séparer les deux composantes du verbe construit :

*Il ne va que son chemin.
*Il ne perd que le Nord.
*Il ne donne que le change à Jean.

3.1.5.3. L’objet sans rôle ou le complément interne

Une dernière dimension concerne la relation entre les propriétés syntaxiques et les propriétés sémantiques, en particulier le rôle rempli par le GN ; il existe en effet des compléments qui ont toutes les propriétés formelles d’un complément d’objet direct, mais qui ne manifestent aucun corrélat sémantique : ils ne renvoient pas à un participant autonome remplissant un rôle dans le procès. Ces compléments sont souvent identifiés comme des compléments internes dont l’exemple prototypique est

Il vit sa vie.

Comme le signalent Riegel & al. (19995 : 220) la singularité du complément interne est plutôt d’ordre sémantique que syntaxique, du moins quand le verbe a d’autres emplois transitifs . Pour ces auteurs,

« Le complément ne répète pas le sens du verbe (ce qui ferait de l’expression une tautologie), mais sert de support nominal pour assigner au verbe des spécifications. »

Les diverses propriétés syntaxiques étayent l’analyse proposée.

Si l’on prend le cas de vivre sa vie, on observe en premier lieu que le complément peut être introduit par divers déterminants, non seulement l’article possessif ou démonstratif ou encore l’article indéfini (à condition toutefois qu’un adjectif ou une autre expansion accompagne le nom), mais aussi l’article défini ou l’interrogatif-exclamatif quel.

C’est qu’il faut être un homme, vivre la vie. (Barrès)
On a enfin commencé de vivre pour de bon, comme une grande personne, la  vie, la seule vie qui soit à la disposition de chacun de nous. (Proust)
Quelle vie veux-tu vivre ?

En outre, le complément peut être pronominalisé :

J’ai l’impression d’en avoir vécu deux, de vies.
Il la vivait avec conviction, cette vie de reclus.

Les différentes reformulations sont toutes admises :

Il lui laissait vivre sa vie.
Cette vie de travail et de peine a été vécue dans la joie.
Une telle vie se vit dans l’inquiétude.
Cette vie est facile à vivre.
Voilà ce qui est important : ma vie à vivre.

Enfin, et contrairement à l’hypothèse de la figure étymologique, d’autres noms sont possibles :

Il avait vécu la Révolution des œillets.
S’il entend parler de théologie, il essaye de la vivre (…). (Barrès)

Le complément et, dans le cas d’un nom apparenté au verbe, le déterminant et les adjoints éventuels apportent des traits qui permettent de préciser l’interprétation du verbe .

Le complément interne n’est pas réservé au cas canonique de vivre sa vie. De nombreux verbes connaissent cet emploi ; les études citent e.a. mourir, rire, saigner, soupirer, suer et trembler (Choi-Jonin 1998 ; Gougenheim 1964) :

Rêve de beaux rêves.
Il joue un drôle de jeu.
Il dort son dernier sommeil.

Pour ces verbes on note cependant des restrictions plus importantes quant au complément

Il rêve chaque nuit un rêve étrange / de doux rêves / le même rêve / deux rêves différents.
*Il rêve le rêve / ? son rêve / ? ton rêve.

Il joue le jeu / un jeu étrange / des jeux dangereux / le même jeu / le jeu de l’ennemi / ton jeu, son jeu, double jeu…
? Il joue deux jeux.

Le jeu des reformulations est également plus restreint et varie en fonction des verbes ; de ce point de vue jouer est plus proche de vivre que rêver, peut-être parce que ce dernier n’est pas agentif :

Le jeu est joué ; c’est un jeu difficile à jouer.

Enfin, il faut tenir compte d’effets de figement. Ceci est clairement le cas de dormir son dernier sommeil. Le verbe dormir peut être accompagné d’un complément nominal dont le centre est sommeil dans trois types d’emplois. En premier lieu, ce verbe figure dans une construction proche de celle de vivre :

Il a dormi un sommeil d’ange / un petit somme.


3.2. Analyses sémantiques

Alors que le sujet est l’argument fondamental des verbes intransitifs, l’objet constitue l’argument essentiel des verbes transitifs (cf. Herslund 1994). Ensemble avec le verbe, il constitue le prédicat verbal. C’est le prédicat verbal dans son ensemble qui contracte une relation fondamentale avec le sujet pour former la proposition :

S [V + O]   = Proposition

La dissymétrie entre le sujet (comme argument externe au verbe) et l’objet (intimement lié au verbe) est aujourd’hui généralement admise (contrairement à la vue de Tesnière). La cohérence entre V et objet est de ce fait plus étroite que celle entre V et sujet. C’est dire que la sémantique de l’objet sera tributaire du sens du verbe, lui-même étant largement dépendant de la construction dans laquelle il entre.


3.2.1. Approches classiques de la sémantique de l’objet

Alors que le français compte quelque 300 verbes uniquement intransitifs, la toute grande majorité du lexique verbal (des milliers de verbes) est constituée de verbes transitifs (Willems 1981 ; sur la prééminence de la structure transitive dans une perspective typologique cf. Haspelmath 2015). La structure transitive est aussi celle adoptée par défaut par les verbes dérivés, qui incorporent dans leur racine un des arguments de la construction (ex. beurrer, carboniser etc.). Le nombre et la variété lexicale des verbes transitifs en français est de ce fait très grande, ce qui rend une analyse sémantique unifiée de l’objet particulièrement ardue.

3.2.1.1. À la recherche d’un dénominateur commun

La tradition grammaticale a donc nécessairement recours à des descriptions très générales comme ‘l’élément sur lequel passe l’action du verbe, l’élément qui constitue le terme, le but de l’action’, etc. Dans cette optique, c’est sans doute la description de Damourette et Pichon, sous le terme d’about, qui traduit le mieux la fonction générale de l’objet direct : le terme auquel s’applique le procès verbal. Il définit ainsi le domaine d’application du procès et en trace les limites.

L’analyse la plus détaillée du lexique verbal transitif est proposée par Blinkenberg (Chap. IX, Le spectre sémantique des groupes transitifs et la répartition des OD et OI, p.137 sqq.), qui distingue et illustre abondamment sept classes de verbes transitifs directs (et cinq classes de transitifs indirects). Nous reprenons ici les définitions proposées par l’auteur et les illustrons par quelques exemples :

(1) le groupe transitif exprime une idée de création, de résultat de l’action (construire un navire, composer une sonate) ;

(2) le groupe transitif exprime une idée de possession, d’attribution, de donation, de prêt, etc, mais aussi leurs contraires (posséder un jardin, perdre sa femme) ;

(3) le groupe transitif exprime une idée de perception, de connaissance, de croyance (voir un spectacle, apprendre une chanson) ;

(4) le groupe transitif exprime une idée de volonté ou de sentiment (exiger un état des lieux, détester un film) ;

(5) le groupe transitif exprime le rapport entre une énonciation, une réflexion, etc. et ce qui en constitue le contenu, le thème, le sujet (proférer des menaces, raconter une histoire) ;

(6) le groupe transitif exprime des rapports variés entre des actions et des objets qui en sont affectés (augmenter les salaires, tuer un ennemi) ;

(7) le groupe transitif exprime un rapport de lieu (direction, position, éloignement) (escalader le mur, longer le fleuve).

Anticipant sur l’analyse prototypique, Blinkenberg considère la classe 6 (objet affecté par l’action) comme centrale.

Plus récemment Legallois (2017), à la recherche de l’élément commun à toutes les constructions transitives et se basant sur la classification de Blinkenberg, propose la notion de ‘contact’ comme archétype de la structure transitive. Celle-ci profile une relation de contact entre sujet et objet : « Dans toutes les classes transitives est donc en jeu une relation de contact, avec la particularité pour les classes dites prototypiques, que ce contact donne lieu à un effet (…)» (2017 :10). Cette approche est développée et argumentée dans Legallois (2022), dans le cadre d’une approche constructionnelle.

3.2.1.2. La solution prototypique

En ce qui concerne les rôles que peuvent jouer les participants au procès, le COD présente une variété considérable (cf. Riegel 19995 : 218). À côté du rôle de patient (entité animée ou non sur laquelle s’exerce directement le procès), il peut fonctionner comme siège du procès, but, résultat, thème etc. Tant en linguistique typologique (Lazard 2006) que fonctionnaliste (Hopper et Thompson 1980, Givón 2001) ou cognitive (Lakoff 1977), le patient est toutefois considéré comme le proto-rôle du COD. Cf. Lazard (1994 : 84) : « nous considérons comme objet, dans une langue quelconque, l’actant qui désigne le patient dans les phrases d’action et ceux qui sont traités de même dans les autres types de phrase ». Cf. aussi la notion de macro-rôle undergoer utilisée par Van Valin et La Polla (1997) dans leur Role and Reference Grammar.

En tenant compte de la fréquence relative des diverses sous-classes de procès, et de la forte prépondérance des verbes d’action, une approche prototypique définira en effet l’objet comme le terme affecté par l’action, description qu’on raffinera en opposant les objets créés par l’action (‘effectués’) aux objets modifiés au cours du procès (‘affectés’). Si ces descriptions s’appliquent à une bonne partie des objets des verbes d’action, beaucoup d’autres ne sont toutefois  pas couverts par la description (e.a. les verbes d’état). Ils s’éloignent donc du prototype dont ils ne gardent que certaines propriétés. Tout comme sur le plan syntaxique, la transitivité sémantique se présente donc comme une notion graduelle et certains auteurs (Givon 2001, Desclés 1998, François 2003) envisagent des mécanismes d’extension pour expliquer les rapports entre haute et basse transitivité.

Une analyse plus fine s’impose, tenant compte d’une part de la forme de l’objet, d’autre part des constructions dont il fait partie. Une autre approche, de nature différentielle, tentera d’opposer l’objet au sujet ou l’objet direct à l’objet prépositionnel. Ces approches seront précédées d’une réflexion plus générale sur l’organisation du lexique verbal (3.2.2.1.).


3.2.2. L’interface syntaxe-lexique-sémantique

3.2.2.1. L’organisation du lexique verbal et l’importance de la relation causative

Dans la structuration globale du lexique verbal français, la relation causative joue un rôle essentiel. Les constructions verbales semblent en effet s’organiser en paires, opposant une construction simple à une construction plus complexe, caractérisée par l’adjonction d’un SN en position sujet et le maintien des autres arguments en les déplaçant d’un cran vers la droite. La relation sémantique fondamentale reliant les deux structures est une relation causative, et le rôle sémantique joué par le SN complémentaire est celui de causateur du procès décrit par la structure simple.

La branche plie.
Le vent plie la branche.
(pliertr = faire plierintr)
Il apprend à nager.
Son père lui apprend à nager.
(apprendrebitr = faire apprendretr)
Il devient silencieux.
Cette nouvelle le rend silencieux
(rendretr = faire devenirintr)

Les constructions verbales peuvent ainsi être structurées de la façon suivante :

Structures simples Rcaus Variantes causatives
SN1 + V (mourir, plier) SNx + V + SN1 (tuer, plier)
SN1 + V + à/de +SN2 (appartenir) SNx +V + SN1 + à/de +S N2 (donner)
SN1 + V + Sattr (devenir) SNx + V + SN1 + Sattr (rendre)
SN1 + V + Inf (aller) SNx + V + SN1 + Inf (mener)
SN1 + V + à/de + Inf (apprendre) SNx + V + (à) + SN1 + à/de + Inf (apprendre)
SN1 + V + que + ind/subj (savoir, voir) SNx + V + à + SN1 + que + ind/subj (dire, montrer)

Lexicalement, la relation causative peut se réaliser de diverses façons :

(1) par l'introduction d'un nouveau lexème : donner vs appartenir, rendre vs devenir, associer vs collaborer, tuer vs mourir (…)

(2)  par l'adjonction d'un préfixe (endormir vs dormir, accroître vs croître…)

(3)  par la seule syntaxe, sans changement lexical. C’est le cas des verbes appelés réversifs, symétriques ou labiles (pliertr vs plierintr; apprendretrvs apprendrebitr…).

Cette dernière solution, largement exploitée en français, rend compte du fait que la relation causative est responsable d'une forme très productive de polysémie régulière.

Les verbes réversifs ou labiles illustrent bien le lien étroit entre transitivité et causativité : le sujet de la construction intransitive correspond à l’objet de la structure transitive. Le rôle sémantique (patient ou expérienceur) reste inchangé. La structure transitive ajoute un sujet, causateur du procès. Le nombre important de verbes labiles  (lexicalisés en tant que tels ) et la productivité du schéma en discours tant dans le sens d’une transitivation

Par cette température, on ne voyage pas un enfant de cet âge (cf. D&P, III, § 863, p.162, Mme EJ 1/2/1931) (voyagertr= faire voyagerintr) .

 que d’une intransitivisation  révèle une forte tendance ergative du français.

Les journées passent et j’angoisse. Je tourne en rond comme la souris dans sa cage (Brault Emmanuel, Les peaux rouges, 2017, apud Frantext)

La causativité joue un rôle essentiel dans la transitivité (en français et dans beaucoup d’autres langues) et dans la définition sémantique de l’objet. Comme le signale Legallois (2022 : 10), 86% des verbes relevés dans le Dictionnaire des verbes du français actuel (Florea et Fuchs 20232) présentent un objet affecté par l’action. D’autres aspects, moins étudiés, jouent toutefois un rôle non négligeable dans le sémantisme du COD : la forme de l’objet et la construction dans laquelle il entre.

3.2.2.2. L’apport de la construction dans le sémantisme de l’objet

3.2.2.2.1. Constructions nominales vs phrastiques vs infinitives

À côté de la forme nominale prototypique du COD et de ses variantes pronominales, d’autres formes sont possibles, en particulier la que-phrase et l’infinitif, ainsi que les questions indirectes (Defrancq 2005). Si sur le plan syntaxique les différences sont minimes, l’objet phrastique répondant largement à toutes les caractéristiques du COD, cette variation formelle a un impact sémantico-lexical important, tant sur le sémantisme de l’objet (et du sujet), que sur le lexique verbal impliqué et le rapport entre le verbe et l’objet.

En examinant de plus près la liste proposée par Blinkenberg et en tenant compte des catégories grammaticales qui constituent l’objet, on constate que, si dans les classes (1) (2) (6) et (7) l’objet est de nature nominale, dans les classes (3) (4) et (5) il est fondamentalement de nature phrastique : une complétive à l’indicatif  pour (3) et (5), une complétive au subjonctif pour (4).  

Si dans le cas d’objets nominaux, ceux-ci réfèrent à des personnes ou des entités au sens large, les objets phrastiques réfèrent à des événements ou des situations. Le lexique verbal impliqué est aussi très différent. En comparant les classes lexicales de verbes se construisant essentiellement avec des compléments nominaux avec celles admettant une que-phrase ou un infinitif, on ne peut qu’être frappé par les différences sémantiques profondes entre les deux types de procès : alors que le premier ensemble de verbes décrit diverses situations (états, événements), dont la nature précise dépend étroitement de la structure argumentale de chaque verbe, la propriété complétive déclenche à chaque fois une intuition sémantique très différente : il s’agit de verbes d’opérations mentales (opinion, connaissance, volonté, sentiment) à sujet expérienceur ou de verbes de dire. Les verbes opérateurs à complétive ajoutent au procès la dimension d'un actant qui constate, apprécie ou (dans le cas des structures trivalencielles) extériorise la situation. Les variantes trivalencielles causatives mises à part (dire = faire savoir, montrer = faire voir), tous appartiennent au vaste ensemble des verbes d'état. Leur sujet est essentiellement de nature humaine.

Les deux ensembles établissent d'ailleurs des rapports très différents avec leurs compléments : pour les verbes à complémentation nominale, la sélection argumentale joue un rôle déterminant dans la nature sémantique du procès exprimé. Ces verbes changent de sens selon leur environnement.

Pour les verbes suivis d'un complément phrastique, le lien est peu étroit et la nature de la proposition complément n'exerce aucune contrainte sur le sens du verbe opérateur : des syntagmes du type il croit que, il dit que, il veut que peuvent précéder n'importe quelle prédication.

je crois qu’il fera beau demain/ que tu as raison/ que la terre est ronde (…)

À l'intérieur du vaste ensemble de verbes suivis d'un complément phrastique, une distinction plus fine peut être faite entre verbes opérateurs suivis d'un complément infinitif et ceux suivis d'une complétive : les premiers, sans constituer de nouvelles classes de procès, y ajoutent essentiellement une dimension aspectuelle (commencer à, finir de) ou modale (pouvoir, devoir, savoir) et présentent syntaxiquement des propriétés d'"auxiliaires" (cf. la  Notice  sur les périphrases verbales).

Il ne sait pas encore nager

L’objet nominal peut de la sorte être une structure autonome (dans le cas d’un verbe ne se construisant qu’avec des arguments nominaux (comme donner ou construire), ou une structure dérivée d’une complétive (ou d’une infinitive). Soit  les verbes donner et raconter admettant tous deux une structure bitransitive nominale du type :

Luc donne un livre à Marie
Luc raconte un livre à Marie

Les deux verbes appartiennent pourtant à des classes sémantiques différentes : donner est un verbe de /donation/, raconter un verbe de /dire/. Cette opposition sémantique ne paraît pas à première vue se refléter dans le comportement syntaxique des deux verbes. Pourtant, une différence syntaxique importante les oppose : alors que raconter admet, sans changement de sens, à côté de la structure nominale, également une structure complétive – propriété que ce verbe partage avec d’autres verbes de /dire/ tels dire, déclarer, affirmer…– celle-ci est impossible pour donner – impossibilité que ce verbe partage d’ailleurs avec d’autres verbes de /donation/ tels léguer, octroyer… :

a. *Luc donne (lègue, octroie) à Marie que (…)
b. Luc raconte (dit, déclare, affirme) à Marie que sa vie est compliquée.

Le verbe raconter présente donc deux distributions différentes, mais sur le plan sémantique c’est la construction complétive qui domine et qui donne au verbe son sens structural. Raconter appartient donc essentiellement à la classe des verbes de /dire/. La structure nominale peut dans ce cas être considérée comme sous-structure de la construction complétive de base. Ce phénomène par lequel un complément du verbe est contraint dans un moule sémantique dicté par le sens structural de ce verbe a reçu récemment le nom de ‘coercition’.

Cette analyse est confirmée par l’interprétation différente du nom livre dans les deux exemples ci-dessus comportant livre comme COD :

a. livre = objet
b. livre = événements

Le sens du substantif livre est en quelque sorte dicté par le sens de la structure verbale : le verbe raconter étant essentiellement suivi d’un complément phrastique exprimant un événement, le substantif prendra dans cette structure un sens événementiel : ‘les événements dont parle le livre’. Le verbe donner, lui, se construit exclusivement avec des syntagmes nominaux et le substantif gardera ici son sens ‘substantiel’. Cette coercition sémantique ne peut bien sûr apparaître que lorsque le substantif permet ce type de polyvalence. C’est le cas pour un substantif comme livre qui présente une assez grande élasticité sémantique.

Un verbe comme raconter présente donc deux distributions différentes, mais sur le plan sémantique, c'est la construction complétive qui domine et qui donne au verbe son sens structural. Raconter appartient donc essentiellement à la classe des verbes de /dire/ et son COD appartiendra à la classe des noms événementiels. Il en va tout autrement avec un verbe polysémique comme confier :

a. Luc confie1 un livre1 à Marie
b. Luc confie2 à Marie que sa vie est compliquée
c. Luc confie1/2 un projet1/2 à Marie

Tout comme le verbe raconter, confier peut se construire tant avec un complément direct nominal (a) qu’avec un complément direct phrastique (b). Contrairement au cas de raconter toutefois, le changement de construction s’accompagne ici d’une différence sémantique : alors que dans (a) confier a un sens de /donation/ (cf. PR « remettre aux soins d’un tiers, en se fiant à lui »), dans (b) il a le sens de dire (« communiquer qqch de personnel sous le sceau du secret »). Le verbe confier est donc polysémique et à chacun des sens correspond logiquement une structure syntaxique spécifique et le verbe a donc deux structures syntaxiques de base. L’exemple  (c) est particulièrement révélateur. Il est en effet ambigu entre une lecture de /donation/ et une lecture de /dire/, ambiguïté répercutée sur l’interprétation du substantif projet (objet concret vs paroles). Cette ambiguïté s’explique aisément par le statut double de la structure nominale : en tant que structure de base elle véhiculera un sens de /donation/ et donnera au complément projet une valeur ‘substantielle’ ( un plan concret) ; en tant que sous-structure de la complétive elle prendra un sens de /dire/ et le complément référera aux intentions exprimées.

3.2.2.2.2. Le COD et les constructions verbales.

Le COD entre par ailleurs dans un grand nombre de constructions verbales (cf. 3.1.3). Dans la mesure où la construction – au sens ‘constructionnel’ du terme – définit en grande partie les rôles sémantiques des arguments, et ceci tant au niveau macro-lexical (cf. 1) qu’au niveau micro-lexical, chaque sens d’un verbe polysémique s’accompagnant systématiquement de différences constructionnelles (cf. 2), c’est dans ce cadre-là qu’il faudrait analyser l’apport sémantique de l’objet.

(1)
- construction bitransitive nominale → verbes de donation (et contraires)

donner, léguer, attribuer (…)  ; enlever, ôter (…) quelque chose à qqn
mais aussi (par coercition) : balancer une gifle à qqn, mettre une bonne note à qqn, délivrer une ordonnance à qqn ; piquer qqch à qqn, souffler un emploi à qqn (…)
COD = objet matériel

- construction bitransitive phrastique → verbes déclaratifs d’opinion (dire) ou de perception (montrer)

dire, raconter, expliquer ; montrer, signaler, indiquer (…) à qqn que (…)
mais aussi (par coercition) glisser à qqn que (…), aboyer à qqn qu’il s’écarte
COD = événement

- construction transitive avec infinitif direct ou relative attributive → verbes de perception

Voir, regarder, entendre, écouter, sentir (…) qqn faire qqc/ qui fait qqc
COD = objet/personne + procès lié à cet objet/personne

(2) Rapporter
- quelque chose à quelqu’un /donation/

Rapporter à qqn ce qu’on a pris

- à quelqu’un que P /dire/

On m’a rapporté que ses affaires allaient mal

- quelque chose à quelque chose /association/

Rapporter un événement à une certaine époque

- quelque chose quelque part /transfert/

Rapporter un livre à la bibliothèque


3.2.3.  La sémantique de l’objet et l’approche différentielle

Dans une approche différentielle, le COD/patient est en premier lieu opposé au sujet/agent. Taylor (1995) liste un ensemble de 11 propriétés. Næss (2007) en retient 3 comme essentielles : [+ instigateur], [+ volonté], [- affecté] pour l’agent et les polarités contraires pour le patient [- instigateur], [- volonté], [+ affecté]. La construction transitive prototypique se définit par une différenciation sémantique maximale entre les deux arguments.

Je tue des chats, donc je peux tuer un homme
Il construit des hôtels dans le monde entier

Les deux participants jouissent par ailleurs d’une grande proéminence pragmatique : alors que, par défaut, le sujet fonctionne comme topique, l’objet fait partie de l’information rhématique de la construction.

En second lieu on oppose le COD au datif. Celui-ci est défini par Næss par les propriétés [+ volonté], [- instigateur], [+ affecté]. Ainsi, dans l’exemple suivant, le verbe donner se construit avec un sujet (un ami journaliste) [+ instigateur], [+ volonté], [- affecté], un COD (l’adresse) [- instigateur], [- volonté], [+ affecté]) et un datif (lui) [- instigateur], [+ volonté], [+ affecté] :

(…) Yves se rend chez un médecin dont un ami journaliste lui a donné l’adresse (Yves Navarre, Biographie, 1981, apud Frantext)

Il  ressort de l’analyse  que le COD est le moins agentif des 3 fonctions essentielles .

La spécificité sémantique du COD ressort aussi clairement d’une analyse des constructions présentant une alternance transitif direct/indirect. Deux types peuvent être distingués :

(1) les verbes présentant une alternance COD/COI :

Avant de l'écrire nous avons Guy Claisse et moi parlé ce livre. D'une conversation spontanée et donc désordonnée de dix-huit heures, nous avons trouvé le fil conducteur… (François Mitterand , Textes divers, Paris, 1980

D’une certaine manière, si je viens en Allemagne, si je viens parler de ce livre, c’est parce que je pense que pour moi, il est très important que le livre soit connu en Allemagne (Georges Perec, En dialogue avec l’époque 1965-1981, apud Frantext)

(2) les verbes présentant une alternance COD/ CLocatif :

Ils voyageaient la France (titre de livre, Barret/Gurgand, 1980 : sous-titre : Vie et traditions des Compagnons du Tour de France au 19ème siècle )

Nous avions donc décidé de voyager en France. Nous irions d’une ville à l’autre par le train (Jules Romains, Le Dieu des corps, 1928, apud Frantext).

La comparaison des structures directes et indirectes montre une plus forte affectation de l’objet dans la structure directe, le degré d’affectation pouvant se manifester de diverses façons selon les verbes impliqués (cf. Huyghe et Corminbeuf 2022 : 182 sqq.) : (1) réalisation ou non du but visé (tirer un lapin vs tirer sur un lapin) ; (2) action holistique (fouiller l’appartement vs fouiller dans l’appartement ; voyager la France vs voyager en France) ; (3) évocation vs élaboration d’un objet (parler ce livre vs parler de ce livre) ; (4) profilage d’un repère spatial comme point ou comme parcours intégral (grimper la colline vs grimper sur la colline).

Cette alternance peut être mise en rapport avec l’idée que le COD constitue le domaine d’application du verbe, alors que le complément prépositionnel introduit un terme qui doit certes être mis en rapport avec le verbe, mais qui en définit plutôt l’horizon sans qu’il soit complètement impliqué dans le procès. L’alternance répond ainsi au principe général d’iconicité : l’implication globale du COD est liée à sa construction directe, la préposition établissant comme une distance qui induit des interprétations liées à une implication plus faible.

La moindre affectation des objets obliques explique bon nombre de cas, mais pas tous. D’autres facteurs interviennent: ainsi la structure directe traduit une familiarité et une association fréquente entre certaines actions et leurs participants prototypiques (skier le Mont-Blanc, surfer une vague) (cf. Zayed 2021. Pour une analyse des facteurs diavariationnels cf. Huyghe et Corminbeuf 2022 : 189 et sv.).


3.3. Conclusion provisoire

- Si le COD présente une grande homogénéité sur le plan syntaxique et une différence nette avec la fonction sujet, sur le plan sémantique, c’est la diversité qui domine.

- Le sens du COD est tributaire en premier lieu de la construction dans laquelle il entre et secondairement du sens lexical du verbe

- L’opposition sujet/objet sur le plan sémantique est toute relative : de nombreuses structures transitives peuvent être décrites comme causatives par rapport à des structures intransitives : le COD de la structure causative est alors sémantiquement équivalent avec le sujet de la construction intransitive. Le français serait-il une langue ergative sur le plan sémantique ?

- L’existence de nombreuses alternances argumentales confirme le lien entre diverses fonctions (sujet/COD, COD/COI, COD/Cadverbial).


3.4. Aspects diachroniques

Du latin au français moderne, le COD se caractérise d’une part par la permanence de certaines caractéristiques et d’autre part par des modifications et réorganisations sensibles. Deux périodes semblent cruciales à cet égard : la transition de l’ancien français au moyen français et la cristallisation du français classique et normé dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. Le premier moment voit se mettre en place, avec la disparition des cas et la réorganisation de la structure linéaire de la phrase,  le marquage du COD qui persiste jusqu’à maintenant ; cette évolution prend plusieurs siècles et atteint un point d’équilibre au XVIIe siècle. Cette même époque voit également la stabilisation des rapports entre constructions et lexique verbal et permet dès lors  de saisir les modifications complexes à ce niveau. 


3.4.1. Le marquage du COD

Le marquage des fonctions peut se faire à l’aide de moyens morpho-syntaxiques – la déclinaison nominale et les accords – ou de moyens syntaxiques : principalement la construction ainsi que la position sur le plan syntagmatique et les reformulations et les proportionnalités sur le plan paradigmatique.

La perte progressive de la déclinaison casuelle et la réorganisation de la syntagmatique phrastique, ainsi que les effets de ces phénomènes sur les constructions et les proportionnalités, sont les deux modifications cruciales pour le propos de cette notice. L’accord en personne liant sujet et verbe et la reformulation périphrastique passive constituent des traits de continuité. L’émergence d’autres reformulations, en particulier de la reformulation pronominale, permet d’étoffer l’ensemble des indices caractérisant le COD sans toutefois bouleverser le système ; elle ne sera pas prise en considération.

Le français comme le latin sont des langues accusatives, c’est-à-dire des langues qui marquent de la même manière le sujet des verbes à une place et celui des verbes à plus d’une place, opposant donc le sujet aux compléments et en particulier aux compléments de construction directe. Ainsi le sujet est en latin au nominatif, l’accusatif servant, entre autres, à marquer l’équivalent du COD.

Du latin à l’ancien français, le système des cas latins subit une réduction considérable : le système à six cas est réduit à un système bi-casuel, par ailleurs partiel. Ce système bi-casuel oppose le cas sujet, uniquement marqué dans le cas des noms masculins, d’un nombre fort réduit de noms féminins et des pronoms personnels et relatifs-interrogatifs, au cas régime, qui apparaît dans tous les autres cas ; il s’y ajoute le cas datif des pronoms personnels de la 3e personne et du relatif cui. En outre, la marque du cas sujet masculin se confond généralement avec celle du nombre pluriel, ce qui renforce le caractère imparfait de la systématique.

Au niveau du système, l’identification du COD par le cas n’est donc pas garantie. Les ambigüités potentielles entre sujet et COD sont cependant levées dans l’immense majorité des cas par d’autres indices, qui ont été relevés par Schøsler (1984). En principe, l’opposition du COD avec les autres compléments est garantie par le fait que les ‘héritiers’ des cas datif, génitif et ablatif du latin, sont réalisés par des constructions prépositionnelles ; Buridant (2000 : §55 sqq.) signale toutefois des compléments directs doubles ou à double interprétation, correspondant respectivement à l’accusatif et au datif du latin :

Povre gent saluoit et faisait belle chiere (cité Buridant § 55)
Son compagnon donna un hanap lieement (cité Buridant §56).

La généralisation de la construction à GN éliminera progressivement ce type d’ambigüité potentielle, qui peut, d’ailleurs, aisément être levée par le recours à la sémantique lexicale.

L’opposition du cas sujet et du cas régime, caractéristique de l’ancien français s’efface progressivement pour disparaître en moyen français, sauf au niveau des pronoms. Le cas comme indice du COD est dès lors d’une utilité limitée, se bornant aux clitiques. La subsistance des contrastes casuels dans le système pronominal, en particulier dans celui des pronoms personnels, ouvre cependant la possibilité de faire appel aux proportionnalités entre réalisations pronominales et non pronominales en vue de l’identification du sujet, du COD et accessoirement du COI ; cette voie est d’autant plus féconde que le français dispose dès les plus anciens textes de dispositifs exploitant la fonction paradigmatisante des pronoms, dispositifs qui se multiplient progressivement et deviennent de plus en plus fréquents (Marchello-Nizia 2020 : chapitres 42-44):

Pierre, elle le voit.
C’est Pierre qu’elle voit.

L’effacement progressif de l’opposition casuelle au niveau du groupe nominal est concomitante de modifications fondamentales dans l’organisation de la phrase. Celles-ci sont synthétisées dans Marchello-Nizia (1999) ; la notice en reprend les axes principaux affectant le marquage du COD.

(a) L’expression obligatoire du sujet, fût-ce sous la forme d’un pronom personnel.

En ancien français, le sujet n’est pas nécessairement exprimé et les terminaisons verbales signalent la personne, alors qu’il l’est en français classique et moderne . Or, le paradigme des pronoms maintient, au niveau des formes, l’opposition sujet – COD. On notera corrélativement que le français développe au cours de son histoire les possibilités d’omission du COD, non seulement dans la construction absolue avec un effet aspectuel ou sémantique précis, mais aussi par anaphore zéro (voir supra).

(b) La réduction du nombre des schémas positionnels impliquant le sujet et le COD.

Marchello-Nizia (1999) note que l’ancien français admet, avec des fréquences inégales, les six combinaisons syntagmatiques du sujet, de l’objet et du verbe qui sont théoriquement possibles:

SVO ; VOS ; OSV ; SOV ; OVS ; VSO.

En français moderne, au contraire, le seul schéma courant est SVO. D’autres schémas apparaissent de manière sporadique et sont contraints. Lahousse et Lamiroy (2012) signalent ainsi le schéma VOS dans des énoncés généralisants appartenant au langage administratif :

Paieront une amende tous les automobilistes en infraction.

auquel on pourra ajouter des occurrences sporadiques de OVS  :

C’est fait, me dit-il. L’évasion est commencée. J’ai déjà parcouru un bon petit bout de chemin. […] Oui, un bon bout de chemin ai-je parcouru déjà, dans le sens de la hauteur. [Perret, Le caporal épinglé, 228]

Ce dernier cas diffère d’énoncés comme Le chocolat, j’adore. et Dix ans j’ai. mentionnés plus haut, énoncés qui ne constituent pas des instances du schéma OSV, mais qui représentent des énoncés complexes à deux noyaux, comme il ressort des propriétés prosodiques, différentes dans les deux cas et induisant des interprétations distinctes.

Les énoncés marqués à inversion du sujet ne posent pas de problème, vu que l’inversion s’observe principalement avec des verbes qui ne construisent pas de COD et, dans les quelques cas impliquant une construction transitive, le COD antéposé est un pronom portant la marque explicite de la fonction :

Les livres que lisent mes enfants ne sont plus ceux que je lisais à leur âge.

Les changements au niveau des schémas contenant le COD reflètent un cheminement complexe où interfèrent deux tendances à long terme :

- le passage progressif d’une langue de type Complément – Tête ou langue à Tête à droite, tel le latin, à une langue de type Tête – Complément où Tête à gauche, comme le français moderne  ;

- la modification des rapports entre l’agencement Thème – Rhème et la structure syntaxique ; en ancien français, l’agencement discursif est dominant, d’où la thèse que l’ancien français est une langue à ordre Thème – Verbe ou langue à V2, alors qu’en français moderne standard la structure syntaxique est déterminante, le sujet représentant en principe le thème central et la structure pouvant être complétée par des ancrages discursifs antéposés ou insérés sous forme de parenthèses.

L’évolution esquissée à grand traits permet de comprendre pourquoi les positions différentielles du sujet et du COD constituent une des caractéristiques fondamentales de ces deux fonctions centrales .

Le fait que le français est devenu explicitement une langue à tête gauche et que le COD, mais non le sujet, apparaît à droite de la tête verbale, montre en outre que le COD est plus étroitement lié au verbe que ne l’est le sujet. Cette observation se voit confirmée par l’étude de Combettes (2003) qui montre que le français de l’époque pré-classique offre des indications claires d’une asymétrie entre les rapports que l’objet entretient avec le verbe et ceux que connaissent sujet et verbe, ces derniers étant moins étroits.


3.4.2. Le COD et le lexique verbal

Du latin au français moderne, en passant par les divers stades intermédiaires, le schéma de sous-catégorisation d’un verbe particulier a pu changer ; en outre, certains schémas de construction se sont mis en place ou ont pu disparaître. Ces diverses évolutions ont modifié la répartition des constructions à COD sur le lexique verbal .

La normalisation du français surveillé et littéraire à l’époque classique et la diffusion de la variante standard du français à travers l’école ont mené à une stabilisation de la répartition des constructions sur le lexique verbal ou, plus exactement, ont limité la variation en la reléguant dans les zones moins normalisées du français informel et des variantes régionales. Il n’est de ce fait pas étonnant que les descriptions du français du XVIIe offrent beaucoup d’informations sur les changements intervenus dans ce domaine.

Haase (1898) et Spillebout (1985) présentent des listes fournies de verbes qui ont changé de construction ; Goyens (1998) analyse l’alternance entre les constructions accusatives et datives. L’on peut y distinguer différents cas :

- Verbes actuellement intransitifs pouvant également se construire transitivement. Cette possibilité est ancienne, Buridant (2000 § 316) en fournit des exemples remontant au 12e siècle, e. a. avec entrer. Haase (1898 : §59) cite entre autres partir, crouler et rôder. Spillebout (1985 p. 255 sqq.) cite bruire ou courir en combinaison avec un COD animé (courir les malheureux) ; il subsiste des traces de cette dernière possibilité dans des formules plus ou moins figées (courir les filles).

- Verbes actuellement transitifs indirects se construisant à l’époque directement. Les exemples sont nombreux, surtout avec la préposition à :

ressembler quelqu’un (déjà cité dans Buridant 2000 § 316) ; prêcher ; échapper ; participer ; profiter quelqu’un (au lieu de profiter à) ; apprendre quelqu’un ; contredire (v. Haase 1898 § 59 et Spillebout 1985 : 255 ss.)

mais aussi avec d’autres prépositions : douter son courage, enquérir quelqu’un (id.).

- Verbes actuellement transitifs directs se construisant à l’époque indirectement ou connaissant les deux constructions. Comme bon nombre d’autres verbes, aider, applaudir, assister, servir ou empêcher se construisaient ou pouvaient se construire directement. Gamillscheg (1975 : §78) montre qu’aider connaissait les deux constructions en ancien français ; la construction indirecte subsiste dans un proverbe...

Dieu aide à trois sortes de personnes, aux fous, aux enfants et aux ivrognes.

...et en français régional, en Suisse romande (Lüdi 1987). Ce même auteur étudie en détail l’alternance des deux constructions et les facteurs qui pourraient déterminer le choix d’une d’entre elles pour les verbes prier, supplier et requérir en moyen français (Lüdi 1978).

Les illustrations données ci-dessus témoignent d’une certaine flexibilité au niveau de l’interface entre constructions et lexique. Il n’est pas possible de fournir, sans procéder à une étude poussée de chaque cas particulier, une explication précise de tous les changements intervenus. Il est plus intéressant d’ouvrir quelques pistes pointant vers des variations plus systématiques. Celles-ci concernent l’évolution de schémas de construction qui soit se perdent, soit émergent.

- Le premier schéma qui est à considérer est la construction à double complément direct nominal V GN1 GN2 qui s’observe non seulement avec des verbes comme donner (voir la citation de Buridant 2000 §56 ci-dessus), mais aussi dans d’autres cas, cités par Gamillscheg 1975 §77) :

Si la baisa le pié.
Pantagruel le frappa du pied un si grand coup contre le ventre.

Si le premier exemple relève également du datif de construction directe, l’énoncé tiré de Rabelais montre que le schéma de construction peut s’affranchir et s’appliquer à des verbes ou des configurations autres. Ce schéma de construction, minoritaire, s’est éteint et ne fonctionne plus dans la langue actuelle ; il doit en effet être distingué du cas

Il a payé le livre vingt francs.

Dans cet énoncé le verbe est suivi d’un syntagme appartenant au paradigme nominal (le livre) et d’un syntagme qui, malgré les apparences, relève du paradigme adverbial quantitatif de combien (vingt francs).

- Un second schéma de construction pertinent pour la discussion est le schéma causatif, s’appliquant à un verbe intransitif et produisant une construction transitive à sémantisme causatif. Ce schéma, que Gamillscheg (1975 : §75) fait remonter au 9e ou 10e siècle, existe toujours (v. supra), mais était d’une application moins contrainte par le lexique ; les verbes de mouvement, tels entrer ou crouler en relèvent ; dans ce contexte le contraste actuel entre sortir qui possède toujours les deux constructions et entrer, uniquement intransitif, est frappant. À vrai dire, le schéma de construction est toujours disponible, mais son exploitation sera dans de nombreux cas considéré comme une licence d’auteur (v. les citations ci-dessous tirées de Gamillscheg (ibid.)

La grande clarté qui pâlissait la lampe. (Zola)
Les vers immondes qui pourrissaient sur les branches les fruits encore verts (Mirbeau)

ou comme des néologismes, ce qui est le cas d’entrer des données dans une base, soit comme des énoncés relevant d’un français informel ou moins normatif. Il est frappant que la base Ortolang (consultée le 19-11-2018), qui offre d’une part accès au TLFi et d’autre part au DMF, signale, sur la foi de ce dernier, tant les emplois intransitifs que transitifs, mais ne propose pour le français moderne que l’emploi intransitif, alors que la Banque de dépannage linguistique, organe officiel du gouvernement du Québec (consultée le 19-11-2018) qualifie l’emploi transitif de rare, admettant donc son existence, et qu’un ouvrage de référence à orientation normative comme Hanse-Blampain (2000), s.v. entrer fournit des exemples transitifs sans les accompagner de commentaires. On observe donc une variation dans l’usage et également dans les jugements, mais également une réduction du domaine d’application du schéma de construction, comme il ressort du cas de partir. Ce verbe a toujours un emploi transitif, déjà attesté dans l’ancienne langue et signifiant ‘diviser en parties, séparer, fendre, répartir, partager’ ; mais en moyen français le même verbe en emploi transitif peut signifier aussi ‘quitter’, possibilité qui s’est perdue.

- Un troisième schéma à traiter est le schéma des constructions absolues, liant une construction transitive et un énoncé avec objet implicite non récupérable dans le contexte. Les constructions absolues n’étaient peut-être pas exclues en ancien français, mais en tout cas fort rares (Schøsler 1984), alors qu’elles se sont progressivement étendues et s’observent au XVIIe siècle avec des verbes où elle semble exclue ou difficile dans la langue actuelle. Spillebout (1985) cite ainsi les cas suivants :

Il masque toute l’année, quoiqu’à visage découvert. (La Bruyère)
Jamais vous ne cesserez de prétendre. (Bossuet).

On notera enfin que le schéma de construction caractéristique des verbes transitifs de communication humaine peut, en français actuel, s’appliquer aux verbes intransitifs de bruit, comme il a été signalé plus haut. L’évolution ne suit pas toujours la même voie.

Le tableau n’est pas univoque ; l’équilibre entre schémas de construction en principe applicables à de nombreux verbes, voire à tous ceux dont la sémantique est compatible avec celle du schéma et le lexique, qui définit les schémas de sous-catégorisation verbe à verbe est fluctuant, même si la tendance semble être à la restriction de l’impact des constructions au profit des spécifications lexicales. Cette situation est peut-être typique des variantes normées d’une langue ; les usages moins soumis à la norme pourraient attester une plus grande prééminence des constructions sur les propriétés lexicales.



4. Références bibliographiques


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