Le futur simple

 >Page pers.    Denis Apothéloz
(12-2023)

Pour citer cette notice:
Apothéloz (D.), 2023, "Le futur simple", in Encyclopédie grammaticale du français,
en ligne: encyclogram.fr



1. Introduction


La présente notice est exclusivement consacrée au temps grammatical communément appelé « Futur simple » ou « Futur », parfois aussi « Futur synthétique » pour le distinguer des formes analytiques (i.e. composées), tels le Futur antérieur ou le Futur périphrastique. Certains ouvrages, comme le livre de Schrott (1997), s’attachent plus généralement à la signification même « futur », à la notion de futurité, et incluent dans leur sujet tout emploi d’un temps verbal désignant un moment postérieur à l’énonciation – par exemple les Présents à signification future ou les Futurs périphrastiques. Telle n’est pas notre démarche dans cette notice. Une courte section est cependant consacrée à la situation de concurrence dans laquelle se trouvent le Futur simple et le Futur périphrastique.

Afin d’éviter certaines confusions, par exemple entre le futur comme époque et le Futur comme temps grammatical, nous écrirons systématiquement les noms des temps verbaux avec une initiale capitale (majuscule), comme l’a fait Weinrich (1973) dans son ouvrage sur le temps. Cette convention vaut aussi bien pour le temps grammatical comme réalité abstraite que pour ses occurrences dans un texte ou un discours.

Cinq parties composent cette notice. La première (« Généralités et délimitation du domaine »), aborde l’histoire du grammème (= morphème grammatical) du Futur et discute de quelques questions générales relatives à ce temps verbal, notamment la pertinence même de la notion de futur dans la description des systèmes temporels, la relation entre l’expression du futur et les modalités, ainsi que la notion de temps ramifié. Elle se termine par une liste de publications jugées particulièrement importantes relativement à ces questions.

La deuxième partie (« Le Futur simple ») est entièrement consacrée à l’analyse sémantique de ce temps verbal. On y décrit ses propriétés temporelles et aspectuelles, et on y expose quelques controverses concernant la manière d’analyser ces deux dimensions sémantiques. L’incontournable question des emplois est également abordée.

La troisième partie (« La concurrence entre le Futur simple et le Futur périphrastique ») commence par présenter trois constructions pouvant correspondre à la périphrase « aller + Infinitif ». Le Futur périphrastique est l’une d’elles. Les principaux acquis concernant la différence entre le Futur simple et le Futur périphrastique sont ensuite exposés. Cette partie est complétée par une bibliographie dédiée spécifiquement aux travaux abordant la relation entre ces deux temps verbaux.

La quatrième partie (« Le Futur dans un modèle néo-reichenbachien ») présente un modèle permettant de décrire le fonctionnement du Futur simple. Inspiré pour l’essentiel de Reichenbach (1947) et de Gosselin (1996), ce modèle permet de représenter les propriétés aspectuo-temporelles du Futur sous la forme de chronogrammes.

Enfin, une cinquième partie (« Études à faire, lacunes ») s’intéresse aux problèmes soulevés, en langue écrite, par la distinction entre le Futur simple et le Conditionnel, spécialement quand il s’agit de la 1ère personne du singulier.

Cette notice comporte cinq listes bibliographiques. La première (§ 2.4.) fait suite à la première partie et donne quelques références particulièrement importantes sur le Futur et la futurité. La deuxième bibliographie (§ 4.4.) donne une liste de publications sur la relation entre le Futur simple et le Futur périphrastique. La troisième (§ 7.1.) mentionne quelques numéros de revues consacrés au Futur. La quatrième (§ 7.2.) indique quelques références à des publications abordant la futurité dans une perspective contrastive. Enfin, la cinquième bibliographie (§ 7.3.) reprend tous les travaux cités dans cette notice.

N.B. – Pour des informations plus générales concernant le fonctionnement des temps verbaux du français, le lecteur peut consulter les notices Aspect verbal  >  , Temps simples  >  , Temps composés  >  et Périphrases aspectuelles  >  .



2. Généralités et délimitation du domaine



2.1. Histoire des grammèmes du Futur

Dans les langues du monde, les grammèmes des Futurs proviennent de sources variées. Les sources les plus fréquentes sont des verbes de mouvement, des expressions signifiant la volonté ou l’obligation, ainsi que des expressions de l’aspect progressif (Dahl 2000, en partic. section 3). Ainsi, avant d’être un auxiliaire du Futur, will anglais signifie (et peut encore signifier) la volonté ; et en français, aller verbe de mouvement fonctionne comme auxiliaire pour le Futur périphrastique (il va pleuvoir).

Du point de vue morphologique, le Futur simple français a pour origine une forme analytique latine, constituée de l’Infinitif du verbe lexical et du verbe avoir (habere) fléchi au Présent. Soit, pour le verbe cantare (chanter) : cantare habeo (litt. ‘j’ai à chanter’). Cette périphrase existait déjà en latin classique, à côté de la forme synthétique cantabo (‘je chanterai’). Les avis divergent quant à la signification exacte de la forme analytique en latin classique. Beaucoup de diachroniciens y voient une signification d’obligation-nécessité ou d’intention (Valesio 1968, Buridant 2000). De son côté, Benveniste (1974) pense que sa fonction première était d’indiquer la prédestination, l’inéluctabilité (voir aussi Patard, De Mulder & Grabar 2017). Les auteurs s’accordent cependant pour reconnaître que son emploi s’est ensuite étendu pour signifier la futurité pure, en remplacement des formes synthétiques antérieures : celle-ci présentaient en effet, à la suite de diverses évolutions phonologiques, de nombreuses homophonies avec d’autres temps verbaux (de la même manière que pour beaucoup de francophones, je mangerai et je mangerais sont aujourd’hui homophones). On situe cette première phase de l’évolution aux alentours du IIe siècle apr. J.-C. (Brunot & Bruneau 1949, Benveniste 1974). Selon Marchello-Nizia (1999), c’est au cours du IVe siècle que la périphrase latine s’est ensuite agglutinée en une forme verbale unique, forme dont est issu le Futur simple du français. On trouve donc des attestations de ce temps verbal dès les premiers documents français, comme le montre cet extrait des Serments de Strasbourg (842) :

Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun salvament, d’ist di in avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fadre Karlo et in aiudha et in cadhuna cosa, si cum om per dreit son fadra salvar dift, in o quid il mi altresi fazet et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai, qui, meon vol, cist meon fadre Karlo in damno sit. (D’apr. Internet History Sourcebooks Project)

Pour l’amour de Dieu et pour le salut du peuple chrétien et le nôtre commun, à partir de ce jour, aussi longtemps que Dieu me donne savoir et pouvoir, je soutiendrai mon frère Charles que voici par mon aide et en toute situation, ainsi qu’on doit le faire de son frère, comme il est juste, à condition qu’il fasse de même à mon égard, et jamais je ne passerai avec Lothaire aucun accord qui, de mon intention, puisse nuire à mon frère Charles. (Notre trad.)

La formation du Futur français est donc un cas prototypique de grammaticalisation, terme forgé par Meillet (1912) pour désigner le processus évolutif consistant dans « le passage d’un mot autonome au rôle d’élément grammatical » (1948 : 131). Le Conditionnel français est issu du même processus, le verbe habere étant fléchi à l’Imparfait, soit : cantare habebam (litt. ‘j’avais à chanter’). Formellement, les désinences françaises de Futur (-rai, etc.) et de Conditionnel (-rais, etc.) ont donc pour origine des formes résiduelles, amputées de leur radical, du verbe habere latin conjugué respectivement au Présent et à l’Imparfait. Le -r- commun à toutes ces formes provient quant à lui de l’Infinitif du verbe lexical .


2.2. La notion de « futur » (futurité)

On attribue au philosophe Protagoras (Ve s. av. J.C.) la conception du temps consistant à distinguer trois époques : passé, présent et futur (on dit aussi les trois « divisions » du temps). La plupart des linguistes et des grammairiens adoptent cette tripartition et l’utilisent comme fondement de la classification des temps verbaux. Ainsi, Nicolas Beauzée définit les temps verbaux comme suit :

Les Temps sont des formes qui ajoûtent, à l’idée fondamentale de la signification du Verbe, l’idée accessoire d’un rapport d’existence à une époque. (Beauzée 1767 : Livre II, p. 426. « Époque » a ici la même signification que celle indiquée supra)

Beaucoup de linguistes considèrent toutefois que cette conception relève du sens commun et n’est pas essentielle pour la caractérisation des temps verbaux (Lyons 1977 : 677-690, 1980 : 298-310 ; Comrie 1985 : 48-50 ; Vetters 2017 : 133 et suiv.). Selon Lyons, il est en revanche important de concevoir l’existence d’un « point-zéro » temporel (zero-point), correspondant par défaut au moment de l’énonciation. On peut d’ailleurs considérer les temps verbaux comme l’expression grammaticale (la « grammaticalisation ») de la relation qu’il y a entre ce point-zéro et le moment où a lieu le procès désigné par l’énoncé. On retrouvera plus loin cette expression de « point-zéro », également utilisée par Weinrich (1973) mais avec un sens un peu différent.

Lyons note que dans la famille des langues indo-européennes, certains faits invitent à attribuer une importance plus grande à l’opposition entre passé et non-passé, qu’à la tripartition passé–présent–futur. En voici quelques-uns.

(i) En général, les emplois des temps verbaux habituellement considérés comme temps du passé localisent effectivement le procès à un moment antérieur au moment de l’énonciation. En revanche, les emplois du Présent sont loin de localiser systématiquement le procès à un moment concomitant du moment de l’énonciation. Ce cas peut certes se présenter, mais seulement lorsqu’il s’agit de situations de compte rendu ou de commentaire « en direct ». Un énoncé général comme Il travaille dur n’implique pas de concomitance avec l’acte d’énonciation. Le Présent doit donc plutôt être décrit comme un non-passé. Telle est également l’analyse de Comrie (1985).

(ii) Une autre observation allant dans le même sens est que le Présent, en discours, s’accommode sans difficulté de localisateurs temporels futurs (Il arrive demain). Il est même fréquent dans cet emploi. Avec des localisateurs temporels passés, en revanche, il est inusité en discours (? Il arrive hier) – la convention du Présent de narration ne relève pas du discours.

(iii) Enfin, le Présent, contrairement aux temps du passé et du futur, présente la particularité formelle de n’être signalé par aucun grammème. Nous mangeons ne comporte que deux morphèmes : mange, qui représente le lexème verbal, et le flexif ‑ons, qui représente la catégorie « 1ère pers. du pl. » et redouble l’information apportée par nous.

Ces observations incitent à distinguer dans le système des temps verbaux du français, en lieu et place de la traditionnelle tripartition passé–présent–futur, d’une part une première opposition entre « passé » et « non-passé », d’autre part deux sous-types de « non-passés » : « non-futur » et « futur », selon la Figure 1 :

Figure 1. – Organisation possible des temps verbaux du français

Le Présent, temps morphologiquement non marqué du point de vue de l’époque, fonctionnerait ainsi, tantôt seulement comme un « non-passé » (d’où les emplois futuraux), tantôt comme un « non-passé & non-futur » (Présents actuel, habituel et gnomique).

Dans une notice consacrée au Futur, ou aux temps du futur, cette discussion est relativement marginale. Elle permet néanmoins de garder à l’esprit que la notion de « futur » telle qu’elle est généralement conçue, c.-à-d. dans le contexte des trois époques, ne va pas nécessairement de soi lorsqu’il s’agit de penser le système des temps verbaux.


2.3. Futur et modalités

Le rapport entre l’expression du futur et les modalités est un autre problème traditionnellement associé à la description des temps du futur. On peut résumer ce problème par la question suivante, formulée par Dahl (2000 : 310) : les énoncés référant à l’avenir se caractérisent-ils par une valeur de vérité particulière ?

D’assez nombreux linguistes ont répondu – et répondent encore – positivement à cette question, considérant qu’il y a une dissymétrie ontologique entre le passé et l’avenir. Ils associent alors les temps du futur à l’expression de certaines modalités, comme la possibilité ou l’incertitude, ou à l’expression de l’intention ou de la prédiction. La raison de cette association est bien exprimée dans le passage suivant, dans lequel Yvon proposait par ailleurs une révision de la nomenclature des temps verbaux :

Le mode indicatif sert à exprimer des faits réels ou donnés comme tels. Or nous ne connaissons pas les faits à venir ; nous pouvons les prévoir avec une extrême probabilité, mais non les présenter comme réels ; la réalisation en comporte toujours une part d’hypothèse ; l’avenir est d’une autre qualité, d’une autre nature que le passé et le présent. Je ferais qui exprime l’hypothèse plus que je ferai est encore moins à sa place à l’indicatif. C’est pourquoi au lieu de le rapprocher de je ferai je propose de réunir celui-ci à celui-là dans un mode nouveau auquel convient le nom de suppositif employé au xviiie siècle par Girard et Beauzée : je ferai sera le suppositif probable, je ferais le suppositif incertain
(Yvon 1956 : 165-166. L’auteur fait vraisemblablement allusion ici aux Vrais principes de la langue françoise de Girard (1747) et à la Grammaire générale de Beauzée (1767). Peut-être aussi aux articles « Tems » et « Suppositif » que Beauzée a rédigés pour l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert – cf. Beauzée 1765a et b.)

Cette analyse implique une conception asymétrique du temps. Elle est très ancienne et remonte au traité De l’Interprétation d’Aristote, comme le rappelle Gosselin (2021). Du point de vue du logicien Aristote, en effet, une proposition désignant un événement futur ne peut pas être évaluée en termes de vérité ou de fausseté ; elle n’est ni vraie ni fausse, elle est seulement possible. Cependant, certains grammairiens et linguistes ont transposé cette évidence empirique dans le domaine de la langue, en considérant que les temps grammaticaux du futur comportaient nécessairement des significations modales. Telle est manifestement la position défendue par Yvon. Plus près de nous, c’est également celle de Lagerqvist (2009), qui exclut le Futur du mode indicatif pour en faire un mode spécifique (mode du virtuel).

Cette question ne peut bien sûr pas être tranchée indépendamment de la langue considérée. On sait en effet que dans certaines langues, les temps du futur incluent dans leur signification une notion modale. Encore faut-il préciser ce que l’on entend par « modalité ». L’expression d’une intention ou d’une prédiction relève-elle de la modalité au même titre, par exemple, que l’expression d’une hypothèse ou d’une probabilité ? Se plaçant dans la perspective de la linguistique générale, Dahl (2000 : 309-313) distingue trois types de références au futur : celles faisant état d’une intention (Je passerai après-demain), celles faisant état d’une prédiction (Je lui manquerai beaucoup, je crois) et celles faisant état d’un événement planifié (scheduling) (Selon l’horaire, le train partira à 8h55). L’auteur montre que, selon le type de référence au futur, certaines langues ont une préférence marquée pour le Présent ou au contraire pour le Futur. Par exemple, lorsqu’il s’agit de prévisions météorologiques (prédiction), le finnois utilise le Présent, tandis que l’anglais et le français utilisent un temps du futur. Ces deux dernières langues, comme d’ailleurs beaucoup d’autres, préfèrent en revanche le Présent lorsqu’il s’agit de planification ; etc. Bref, des observations de ce type montrent que la futurité n’est pas grammaticalisée de la même manière selon la langue considérée.

Quoi qu’il en soit, on peut reprocher au raisonnement d’Yvon de confondre deux ordres de réalités qu’il conviendrait au contraire de distinguer :

– d’une part, notre expérience pratique et ordinaire du temps : à savoir, que le passé est du domaine de l’irrévocable (on ne peut pas agir sur le passé mais seulement tenter de mieux le connaître), et le futur du domaine du possible (on peut agir sur l’avenir et délibérer sur ce qu’il convient pour cela de faire ou ne pas faire) ;

– d’autre part, nos pensées, représentations et intentions de significations telles qu’elles s’expriment dans des actes de communication, indépendamment de l’époque concernée, de toute contrainte empirique et vérité de logicien.

Appelons, avec von Wright (1974), ontique le point de vue relatif à la première de ces réalités, et épistémique celui relatif à la seconde de ces réalités.

Manifestement, Yvon ne fait pas cette distinction et met sur le même plan la réalité ontique du futur, et les points de vue épistémiques qu’il est possible d’avoir quand on tient des propos sur le futur. Or, son analyse est démentie par nombre de nos énonciations quotidiennes utilisant un temps du futur, et par les intuitions sémantiques que nous avons sur ces énonciations. Ainsi, les Futurs simples des formulations suivantes peuvent difficilement être considérés comme signifiant seulement une « possibilité » ou comme comportant une modalité d’incertitude :

(1)  Demain, ça fera un an que ma vie a changé du tout au tout. (blog, 2020)

(2)  […] elle sait que ce sera bien différent face à Kristina Mladenovic. (L’Équipe, rubrique tennistique, 2017)

Dans (1), on conçoit mal que le locuteur ait le moindre doute quant à l’advenue du lendemain et donc d’une date qui est pour lui commémorative. Dans (2), le Futur est sous la dépendance du verbe savoir. Or, la signification de ce verbe est telle qu’elle présuppose la vérité de la proposition qu’il régit (savoir est un verbe « factif »), ce qui va à l’encontre des affirmations d’Yvon. Il paraît donc préférable de rejeter la conception selon laquelle les temps grammaticaux du futur seraient intrinsèquement porteurs d’une modalité d’incertitude, comme seule valeur ou en combinaison avec une valeur temporelle. Distinguant point de vue ontique et point de vue épistémique, von Wright écrit ce qui suit :

Ontically, the future is open (branching) and the past closed (linear). Past and future are thus, in a characteristic sense, asymmetrical.     
One could argue against the asymmetry between the past and the future in two ways:         
One way is to argue that both directions of time are, in fact, branching. This would be uncontroversially true in the epistemic sense. For, epistemically, both past and future are open. [suit un schéma avec ramification à gauche et à droite]   
One could, however, also argue that both directions in time are linear.
This is the position of determinism
(Von Wright 1974 : 34-35, les italiques sont de l’auteur)

Les linguistes appellent respectivement « modalistes » les tenants de la position adoptée par Yvon, et « temporalistes » les tenants de la position adverse. Les modalistes considèrent que la signification première des temps du futur est modale, les éventuelles significations temporelles étant secondaires et non systématiques, contextuellement déterminées. Les temporalistes défendent la position inverse. En germanistique, la position temporaliste est parfois appelée « futuriste » (cf. Confais 1995 : 372 sqq.).

Cependant, cela ne signifie pas que notre expérience ordinaire du temps, et la représentation qu’elle implique (le point de vue « ontique ») ne puissent pas interférer avec la signification de nos énoncés référant au futur et induire, dans certaines circonstances, des composantes modales. Par exemple, les énoncés associant Futur et 1ère personne sont fréquemment produits dans le but d’engager le locuteur à accomplir, ou ne pas accomplir, une certaine action (quand il fait une promesse ou profère une menace) ; et ceux associant Futur et 2e personne sont fréquemment produits dans le but d’inciter l’allocutaire à une certaine action ou au contraire de l’en décourager (injonction, interdiction, conseil), comme dans les exemples ci-dessous. C’est un point sur lequel nous reviendrons.

(3)  Je te dois quelque chose ? Parce que si je te dois quelque chose, dis-le, je te payerai. (J. Giono, 1929)

(4)  Va-t’en. À Veynes, tu demanderas au guichet un billet pour chez le cousin Blaise, c’est dans le Jura. Et si l’employé te demande d’où tu viens, tu lui diras de chez le cousin Blaise, de Provence. (B. Cendrars, 1948)

Or, ces significations (promesse, menace, injonction, interdiction, conseil) sont des modalités d’énonciation, des « forces illocutoires », et il est remarquable qu’elles supposent une position non déterministe sur le futur, dans laquelle les événements à venir ne sont que possibles ou probables. Elles incluent donc, dans leur logique même, une représentation ontique du temps. Comme on le voit, la relation entre modalités et temps du futur est plus complexe que ne le prétendent, du moins dans leurs versions radicales, les positions temporaliste ou modaliste .

La conception asymétrique, ontique du temps est parfois formulée au moyen de l’expression de « temps ramifié », appellation attribuée à Gardies (1975) et qui traduit l’anglais branching time (Rescher & Urquhart 1971). On entend par là le fait que le passé, par définition irrévocable, peut être figuré de façon unilinéaire tandis que le futur, qui relève du possible, peut quant à lui être figuré comme un ensemble de virtualités, donc de ramifications. On illustre généralement cette conception au moyen d’une figure comme celle ci-dessous :

Figure 2. – Représentation ramifiée du temps

Concernant le Futur, le point de ramification correspond au présent, instant où s’opère une « coupure modale » (Gosselin 2006, 2021). Ce type de figuration a par exemple été utilisé pour représenter la différence entre le Futur et le Conditionnel (e.g. Martin 1981, Vuillaume 2001, Azzopardi 2011, Gosselin 2018, Bres 2021), ou la différence entre le Futur simple et le Futur périphrastique (Lhafi 2022). Le lecteur trouvera dans Gosselin (2021 : 203-243) un chapitre entier consacré à la notion de temps ramifié.

Cependant, d’un point de vue épistémique, il n’est pas vrai non plus que le passé soit de l’ordre de l’irrévocable. Dans la mesure où il ne nous est que partiellement connu, le passé se prête à toutes sortes de spéculations, de révisions et d’hypothèses. L’expression de la contrefactualité en est un bon exemple. Dans la Figure 2, la représentation unilinéaire à gauche du point de ramification est donc elle aussi contestable, comme le note d’ailleurs von Wright dans l’extrait cité plus haut (cf. « epistemically, both past and future are open »). La notion de « fait » telle qu’elle est parfois définie, c’est-à-dire comme impliquant nécessairement un sujet connaissant (un sujet épistémique), est le corollaire de cette autre réalité du passé. Ainsi conçu, un fait nouveau n’est pas une situation récemment advenue, mais une situation dont l’advenue vient de parvenir à la connaissance d’un sujet (van de Velde 2006), ce qui est bien évidemment différent. La recherche historique ne cesse de mettre au jour des faits nouveaux. De sorte que, de même qu’on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve, il n’est pas moins vrai qu’on ne sait pas ce que le passé nous réserve.


2.4. Références bibliographiques importantes

Les références retenues ici sont de trois types : (i) textes abordant des questions générales comme les trois époques, le rapport entre Futur et modalité ou la notion de temps ramifié ; (ii) textes généraux sur le système des temps verbaux du français ; (iii) textes spécifiquement consacrés au Futur ou accordant une place importante à ce temps verbal.

(i)

COMRIE Bernard (1985). Tense. Cambridge : Cambridge University Press.

Ouvrage de linguistique générale sur les temps verbaux, complétant Aspect (1976), du même auteur chez le même éditeur.

DAHL Östen (2000). The grammar of future time reference in European languages. In: Ö. Dahl (ed.), Tense and Aspect in the Languages of Europe. Berlin: Mouton de Gruyter, 309-328.

Article dans un ouvrage collectif réunissant 21 contributions. L’article traite des différents dispositifs grammaticaux – dont les temps verbaux – au moyen desquels les locuteurs réfèrent au futur dans les langues de l’Europe.

LYONS John (1977). Semantics, vol. 2. Cambridge: Cambridge University Press. Trad. franç. : Sémantique linguistique. Paris : Larousse, 1980.

Manuel de sémantique conçu dans la perspective de la linguistique générale. Le chapitre 15 de l’édition anglaise (6 dans l’édition française) est consacré à la déixis, à l’espace et au temps.

(ii)

BARCELÓ Gérard J. & BRES Jacques (2006). Les temps de l’indicatif en français. Paris : Ophrys.

Présentation du système aspectuel et temporel des temps verbaux de l’indicatif du français, dans une perspective s’inspirant de Gustave Guillaume.

DAMOURETTE Jacques & PICHON Edouard (1911-1936). Des mots à la pensée : essai de grammaire de la langue française. Tome 5, §1820-1834 (p. 381-405). Paris : D’Artrey.

Les § 1820-1834 sont consacrés au Futur simple. Très nombreux exemples, illustrant une grande diversité de contextes et d’emplois.

GOSSELIN Laurent (1996). Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l’aspect. Louvain-la-Neuve : Duculot.

Ouvrage général sur le temps et l’aspect en français. Présente un modèle permettant de prédire la signification des énoncés à partir de la signification des marqueurs aspectuo-temporels qui les composent.

IMBS Paul (1960). L’emploi des temps verbaux en français moderne. Essai de grammaire descriptive. Paris : Klincksieck.

Ouvrage général sur le système aspectuel et temporel des temps verbaux de l’indicatif et du subjonctif du français, dans une perspective s’inspirant de Gustave Guillaume. Aborde également les infinitifs, les participes, la concondance des temps, et apporte quelques informations sur la fréquence des temps verbaux.

(iii)

AZZOPARDI Sophie (2011). Le Futur et le Conditionnel : valeur en langue et effets de sens en discours. Analyse contrastive espagnol / français. Thèse de doctorat, Université Paul Valéry – Montpellier III. (Accessible sur les archives ouvertes HAL. URL : https://hal.science/tel-00718652v1)

Ouvrage qui étudie les différents effets de sens du Futur et du Conditionnel en discours, à partir de l’hypothèse que ces temps verbaux ont une valeur unique en langue. L’étude compare le français et l’espagnol. Le tome II donne la liste complète des exemples utilisés, classés par temps verbal, par effet de sens et par langue.

MARTIN Robert (1981). Le futur linguistique : temps linéaire ou temps ramifié ? Langages 64, 81-92.

Article présentant les emplois temporels et modaux du Futur, et analysant de façon contrastive le Futur et le Conditionnel, à partir de la notion de temps ramifié. Adopte une perspective



3. Le Futur simple



3.1. Introduction

Le Futur simple est généralement caractérisé comme suit. Du point de vue temporel, c’est un temps verbal dont la valeur de base consiste à localiser le procès postérieurement au moment de l’énonciation. Du point de vue aspectuel, il est non déterminé (neutre) relativement à la distinction entre visée perfective et visée imperfective. C’est aussi un temps processif, ce qui signifie qu’il désigne toujours la phase processive du procès, contrairement au Futur antérieur, qui sert le plus souvent à désigner la phase résultative (valeur d’accompli). Cependant, les deux premières de ces caractérisations (futurité et non-détermination relativement à la distinction perfectif / imperfectif) ont donné lieu, et donnent encore lieu, à discussions.

3.1.1. Futurité

Comme nous l’avons vu au § 2.2., une longue tradition de pensée nous a habitués à concevoir le flux du temps en distinguant trois époques, passé, présent et futur, et à classer les temps verbaux en fonction de ces époques. Plusieurs linguistes ont toutefois défendu l’idée que certains temps verbaux du français, en particulier le Présent et l’Imparfait, traditionnellement rattachés respectivement au présent et au passé, étaient neutres du point de vue de l’époque, du moins dans leur signification « de base » (voir la notice Temps simples  >  , § 3.1.1. et § 3.2.1.).

Il en va différemment du Futur, dont la futurité a plus rarement été discutée. Il existe néanmoins quelques travaux qui ont argumenté en faveur d’une sorte de généralisation de la signification temporelle de ce temps verbal. Le premier qu’il faut mentionner est l’ouvrage de Weinrich (1973), Le temps, texte bien connu notamment pour la distinction entre commentaire et récit qui y est exposée et qu’on a souvent comparée à celle de Benveniste (1959) entre énonciation de discours et énonciation historique.

Pour bien comprendre la façon dont Weinrich conçoit les temps verbaux, il est nécessaire de commencer par présenter sa conception du fonctionnement temporel d’un texte. Weinrich (1973 : chap. 3) défend l’idée selon laquelle dans tout texte, deux temporalités sont toujours à l’œuvre :

(i) la première est celle du texte proprement dit, dont la production comme la réception sont elle-mêmes nécessairement inscrites dans le temps, se « déroulent » dans le temps, « consomment » du temps (temps du texte, Textzeit dans la version originale allemande). Chaque signe, dans le cours de la production-réception du texte, fonctionne comme un point zéro relativement auquel il y a un avant (les signes qui le précèdent) et un après (les signes qui le suivent) ;

(ii) la seconde temporalité est celle correspondant au contenu du texte, à ses référents, par exemple à la succession des « actions » constituant une narration (temps de l’action, traduit aussi par « temps de l’actance » dans Weinrich 1989, Aktzeit dans la version originale). Ici aussi, dans cette autre temporalité, chaque nouvelle « action » fonctionne comme un point zéro relativement auquel il y a un avant (les actions qui précèdent) et un après (les actions qui suivent).

Weinrich conçoit deux types de rapports entre ces temporalités. Prenons l’exemple classique de la narration utilisant des temps du passé (Passé simple, Imparfait, Plus-que-parfait, Passé antérieur, Conditionnel). Dans ce type de texte, le choix des temps verbaux peut être non-marqué : la chronologie du temps du texte reflète alors celle du temps de l’action. Quand cette situation se présente, le point zéro est signalé par le Passé simple et l’Imparfait. Ces temps indiquent en effet que, à défaut d’information contraire, le procès qu’ils désignent dans le temps de l’action a lieu au moment même de leur occurrence dans le temps du texte. Autrement dit, à défaut d’information contraire, un Passé simple indique que le procès qu’il désigne est postérieur au procès désigné par le Passé simple qui le précède, et antérieur au procès désigné par le Passé simple qui le suit ; et l’Imparfait, en raison de son imperfectivité, conserve le point zéro du verbe qui le précède. Le temps du texte et le temps de l’action sont ainsi, d’une certaine manière, synchrones.

Mais ces deux temporalités peuvent également ne pas être synchrones. Cette situation se produit avec des temps verbaux que Weinrich qualifie de rétrospectifs et de prospectifs. Dans le cas de la narration classique au passé, il s’agit, pour la rétrospectivité, du Plus-que-parfait et du Passé antérieur (qui signalent une antériorité par rapport au point zéro atteint par le récit) ; et, pour la prospectivité, du Conditionnel (qui signale une ultériorité par rapport au point zéro atteint par le récit, donc une information anticipée). Weinrich donne le nom de « perspective de locution » (Sprechperspektive) à ces asynchronies entre temps du texte et temps de l’action. Au total, le système des temps verbaux tel que le conçoit Weinrich se présente comme suit :

  Temps du commentaire Temps du récit
Temps de la rétrospection Passé composé Plus-que-parfait, Passé antérieur
Temps zéro Présent Imparfait, Passé simple
Temps de la prospection Futur Conditionnel

Temps verbaux du commentaire et temps verbaux du récit
(d’après Weinrich 1973 : 69)

Comme on le voit, le Futur pour Weinrich n’est pas un temps verbal marqué spécifiquement comme désignant l’époque future, mais comme signalant la prospectivité, plus exactement une information anticipée. Cette anticipation peut se manifester déictiquement par la désignation d’un procès futur, comme dans (5) ; mais elle peut aussi se manifester de façon non futurale, comme c’est typiquement le cas des Futurs « historiques », c’est-à-dire quand, dans une narration utilisant des temps du passé ou le Présent à valeur historique, survient un Futur, comme dans l’extrait d’article nécrologique (6) :

(5)  avant cela je vous signale que l’Avventura [= nom d’une émission de radio] de Laure Adler (h) aura pour invitée euh Chantal Ackerman/ qu’on n’a pas parlé aujourd’hui du film de Jean-Marie Straub et Daniel Huillet parce qu’on en parlera (h) la semaine prochaine\
(radio, 18.10.2006. ‘/’ note une intonation montante, ‘\’ une intonation descendante, ‘(h)’ une prise d’air, les petites capitales une emphase)

(6)  Révélée par son roman Elise ou la vraie vie, prix Femina 1967, Claire Etcherelli, qui fut une précieuse collaboratrice de Simone de Beauvoir, est morte le 5 mars à l’âge de 92 ans.       
Les débuts dans la vie de la jeune Claire sont difficiles. […].       
Elle refuse de se présenter au bac, arrête ses études, se marie, mais divorcera un an après la naissance de son premier enfant. Un autre viendra, qu’elle élève seule encore. (Le Monde, 17.03.2023)

Cette conception du Futur aboutit à mettre au second plan la distinction entre repérage déictique et repérage anaphorique – distinction habituellement considérée, au contraire, comme centrale par beaucoup de linguistes. Ce temps verbal est alors conçu comme signalant l’anticipation par rapport à un repère, que ce dernier soit le moment de l’énonciation ou le point zéro dans le temps du texte. On aura noté qu’il est beaucoup question de texte, dans l’ouvrage de Weinrich, mais ces considérations sur les temps verbaux valent pour toute activité de parole.

Cette analyse est également celle défendue par Touratier (1996), qui écrit ce qui suit :

Le morphème de futur n’exprime pas à proprement parler l’avenir, mais ce qui est « projeté, envisagé ». Quand ce signifié est appliqué au domaine temporel, à partir d’une énonciation de discours, c’est-à-dire d’une énonciation dont les coordonnées spatio-temporelles sont définies par le « maintenant et ici » des interlocuteurs, il prend la valeur temporelle de « projeté pour l’avenir », c’est-à-dire pour un moment postérieur au moment de l’énonciation […]. (Touratier 1996 : 232)

Dans un article sur le Présent et le Futur historiques, Revaz (2002) arrive elle aussi à des conclusions similaires. Pour cette auteure, le Futur n’est pas un temps verbal grammaticalement marqué comme désignant un moment postérieur au moment de l’énonciation, mais comme produisant une « projection » par rapport à un moment de référence posé ou présupposé dans le texte (2002 : 92). On retrouve ici la même double interprétation de la notion de repère. Quant à Vetters (2017), qui plaide pour une conception des temps verbaux « qui ne s’appuie pas sur la tripartition passé–présent–futur », il caractérise temporellement le Futur au moyen du trait sémantique [+ultérieur].

Ces analyses présentent l’intérêt de faire du Futur historique, traditionnellement considéré comme un emploi particulier du temps verbal, un emploi tout à fait ordinaire. Elles vont donc à l’encontre de la conception de la rhétorique classique qui voit dans l’emploi historique du Présent et du Futur une énallage de temps, c’est-à-dire une figure consistant à utiliser un temps verbal d’une manière qui s’écarte de sa valeur supposée première afin de produire un effet particulier.

3.1.2. Non-détermination relativement à la distinction perfectif / imperfectif

Cette non-détermination aspectuelle est un autre point qui a donné lieu à quelques divergences d’analyse. Rappelons qu’un temps perfectif a la propriété de représenter la temporalité du procès signifié par le verbe comme une totalité inanalysée ; on dit alors également que l’aspect est « global ». Au contraire, un temps verbal imperfectif se caractérise par le fait de représenter la temporalité du procès signifié par le verbe comme en cours, c’est-à-dire comme ayant déjà commencé et n’étant pas encore parvenue à son terme ; on dit également que l’aspect est « sécant » , « inaccompli » ou encore « cursif ». Le Passé simple est un temps typiquement perfectif, alors que l’Imparfait est typiquement imperfectif. La question est donc de déterminer si le Futur fonctionne de la même manière que le Passé simple ou que l’Imparfait.

À cette question, la plupart des spécialistes des temps verbaux répondent en général que le Futur est non déterminé relativement à cette distinction. À quelques nuances près et avec une terminologie variée, telle est l’analyse de Sten (1952 : 56), Imbs (1960 : 54-55), Weinrich (1989 : 153) , Novakova (2001a : 12, 18), Gosselin (2005 : 147-149), Barceló & Bres (2006 : 103), Abeillé & Godard (2021 : 1232), pour ne citer que ceux-là. Deux types d’arguments sont généralement évoqués.

Le premier est systémique et donc théorique. Il consiste à observer que le système des temps verbaux du français permet, lorsqu’il s’agit de désigner un procès passé, de distinguer entre visée perfective et visée imperfective : dans le premier cas, c’est un Passé simple ou un Passé composé qui est choisi ; dans le second cas, un Imparfait. Or, les temps à disposition pour le futur ne permettent pas de faire cette distinction. Il paraît donc assez logique d’en inférer que la distinction entre visée perfective et visée imperfective, grammaticalement disponible quand il s’agit de désigner un procès passé, est grammaticalement neutralisée quand il s’agit de désigner un procès à venir.

Le second argument est empirique et vient en quelque sorte confirmer l’argument théorique : on trouve aisément des formulations où le Futur doit être interprété comme perfectif, et non moins aisément des formulations où il doit être interprété comme imperfectif. Comme c’est généralement le cas dans ce genre de situation, ce sont des éléments contextuels qui déterminent, ou simplement favorisent l’une ou l’autre interprétation. Il convient de rappeler ici que le verbe proprement dit (le lexème verbal) est le premier élément contextuel du grammème de temps verbal. Il faut donc s’attendre à ce que les propriétés sémantiques, et notamment aspectuelles, du lexème verbal interviennent dans cette interprétation.

À cet égard, les régularités suivantes ont été observées (Gosselin 2005, 2021) :

– Le Futur produit un aspect perfectif (« aoristique », dans la terminologie de cet auteur) lorsque le procès est télique. Rappelons qu’on qualifie de « télique » un procès incluant son propre terme, un procès qui ne peut pas être poursuivi au-delà de ce terme (Garey 1957). Dans les exemples ci-dessous, afficher un dessin, trouver une solution, lier les mains et couper les cheveux sont des procès téliques.

(7)  On lui a donné une très grande feuille pour qu’elle puisse dessiner tous les convives. On affichera ce dessin sur le mur pendant le repas. (P. Picquet, 2013)

(8)  Vos spécialistes trouveront une solution correspondant à vos besoins d’audition, du plus petit intra-auriculaire au plus performant des contours. (www.auditionconseil.fr/)

(9)  Il y a un homme qui va mourir, et il faut que ce soit vous qui le consoliez. Il faut que vous soyez là quand on lui liera les mains, là quand on lui coupera les cheveux [...] (V. Hugo, 1829)

La perfectivité rend possible les compléments temporels en « en + durée », qui sont en revanche incompatibles avec l’imperfectivité  :

(7a)  On affichera ce dessin en un tournemain.

(8a)  Vos spécialistes trouveront une solution en quelques minutes.

(9a)  En quelques minutes on lui liera les mains et on lui coupera les cheveux.

– Pour que le Futur puisse produire un aspect imperfectif (« inaccompli » dans la terminologie de Gosselin), les circonstances suivantes sont nécessaires :

(i)  le procès doit être atélique et non ponctuel ; autrement dit, dans les termes de la typologie de Vendler (1957), ce doit être une activité ou un état ;

(ii)  le contexte doit fournir ou rendre accessible une information de localisation temporelle ponctuelle ; celle-ci peut être donnée par un circonstanciel ou par un autre procès, incident au procès atélique ; cette relation d’incidence peut également être signalée explicitement au moyen d’une circonstancielle de concomitance (pendant que, tandis que, quand).

L’une ou l’autre de ces conditions sont présentes dans les exemples suivants :

(10)  Quand nous regarderons la télévision, il sera dans sa chambre à lire. Il est plus intéressé par ça. (https://drumpe.com/)

(11)  – Où est-ce qu'on peut aller?
– Mes parents ne sont pas là, dit Jicky. Juste mon petit frère. Il dormira. Venez à la maison. (Vian, 1946)

(12)  Les papiers seront prêts pour la mi-juin, annonça un matin Faustus. (C. Schmit, 2017)

Dans (11), le procès incident est implicite et le texte invite à comprendre il dormira comme signifiant : ‘quand on arrivera chez mes parents, mon petit frère sera (déjà) en train de dormir’.

L’imperfectivité rend possible les compléments temporels en « depuis + durée », qui sont en revanche incompatibles avec la perfectivité (d’où l’anomalie temporelle de : Il déjeuna depuis une heure), ce que montrent les manipulations ci-dessous :

(10a)  Quand il viendra nous souhaiter bonne nuit, nous regarderons la télévision depuis deux heures au moins.

(11a)  Mes parents ne sont pas là, dit Jicky. Juste mon petit frère. Il dormira depuis un bon moment.

(12a)  Les papiers seront prêts depuis plusieurs jours.

Le Futur interprétable comme imperfectif s’accommode également de l’adverbe déjà avec la signification de « survenance précoce ». Or, quand il produit cette signification, déjà ne peut pratiquement se combiner qu’avec des temps verbaux intrinsèquement imperfectifs ou employés imperfectivement (Martin 1971).

(13)  Ce samedi 7 janvier va débuter sous les nuages le long du littoral alors que le soleil brillera déjà dans l’arrière-pays azuréen. (site de Nice-Matin, 07.01.2023)

Dans les textes narratifs au Futur, certes assez rares, une façon de faire apparaître la visée aspectuelle du temps verbal est de transposer le texte au passé. En français, le système des temps verbaux du passé oblige en effet à choisir entre une représentation perfective (Passé composé à signification processive ou Passé simple) ou imperfective (Imparfait). Soit l’extrait ci-dessous :

(14)  A Gênes, vous quitterez ce compartiment de troisième classe que vous aurez pris en horreur ; le jour ne sera pas encore levé, le rideau devant la fenêtre sera toujours baissé, dans le lampadaire la veilleuse bleue continuera de teindre de sa lueur les visages de ces hommes et de ces femmes qui respireront pesamment […]. (M. Butor, 1957, 184)

Il y a évidemment plusieurs manières d’interpréter la chronologie des événements dans un texte. Cependant, transposé d’une façon classique alternant par exemple Passé composé et Imparfait, l’extrait de M. Butor pourrait prendre la forme suivante, qui donne la même représentation de la chronologie des procès :

(15)  A Gênes, vous avez quitté ce compartiment de troisième classe que vous aviez pris en horreur ; le jour n’était pas encore levé, le rideau devant la fenêtre était toujours baissé, dans le lampadaire la veilleuse bleue continuait de teindre de sa lueur les visages de ces hommes et de ces femmes qui respiraient pesamment […].

Cette manipulation montre bien les types de procès préférentiellement interprétés comme perfectifs et comme imperfectifs.

Pourtant, en dépit d’exemples comme ceux présentés ci-dessus, certains linguistes ont vu dans le Futur un temps intrinsèquement perfectif, notamment dans le sillage de la théorie psychomécanique de Guillaume (Martin 1971 : 117-122, Wilmet 1997 : § 481-482), mais pas seulement (Vet 1980 : 81 et suiv., 1981 : 117).

Wilmet et Vet se bornent malheureusement à affirmer cette perfectivité, mais sans réelle argumentation. Ainsi, Vet (1981 : 117), commentant (16) et (17), écrit qu’« on constate qu’elles [ces phrases] ont l’aspect perfectif ; on y considère la situation entière » :

(16)  Jeanne a joué du piano.

(17)  Jeanne jouera du piano.

Si cette affirmation ne pose pas de problème pour le premier exemple, elle est beaucoup plus douteuse pour le second, compte tenu de l’absence de toute discussion sur les contextes où l’on pourrait rencontrer cette formulation. Voir l’exemple suivant, où la même forme jouera se trouve dans un contexte (pendant que) imposant une interprétation imperfective :

(18)  Ces adorables animaux feront du bain un véritable moment de joie et de bonheur. Vous pourrez tranquillement laver votre bébé pendant qu’il jouera avec ses animaux flottants. (www.peekaboo.fr/, s.d.)

Quant à Martin (1971 : 117-122), il raisonne à partir d’un rapprochement avec l’Imparfait, le Passé composé et le Passé simple, et se demande auquel de ces temps verbaux correspond aspectuellement le Futur quand il s’agit de désigner un procès à venir. Lorsqu’il aborde la comparaison avec l’Imparfait, et pour montrer que le Futur résiste à fonctionner comme un imperfectif du futur, il donne deux arguments, mais qui sont malheureusement contredits par de nombreux faits. Le premier, qu’il reprend à Klum (1961), est que le verbe se mourir « refuse aussi énergiquement le Futur que le Passé simple et ne se rencontre qu’au Présent et à l’Imparfait » (p. 119) ; le second est qu’il est incompatible avec l’adverbe déjà.

Or, comme on vient de le voir, il n’y a aucune incompatibilité entre déjà et le Futur, pour autant que le contexte rende possible une interprétation imperfective. Quant au verbe se mourir, il est loin d’être inexistant au Futur, comme le montrent les formulations suivantes, qui n’ont rien d’exceptionnel :

(19)  Mais qu’importe, ils obtiendront une note comprise entre 16 et 20, une note dont on ne sait plus trop ce qu’elle sanctionne […], une note surtout qui assure la survie de nos postes. Le contrat est rempli : c’est pour cette note, bienvenue dans la course aux points de l’examen, que, très majoritairement, les élèves suivent cette option. Sur cet argument, d’autres cohortes d’hellénistes et de latinistes se constitueront, nos postes seront sauvés. Et le latin et le grec se mourront chaque jour davantage. (Article d’un prof de langues anciennes, Saxifrage, 2015)

(20)  A défaut de quoi, les ruptures de liquidités deviendront la monnaie courante et le projet se mourra, exsangue et regrettable. (https://kiliza.altervista.org/, 2023)


3.2. Emplois

3.2.1. Usage et mésusages de la notion d'emploi.

Comme pour la plupart des autres temps verbaux, la littérature sur le Futur abonde de listes d’emplois et d’appellations, plus ou moins convergentes et plus ou moins détaillées. Cependant, qu’elles soient ou non explicitement conçues comme des typologies, ces listes aboutissent souvent à singulariser des types dont la pertinence apparaît pour le moins discutable. Dans ce qui suit, on s’en tiendra à sept sources qu’on peut considérer comme représentatives : Imbs (1960 : 42-55), Martin (1981 : 82-83, 1983 : 141-142), Touratier (1996 : 177-181), Wilmet (1997 : 381-383), Barceló & Bres (2006 : 104-110), Riegel et al. (2009 : 549-553) et Abeillé & Godard (2021 : 1242-1243). À l’exception d’Abeillé & Godard, qui se montrent comme nous très sceptiques vis-à-vis de certains de ces types, ces textes distinguent tous entre huit et dix types.

Les problèmes les plus récurrents que soulèvent ces listes sont les suivants :

Tout d’abord, on observe une tendance à accorder une importance excessive à des particularités purement « référentielles » et contingentes, sans rapport avec le grammème de temps verbal. Par exemple, on est en droit de s’interroger sur l’intérêt qu’il y a de distinguer, comme le fait Wilmet (1997), un Futur « proche » et un Futur « lointain », illustrés respectivement avec des exemples comme : Au troisième top, il sera exactement…(horloge parlante), et Malborough reviendra à Pâques ou à la Trinité (p. 382) .

Un deuxième problème, plus discret, consiste à attribuer au temps verbal une caractéristique qui appartient en réalité au contexte linguistique et énonciatif dans lequel il se trouve. Concernant le Futur, l’exemple peut-être le plus représentatif de cette méprise est le type désigné comme Futur « de protestation ». L’exemple qu’en donne Imbs (1960 : 52) est extrait du Tartuffe :

(21)  Quoi ? Je souffrirai, moi, qu’un cagot de critique
Vienne usurper céans un pouvoir tyrannique ; (Molière, 1669)

Qualifié aussi de Futur « d’indignation » (Martin 1981), ou décrit comme exprimant un « avenir inadmissible » (Damourette & Pichon, t.5, § 1827), cet emploi du Futur a été repris dans plusieurs publications, y compris dans des grammaires de référence (par ex. Riegel et al. 2009). Les exemples donnés commencent presque toujours par cette même exclamation : Quoi !, suivie d’un énoncé à valeur exclamative ou interrogative. Il est clair ici que le Futur n’a rien à voir avec cette valeur particulière qu’est l’indignation. Formulés au Passé composé, ces énoncés n’en exprimeraient pas moins la même valeur. Comme l’a noté Vetters (2011 : 347), le Futur ne fait ici que signifier la futurité (voir aussi les critiques de ces typologies dans Abeillé & Godard 2021 : 1243). On pourrait en dire autant du Futur « prédictif » ou du Futur « prophétique » mentionnés dans plusieurs de ces typologies. Ces exemples sont révélateurs d’une tendance générale à attribuer au temps verbal des caractéristiques énonciatives ou illocutoires qui appartiennent en réalité à l’énoncé dans lequel il se trouve ou aux circonstances dans lesquelles il est produit (statut de l’énonciateur, etc.), et nullement au temps verbal proprement dit.

Le troisième problème est la variabilité des dénominations, avec les malentendus qu’elle peut parfois provoquer. Tel emploi est nommé tantôt Futur « de conjecture », tantôt « de probabilité », tantôt encore « épistémique » ; tel autre, « d’atténuation », « de politesse », « de discrétion », « de mitigation » ; tel autre encore, « de narration », « historique », « des historiens », « d’anticipation », « de perspective », etc.

Une quatrième difficulté que rencontrent ces listes est la suivante. La plupart distinguent, à un premier niveau, entre emplois « temporels » et emplois « modaux ». Mais certains auteurs distinguent trois catégories d’emplois. C’est ainsi que Touratier (1996) distingue les emplois « temporels », les emplois « qui ne semblent pas proprement temporels » et les emplois « non temporels » ; et Vet & Kampers-Manhe (2001), les emplois temporels, modaux et illocutionnaires (on y revient plus bas).

Enfin, les auteurs sont loin de s’accorder sur la façon de répartir les différents types dans ces catégories. Ainsi Martin classe-t-il comme modal le Futur « gnomique », i.e. générique (Un coup de dés jamais n’abolira le hasard), que Imbs et Riegel et al. considèrent comme temporel. De la même façon, Imbs classe comme temporelle la variante « prophétique » (Il adviendra dans l’avenir que le mont du Temple de Yahvé sera établi au sommet des montagnes), que Martin classe comme modale.

Comme on le voit, les travaux abordant les emplois du Futur peinent à produire des classifications robustes. Qu’elles s’affichent ou non comme des typologies, les listes habituellement données n’ont en réalité que peu à voir avec les classifications systématiques telles qu’on les pratique par exemple dans les sciences de la nature. En fait, elles s’apparentent davantage à de simples inventaires informels d’effets de sens, plus ou moins disparates et complétables pratiquement ad libitum. La difficulté provient vraisemblablement de la notion même d’emploi qui, en dépit de son apparente évidence, et de sa commodité, incite peu ou prou à confondre l’objet étudié (le grammème de Futur) et l’environnement dans lequel il se trouve. Pourtant force est de constater qu’il est difficile de se passer complètement d’une telle notion.

3.2.2. Typologie minimale

Afin d’éviter une prolifération non contrôlée de types, on s’en tiendra ici aux cas présentant l’une des deux caractéristiques suivantes :

– D’une part, un décalage apparent entre la localisation temporelle signifiée par le Futur et la localisation temporelle effective du procès ou des circonstances que désigne le verbe. D’une certaine manière, ce décalage apparaît comme une anomalie, et l’effet sémantique observé comme la conséquence de cette anomalie (Gosselin 2005 parle de « résolution de conflit »). Ce mécanisme est celui des Futurs de conjecture (Il est absent ? Il sera malade), de bilan (On aura tout entendu !) et d’atténuation (Ce sera tout ?), qui semblent concerner le moment de l’énonciation.

– D’autre part, la cooccurrence entre la futurité et un élément spécifique de l’énoncé, quand cette cooccurrence produit une conséquence sémantique plus ou moins stable et régulière. Tel est le cas du Futur aux 1ères et 2èmes personnes grammaticales, induisant une interprétation promissive ou directive, ainsi qu’avec certains contextes projectifs.

Dans la mesure où, dans tous ces cas, certaines conséquences sémantiques plus ou moins constantes sont associées au Futur, et selon une logique qu’il est possible d’analyser et d’expliquer, on est fondé à singulariser ces cas et à en faire des types. Toutefois, on prendra garde de ne pas considérer les significations décrites dans ces emplois comme intrinsèquement attachées au grammème de Futur.

Au total, nous retenons 6 emplois :

– Futur littéral (§ 3.2.2.1.)
– Futur exprimant une conjecture (§ 3.2.2.2.)
– Futur exprimant l’idée de bilan (§ 3.2.2.3.)
– Futur exprimant l’atténuation (§ 3.2.2.4.)
– Futur associé à un acte promissif ou directif (§ 3.2.2.5.)
– Futur projectif (§ 3.2.2.6.)

3.2.2.1. Futur littéral

Nous utilisons ici le qualificatif de « littéral » plutôt que celui de « temporel ». Ce dernier qualificatif laisse en effet entendre que la temporalité ou la futurité sont absentes des autres emplois du Futur, ce qui est évidemment contredit par les faits. À cet égard, force est de constater que l’opposition temporel VS modal est éminemment trompeuse.

Il s’agit du cas où la futurité du Futur n’a d’autre fonction que d’indiquer que le procès désigné est localisé postérieurement à un repère. Ce repère est par défaut le moment de l’énonciation, comme dans (22)-(23) ; mais il peut aussi être localisé dans un passé, réel ou imaginaire, comme c’est le cas du Futur « historique » – ex. (24)-(25) –, dont il a déjà été question plus haut § 3.1.1., et qu’on qualifie parfois aussi de « narratif ».

(22)  Vers 7h du soir Mme Sicre arrive. Sur le journal, elle a vu que les voyages au-dessus de 100km seront supprimés à partir de mardi. Maman partira demain avec elle. (A. Dupuis, 1945)

(23)  d’abord on avait pas l’droit d’être maquillées à + au lycée + c’était strictement interdit et j’me rappellerai toujours une de une de nos + compagnes comme on disait à l’époque qui était arrivée maquillée maquillée maquillée […] au cours de philo (CFPP2000, ‘+’ note une pause brève)

(24)  [Il est question de Victor Hugo] il était terrorisé par l’idée de devenir aveugle/ mais pas par l’idée de devenir fou\ mais c’est sûr qu’elle [la folie] rôdait autour de lui\ ça c’est c’est certain euh.. elle rôdait autour de lui/ on peut le dire d’autant plus que donc euh sa fille Adèle aura la même destinée/ euh tragique/ elle reviendra en France euh... après le retour d’exil/ vraiment folle/ et sera internée euh vraiment même histoire qu’Eugène Hugo/ hein sera internée dans un dans un asile/ et de tous ses enfants ce sera la seule qui lui survivra
(radio, 24.08.2023, 29’28’’. ‘/’ note une intonation montante, ‘\’ une intonation descendante, ‘.’, ‘..’, ‘…’ des pauses de longueur croissante)

(25)  Il fait ses premiers pas à la clinique du Burghölzli à Zurich. Cet établissement reste attaché à des noms majeurs de l’histoire de la psychopathologie : Eugène Bleuler, Ludwig Binswanger ou Carl Jung pour n’en citer que les majeurs. Il se formera également aux États-Unis auprès du psychanalyste John Rosen, théoricien de « l’analyse directe » des schizophrènes. Il deviendra ensuite professeur de psychiatrie à l’université de Bâle. (Extrait d’une nécrologie du psychiatre Gaetano Benedetti, parue dans Pratiques en santé mentale, 2014/2)

Une situation d’emploi encore différente, mais non moins littérale, est le cas où la futurité, comme dans (24)-(25), est interne au texte, tout en étant une futurité déictique. C’est ce que Levinson (1983 : 85 et suiv.) appelle « déixis discursive » ou « déixis textuelle ». Exemple :

(26)  Depuis quelques années maintenant, trois évaluations comparatives au moins sont publiées chaque année dans ce domaine, sans parler du flot régulier d’évaluations ponctuelles. Nous examinerons plus loin les objectifs de ces évaluations comparatives. Pour l’instant, disons simplement qu’elles varient au niveau du domaine couvert et de leur objet. (F. Bannister, 2007)

On peut expliquer la déixis discursive de la façon suivante. Tout discours, ou tout texte, se déploie dans le temps (celui de sa production ou de sa réception) et dans l’espace lorsqu’il s’agit d’un écrit. Il fonctionne donc à la manière d’un vecteur vertical (Berrendonner 1997). Le principe de la déixis discursive est d’utiliser, à un site du texte, l’une des deux dimensions constituant ce vecteur (temps ou espace) comme repère pour désigner un autre site du même texte. Dans l’exemple ci-dessus, ce sont à la fois les dimensions temporelle (le Futur) et spatiale (cf. plus loin) qui sont utilisées pour cette manœuvre. Un peu plus bas dans cet extrait, on rencontre encore l’expression Pour l’instant, qui appartient au même type de déixis.

3.2.2.2. Futur exprimant une conjecture

La futurité peut également porter non pas sur le procès, mais sur le moment où est validé l’énoncé faisant état de ce procès. Selon le contexte dans lequel cette signification se produit, deux effets interprétatifs peuvent en découler : la conjecture et le bilan. Le premier a été assez abondamment décrit ; le second est, à notre connaissance, généralement ignoré dans la littérature sur le Futur simple. Ci-après, la section consacrée au Futur de conjecture est donc beaucoup plus développée que celle consacrée au Futur de bilan.

Le Futur de conjecture est également appelé « de probabilité » ou « épistémique » quand on veut le rattacher explicitement au champ des modalités. La plupart des descriptions qu’on en a données insistent surtout sur la valeur hypothétique de ce Futur, sur l’effet de conjecture qu’il produit, mais ne soulignent pas assez sa dimension explicative. Pourtant cette seconde dimension, qui relève de l’organisation du discours, est non moins importante. Voici quelques exemples souvent mentionnés dans la littérature, plusieurs étant repris de Damourette & Pichon (1911-1936) :

(27)  Françoise, mais pour qui donc a-t-on sonné la cloche des morts ? Ah ! mon Dieu, ce sera pour Mme Rousseau. Voilà-t-il pas que j’avais oublié qu’elle a passé l’autre nuit. Ah ! il est temps que le Bon Dieu me rappelle, je ne sais plus ce que j’ai fait de ma tête depuis la mort de mon pauvre Octave. (M. Proust, 1913)

(28)  « C’est Chaboche, le secrétaire, dit Marbot très excité. Je vais voir ce qu’il y a. ». […] « Qu’est-ce que tu crois que c’est ? » demande le typo. Il a pris un ton détaché mais sa voix ne trompe pas : c’est la voix qu’ils prennent tous, cent fois par jour, leur voix d’espoir. Brunet hausse les épaules : « Ce sera les Russes qui auront débarqué à Brême ou les Anglais qui auront demandé l’armistice : ça ne change pas. » (J.-P. Sartre, 1949)

(29)  – […] Croyez-vous que je viens de voir comme je vous vois Mme Goupil avec une fillette que je ne connais point. Allez donc chercher du sel chez Camus. C’est bien rare si Théodore ne peut pas vous dire qui c’est.
– Mais ça sera la fille à M. Pupin, disait Françoise qui préférait s’en tenir à une explication immédiate […]. (M. Proust, 1913)

(30)  « Les zeppelins ! les zeppelins ! – Mais non, Madame, répond une voix du fond de l’obscure alcôve ; c’est les pompiers, y aura une [sic] incendie. » (M. Demaison, 1915)

(31)  Quand elle [une prière] fut finie, on entendit frapper à la porte de la ruelle. Gasselin alla ouvrir.
– Ce sera sans doute M. le curé, il vient presque toujours le premier, dit Mariotte.
En effet, chacun reconnut le curé de Guérande au bruit de ses pas sur les marches sonores du perron. (H. de Balzac, 1839)

Les travaux consacrés au Futur simple de conjecture s’accordent pour lui reconnaître trois caractéristiques : sa rareté, le fait qu’il ne concerne pratiquement que deux verbes, être et avoir, et le fait que le Futur antérieur a des emplois analogues, mais beaucoup plus fréquents et non limités à certains verbes :

(32)  Victoire quitta Luna-Park. Derrière son genou, le long du mollet, un filet de sang. Elle se sera écorchée, pensa Raymond. (B. Poirot-Delpech, 1984)

Les deux Futurs antérieurs de (28), déclenchés par ce sera les Russes, sont eux aussi conjecturaux.

À propos de sa rareté, Barceló & Bres (2006) notent toutefois que le Futur simple de conjecture est fréquent dans le français régional de Corse. La même observation a été faite en ce qui concerne le Futur en italien (Rocci 2000, Baranzini & Saussure 2017).

À propos de la limitation aux verbes être et avoir, Sthioul (2007 : 118) a forgé l’exemple suivant, pour montrer que d’autres verbes sont tout à fait plausibles (voir également Saussure & Morency 2012 : 214) :

(33)  Son train traversera un tunnel [c’est pourquoi son mobile est en ce moment inatteignable].

Baranzini & Saussure (2017) considèrent cependant que les procès instantanés (les achèvements de Vendler) sont incompatibles avec le Futur simple exprimant une conjecture.

Compte tenu de la signification qu’il produit, on pourrait substituer à ce type de Futur le verbe devoir épistémique suivi de l’Infinitif, sans modification sémantique notable du résultat. Soit, si l’on reprend les exemples (27)-(31) ci-dessus :

– ça doit être pour Mme Rousseau
– ça doit être les Russes qui ont débarqué ou les Anglais qui ont demandé l’armistice
– ça doit être la fille à M. Pupin
– il doit y avoir un incendie
– ça doit être M. le curé

La modalité engendrée par le Futur est parfois sanctionnée par un adverbe, comme sans doute dans l’exemple (31).

Quelques travaux observent de surcroît que les énoncés concernés sont majoritairement de type présentatif (Rocci 2000, Stage 2002) : leur fonction est d’identifier une entité associée à un événement récent, et dont l’identification fait problème : une personne, un lieu, une circonstance, une cause, un fait, etc. C’est ce qui explique la fréquence du verbe être dans ce type de Futur simple (ce sera pour Mme Rousseau, ce sera les Russes, etc.).

Un autre élément caractéristique est l’incertitude à laquelle l’énoncé est censé apporter une réponse hypothétique. Cette incertitude concerne dans la majorité des cas, comme on vient de le voir, un problème d’identification, qui précède et motive l’énoncé au Futur. Ce problème apparaît comme un préalable indispensable à l’interprétation de beaucoup de Futurs simples comme conjecturaux : dans (27), il s’agit de savoir pour qui a sonné la cloche des morts  ; dans (28), de connaître la cause d’une certaine agitation ; etc. Il y a alors, entre cette séquence préalable et l’énoncé au Futur simple, une relation de discours particulière, comme l’a noté Rocci (2000) : celle d’explication.

Cependant, il peut arriver que le Futur de conjecture ne réponde pas à un problème d’identification. Dans l’exemple suivant, que Vendryès mentionne malheureusement sans aucun contexte, mais où c’est clairement une conjecture qui est exprimée, le temps verbal ne paraît pas nécessairement motivé par une fonction explicative :

(34)  Il sera à Paris à l’heure qu’il est. (< Vendryès 1921 : 120)

Toute explication, a fortiori si elle est présentée avec un statut de conjecture, mobilise des connaissances d’arrière-plan ainsi que des inférences. C’est pourquoi la question a parfois été posée de savoir si le Futur simple de conjecture pouvait être considéré comme un marqueur évidentiel. Rappelons que l’évidentialité concerne le marquage, par des moyens grammaticaux ou lexicaux, de la manière dont le locuteur a obtenu l’information donnée dans l’énoncé (on parle communément, dans ce paradigme, de source de l’information). On distingue en général trois types de sources : la parole d’autrui, l’inférence et la perception (voir la notice Marqueurs de l’évidentialité  >  ). Le Conditionnel dit parfois « journalistique » ou « de ouï-dire » (type : Un loup aurait été aperçu non loin de la tour Eiffel) est souvent donné comme un cas de marquage évidentiel en français (Squartini 2001). La question est donc de savoir si le Futur de conjecture est un marqueur évidentiel d’inférence.

Cette question donne lieu à deux types de réactions. La première consiste à ne prendre en considération que l’effet de conjecture inférée qu’engendre le temps verbal dans certains contextes, indépendamment de la signification intrinsèque et constante de ce temps verbal, et de se poser la question de l’évidentialité seulement par rapport à cet effet contextuel. Telle est l’approche de Squartini (2001), qui aboutit par conséquent à analyser le Futur comme un marqueur évidentiel. La seconde approche consiste à bien distinguer, d’une part la signification intrinsèque du temps verbal, d’autre part les diverses conséquences sémantiques qu’il est susceptible de produire selon le contexte dans lequel il est utilisé. C’est la position qu’adoptent Dendale & van Bogaert (2012), qui considèrent par conséquent que le Futur simple de conjecture n’est pas un marqueur évidentiel, le grammème de Futur ne comportant pas intrinsèquement cette signification. Cette seconde analyse nous paraît plus raisonnable.

Indépendamment de cette question de l’évidentialité, et pour expliquer l’effet de conjecture inférée que produisent dans certains contextes le Futur simple et du Futur antérieur, la plupart des auteurs se rallient aujourd’hui à l’idée suivant laquelle, dans ces contextes, ces temps verbaux projettent dans l’avenir le moment où l’énoncé sera validé. Plus exactement, en utilisant un temps du futur, le locuteur indiquerait qu’il diffère le moment où la vérité de ce qu’il asserte pourra être considérée comme acquise . Cette analyse, que reproduisent en général les grammaires d’usage (e.g. Grevisse 1988 : § 857, Riegel et al. 2009 : 553), remotive ainsi la futurité, qui sinon serait reçue comme non motivée. Cette explication revient en quelque sorte à dissocier la localisation du procès et la localisation de la validation de l’énoncé assertant ce procès.

Cette explication, connue sous l’appellation de vérification future, est souvent attribuée à Damourette & Pichon (1911-1936). Ces auteurs ont en effet soutenu cette hypothèse, et il fait peu de doute que, compte tenu du retentissement de leur ouvrage, ils aient grandement contribué à la diffuser. Mais en réalité elle est plus ancienne. On la trouve notamment dans des travaux de romanistes au XIXe siècle, et elle a été relayée par Jespersen (1924). À notre connaissance, l’un des premiers à l’avoir clairement évoquée est Tobler dans un article publié en 1884 (traduit en français en 1905). Tobler y écrit que si le locuteur situe dans le futur un procès pourtant localisé dans le présent, voire dans le passé, c’est « parce qu’il s’en remet à l’avenir de porter un jugement définitif sur les faits en question » (1905 : 320). Ce passage porte sur un emploi du Futur antérieur appelé aujourd’hui « de bilan » – qu’on explique très souvent de la même façon –, mais l’explication vaut aussi bien pour les Futurs simple et antérieur de conjecture.

L’hypothèse de la vérification future a donné lieu à divers prolongements, notamment dans le cadre des approches énonciatives et pragmatiques des temps verbaux. Ainsi, Azzopardi & Bres (2015) ont rapproché le Futur de conjecture d’un emploi qu’ils qualifient d’« énonciatif », illustré par l’exemple suivant :

(35)  Mais n’est-il pas plus simple que j’aille à Paris ? Ma mère pourra trouver un prétexte pour m’y envoyer : ce sera un oncle qui me demande, une tante en train de mourir, une dame qui me voudra du bien. (Balzac, La Vieille fille, 1836 < Azzopardi & Bres 2015 : 77)

Cette formulation ressemble beaucoup à celles qui ont été présentées plus haut, en raison surtout du caractère explicatif de la séquence qui suit les deux-points (cf. ex. (28)), et de la prédication présentative ce sera un oncle qui.... Azzopardi & Bres notent cependant qu’elle s’en distingue par ses propriétés énonciatives : dans (35), il ne s’agit pas pour le locuteur de produire une hypothèse expliquant une situation actuelle, mais de suggérer, sous forme de discours rapporté, l’explication que pourrait donner sa mère pour justifier la future et éventuelle présence de son fils à Paris. D’où la glose possible : elle dira (ou elle pourra dire) que c’est un oncle qui me demande, une tante en train de mourir, etc. C’est sur cette éventuelle énonciation à venir que porte le Futur simple. La séquence qui suit les deux-points est donc du discours indirect libre, et ce Futur n’est pas un Futur de conjecture.

Cependant, Azzopardi & Bres (2015), dont l’approche est dialogique, considèrent que la vérification future des Futurs simples de conjecture implique elle aussi, comme dans l’exemple (35), un autre événement d’énonciation doté de ses coordonnées propres, en particulier d’un moment d’énonciation et d’un énonciateur, même si ces paramètres ne correspondent dans ce cas à aucun moment ni aucun énonciateur identifiés. Sans revendiquer explicitement une perspective dialogique, c’est à une conclusion analogue que parviennent Sthioul (1998), Saussure & Morency (2012) et Saussure (2017). Leurs analyses se situent dans le cadre de la pragmatique de Sperber & Wilson (1986).

3.2.2.3. Futur exprimant l’idée de bilan

Différer la validation d’une assertion peut également produire, dans certaines circonstances, un effet récapitulatif appelé « de bilan », « rétrospectif » ou encore « expansif » (Wilmet 1997). Ce phénomène a été observé depuis longtemps à propos du Futur antérieur (cf. Tobler 1905), car c’en est un emploi assez courant, notamment dans la presse (Ciszewska-Jankowska 2019, Do Hurinville 2019) :

(36)  Entré dans le Masters de Londres en remplacement de Gaël Monfils, insuffisamment remis d’une blessure aux côtes, David Goffin n’aura pas inquiété Novak Djokovic. Le Belge a été sèchement battu par le n°2 mondial, en deux manches et à peine plus d’une heure et dix minutes de jeu […]. (L’Équipe.fr, 17/11/2016 < Do Hurinville 2019 : 193)

Pourtant, quoique plus rarement, on le rencontre aussi avec le Futur simple :

(37)  Il lui avait pris les mains, il les baisait, les mouillait de larmes.
– Donne-moi les quinze francs, ce sera la dernière fois, je te le jure... (E. Zola, 1883)

(38)  « On n’est pas des Federer, mais quand on monte sur le court, ce n’est pas dans l’idée de perdre honorablement », a tonné Yves Allegro. C’est vite dit. Ce fut patiemment démontré. Même s’il restera que la Suisse n’a toujours pas gagné sans Roger Federer. (Le Temps, 12.02.2007)

L’idée d’hypothèse explicative, si caractéristique du Futur de conjecture, est ici complètement absente. On notera d’ailleurs que ces formulations, contrairement à celles exprimant une conjecture, ne laissent planer aucun doute sur la vérité de ce qui est asserté.

3.2.2.4. Futur exprimant l’atténuation

Le décalage entre la futurité indiquée par le Futur simple et la localisation temporelle effective du procès peut produire une autre conséquence sémantique encore : l’atténuation de l’expression. On parle alors de Futur « d’atténuation », « de politesse », « de mitigation » ou encore « de discrétion ». L’Imparfait est connu pour produire le même genre d’effet (cf. Je voulais vous demander un petit service). Quelques exemples :

(39)  J’ai posé un paquet sous la banquette, dit Berthier, je vous demanderai d’y faire attention. (M. Aymé, 1933)

(40)  Nous ne vous cacherons pas que dès nos débuts, nous avons dû faire face à plusieurs défis, mais nous étions prêts à les relever. (Message d’un conseil d’administration, 2021, Facebook)

(41)  Je vous prierai de m’informer 48h à l’avance pour toute annulation de rendez-vous, que ce soit par mail ou par téléphone. (Site d’un médecin, juillet 2023)

(42)  En ce cas, Monsieur, je vous dirai franchement que je n’approuve point votre méthode, et que je trouve fort vilain d’aimer de tous côtés comme vous faites. (Molière, 1665)

(43)  (Dans un magasin) Ce sera tout ?

À notre connaissance, il n’existe aucune recherche consistante sur cet emploi du Futur simple, les travaux se limitant à quelques remarques éparses et quelques exemples prototypiques. Les principales observations qu’on peut faire sur les formulations concernées sont les suivantes :

– Le verbe au Futur est très majoritairement fléchi à une 1ère personne grammaticale, plus rarement à une 2e personne. L’exemple (43) fait donc plutôt figure de cas particulier.

– Les verbes concernés sont très peu nombreux. Ils se limitent à quelques verba dicendi, comme dire, avouer ou prier, quelques verbes exprimant la réception, comme comprendre ou savoir, ou une attitude comme permettre. Cette double limitation (personne grammaticale et type de verbe) a pour conséquence que les expressions associées à cet emploi du Futur simple présentent un caractère stéréotypé. Caractère encore accru du fait qu’elles sont presque toujours introductrices de propositions complétives.

Parmi les verbes ou expressions verbales fréquemment associées à l’atténuation, on peut mentionner :

– dire, avouer, demander, prier, se permettre (je vous dirai que, avouerai que, prierai de, demanderai de,  me permettrai de)   
– faire remarquer (je vous ferai remarquer que)       
– comprendre, noter remarquer, savoir, permettre, vouloir (vous comprendrez que, noterez que, remarquerez que, saurez que, permettrez que, voudrez bien que)

– Certains de ces verbes, transposés à la 1ère personne du Présent de l’indicatif, correspondent aux « formules performatives » d’Austin (1970) : je vous prie de, je vous demande, je vous avoue que.

Cette dernière caractéristique explique que certains linguistes décrivent l’effet du Futur simple, dans ces énoncés, comme une annulation de leur performativité supposée originelle (Abouda & Skrovec 2017a). Mais cette explication ne rend pas compte de l’effet du temps verbal dans certaines des formules listées ci-dessus (au Présent, celles à la 2e personne ne sauraient être des énoncés performatifs, du moins au sens d’Austin). Une variante de cette analyse, recourant au même paradigme théorique mais dans la version qu’en a donnée Searle (1982), est celle avancée par Vet & Kampers-Manhe (2001), qui considèrent que l’effet atténuatif du temps verbal provient du fait que la futurité porte sur le composant illocutoire de l’énoncé, et non pas sur le contenu propositionnel. Dans une formulation comme (39), par exemple, c’est l’acte de requête proprement dit (je vous demanderai d’y faire attention) qui serait fictivement différé dans le futur – d’où l’effet d’atténuation.

L’explication donnée par Vet & Kampers-Manhe (2001) rejoint celle donnée antérieurement par Martin (1987 : 118), qui recourt non pas à la théorie des actes de langage, mais à l’opposition entre le composant de re et le composant de dicto de l’énoncé, opposition empruntée à la logique. Pour Martin, le composant de dicto concerne la prise en charge de l’énoncé (par opposition à son contenu). Du point de vue temporel, il correspond au moment où l’énoncé est tenu pour vrai. Le Futur simple d’atténuation signalerait que la futurité porte non pas sur le contenu mais sur la prise en charge de l’énoncé, qui est ainsi reportée dans le futur. (Sur la distinction de re VS de dicto, voir aussi Martin 1985.)

Une autre hypothèse parfois avancée est l’idée que ces Futurs d’atténuation résultent, par une sorte d’ellipse, d’un tour hypothétique comme celui que présente la formulation suivante :

(44)  Si vous insistez, je vous avouerai que je suis profondément déçu.

Certes, dans (44) le Futur simple n’est pas atténuatif et désigne un procès qui, bien qu’hypothétique, est effectivement localisé dans le futur. Mais selon les tenants de l’hypothèse en question, les formules du Futur d’atténuation dériveraient d’un tour hypothétique analogue à (44), tour dont la protase (la subordonnée si vous insistez) serait sous-entendue ou élidée (Vetters 2001 : 192-193 ; Barceló & Bres 2006 : 109). Nous estimons pour notre part qu’une autre explication est possible (cf. ci-dessous § 3.2.2.6.).

3.2.2.5. Futur associé à un acte promissif ou directif

Indépendamment des quelques formules signalées dans la section précédente, la cooccurrence du Futur simple et des 1ère ou 2e personnes grammaticales produit fréquemment des énoncés au moyen desquels le locuteur s’engage à produire (ou ne pas produire) un certain comportement ou une certaine action (1ère pers.), ou demande à son interlocuteur de produire (ou ne pas produire) un certain comportement ou une certaine action (2e pers.). Cette double corrélation a été notée par plusieurs auteurs. Contrairement aux cas précédents (Futurs de conjecture, de bilan et d’atténuation), la futurité est ici bien réelle et concerne le procès proprement dit. Il s’agit donc d’effets pragmatiques accompagnant une interprétation littérale du Futur.

Dans le cadre de la théorie des actes de langage, on peut dire que ces associations sont propices respectivement à la formulation d’actes promissifs (serments, promesses, engagements divers) et d’actes directifs (injonctions, consignes, conseils). Les exemples de Futurs simples à la 1ère personne des Serments de Strasbourg, signalés au début de cette notice (§ 2.1.) , sont de ce type. Le cas de la menace est un peu plus complexe. Les actes de menace associent promissivité et directivité : menacer, c’est s’engager à des mesures de rétorsion (promissivité) dans le but d’obtenir un certain comportement (directivité). L’association du Futur simple et de la 1ère ou de la 2e personne peut donc aussi servir à exprimer la menace, comme dans le dernier des exemples ci-dessous.

(45)  Ne vous inquiétez pas. Rien ne presse. Nous vous rembourserons tous vos frais. (P. Djian, 1982)

(46)  [Il est question des photos figurant sur le calendrier de l’équipe de France de rugby]          
moi j’aurais pas posé. je l’au- je l’ai jamais regardé/ je veux pas le regarder\. je passe dans dans une librairie je sais qu’il est là/. je t- je tourne la tête de l’autre côté\. je regarderai jamais ça\ (conversation avec un joueur de rugby, radio, 27.01.2007. ‘/’ note une intonation montante, ‘\’ une intonation descendante, ‘.’, ‘..’, ‘…’ des pauses de longueur croissante)

(47)  Soit, dit-il enfin. Je viendrai parler à votre fils. (C. Férey, 2012)

(48)  À partir d’aujourd’hui vous entrerez en silence dans le réfectoire, tête nue, et vous attendrez qu’on vous dise de vous asseoir. (Y. Gibeau, 1952)

(49)  Comme il a plus d’argent que toi, ce mariage aura l’air plausible. Vous partirez pour la Suisse dans trois jours, le temps qu’il règle ses affaires. Vous vous y rendrez chacun de votre côté. Vous demanderez vos papiers de là-bas et vous vous marierez. En deux semaines, tout peut être réglé. (M. Druon, 1948)

(50)  À Paris, il y a de tout à gogo, tenez, vous reprendrez bien du pâté, si si, vous me vexeriez, à votre âge on dévore, vous êtes en pleine croissance, dit la dame, vous devez avoir de fameux bras. (F. Cavanna, 1979)

(51)  Tu ne partiras pas d’ici avant de m’avoir remboursé, Fred, il t’a payé ce qu’il te devait, tu as trouvé ça normal ?... Alors, paie ce que tu dois. (J.-P. Bacri, 1991)

Par divers biais implicites, la 2e personne peut parfois aussi exprimer un acte promissif, comme dans l’exemple ci-après. Encore que cette formulation puisse aussi être analysée comme une menace parodique :

(52)  j’allais/ vous poser la question\. ça évidemment/. vous n’y couperez pas non plus/ (radio, 27.01.2007)

Quoique régulières et fortement corrélées à l’expression de la futurité, les valeurs promissives ou directives ne doivent pas être considérées comme intrinsèques au Futur. Leur déclenchement est essentiellement pragmatique et contextuellement déterminé (Vet 1993, Barceló 2007). À l’oral, d’ailleurs, ces valeurs dépendent beaucoup du contour prosodique avec lequel l’énoncé est produit.

Un argument en faveur de cette position est que, dans des textes de nature juridique (lois, règlements) ou décrivant une procédure, la 3e personne peut également être investie d’une signification directive :

(53)  Dans toute tutelle, il y aura un subrogé tuteur, nommé par le conseil de famille parmi ses membres. Les fonctions du subrogé tuteur consisteront à surveiller la gestion tutélaire et à représenter le mineur lorsque ses intérêts seront en opposition avec ceux du tuteur […]. (Code civil, 2008, < Gerbe 2009 : 189)

(54)  Une régate dite « Nationale » est une régate d’au moins trois jours. Il en existe un nombre limité. Elle devra comporter quatre courses pour être validée et le classement sera établi en enlevant la plus mauvaise manche. Les coureurs non-classés [...] ne seront pris en compte dans le classement des coureurs que si aucune préinscription n’était demandée pour la régate. (Règlement du classement national des coureurs AFL/FFV, 2007)

Les emplois dits parfois « scéniques » (Sten 1952, Wilmet 1997), qu’on rencontre dans les didascalies des pièces de théâtre, peuvent être considérés comme des variantes d’emplois directifs : ce sont des indications destinées au metteur en scène et aux comédiens.

(55)  Au premier plan, une table avec deux chaises. Sur la table : des épreuves d’imprimerie, un encrier, des porte-plume ; c’est la table où travaillent Botard et Bérenger ; ce dernier s’assoira sur la chaise de gauche, le premier sur celle de droite. (E. Ionesco, 1959)

(56)  L’ÉLÈVE, qui aura l’air de souffrir de plus en plus. — Oui, Monsieur. (E. Ionesco, 1951)

3.2.2.6. Futur projectif

Le qualificatif de « projectif » désigne ici les Futurs déclenchés par le fait que le procès désigné est situé dans un univers distinct de l’univers actuel (univers imaginé, par exemple dans le contexte d’une hypothèse). On observe en effet que le Futur simple, comme d’ailleurs les autres temps du futur (Futur antérieur et Futur périphrastique), sont particulièrement fréquents quand il s’agit de produire des assertions dans ce type de contexte. Le cas le plus souvent mentionné est celui déclenché par les constructions hypothétiques :

(57)  En somme, vous aurez, en cas de succès immense, environ dix mille francs, si nous arrivons à une moyenne de 2500 F pour 100 représentations. Et si nous faisons four vous retrouverez les hollandais dont Merle m’a parlé et que je laisse sur sa responsabilité. (H. de Balzac, 1845)

(58)  si vous êtes une femme/.. et une fille/. alors là vous êtes une collaboratrice\ (h). et les femmes sont conçues comme. comme comme collaboratrices/ avec ce mot terrible// de collaboratrice/ (h) au sens où (h) elles utiliseront des mots (h) un peu moins fréquents et un peu moins crus que les autres/ (h) où elles. liront un peu plus que les autres/. où elles prononceront/ l’anglais. °ça va jusque là\° (h) euh. avec un accent. ((rire)) qui. qui qui qui semble ridicule/              
(radio, 10.02.2007. ‘/’ note une intonation montante, ‘\’ une intonation descendante, ‘(h)’ une prise d’air, les petites capitales une emphase, ‘.’, ‘..’, ‘…’ des pauses de longueur croissante, ‘°xxx°’ une séquence avec prosodie de parenthèse)

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Mais toute formulation invitant à concevoir une situation particulière produit un contexte favorable au Futur simple : question imaginée suivie d’une réponse, description d’un problème suivie d’une énumération de conséquences ou de solutions possibles, etc. :

(60)  Le cours des demoiselles Souhait n’est pas un cours pour rire. Demandez à toutes les mères qui y conduisent leurs filles ; elles vous répondront : « C’est ce qu’il y a de mieux fréquenté dans Paris ! » (Colette, 1909)

(61)  [Il est question d’un vélo] Le mettre dans un garde-meuble quelque part ? Cela reviendra vite plus cher que le prix d’un vélo. Mon mari voudra que je le jette. On se disputera. (C. Cusset, 2009)

(62)  Qu’elle entre, et je verrai bien si c’était à moi qu’elle voulait parler. (A. Dumas, 1848)

(63)  Ouvrez les lettres politiques de Benjamin Constant, vous y trouverez ce passage remarquable : […]. (V. Hugo, 1848)

(64)  [Il est question d’un joueur de hockey sur glace] Qu’il reste ou qu’il parte, ce qu’il a bâti en trois mois à Montréal, personne ne pourra lui enlever. (Site The Atletic, 2017)

L’univers projeté peut aussi ne pas être annoncé explicitement, ou alors l’être par des moyens plus discrets, comme c’est le cas dans les exemples suivants :

(65)  Un très petit accessoire détruira quelquefois l’effet d’un tableau : les broussailles que je voulais mettre derrière le tigre de M. Roché ôtaient la simplicité et l’étendue des plaines du fond. (E. Delacroix, Journal, 23.09.1846)

(66)  alors je fais toujours ben un groupe musculai- deux groupes musculaires par entraînement_mais je fais toujours je ferai jamais un groupe musculaire deux fois_dans la semaine_par exemple les les pectoraux je les ferai jamais deux fois dans la semaine_il faut toujours avoir une semaine de repos entre chaque groupe musculaire (Corpus OFROM, 2014)

(67)  à mon époque + j’ai cinquante-cinq ans + euh les choses ne circulaient pas autant + on pouvait euh je crois que tous les musiciens seront d’accord avec moi on pouvait commencer sa carrière plus facilement + donc j’ai commencé à faire Frasquita dans Carmen j’ai commencé à avoir des petits rôles (CFPP2000. ‘+’ note une courte pause)

Dans le premier exemple, Delacroix invite à se placer du point de vue d’un peintre qui hésite à ajouter tel ou tel détail. Dans le deuxième, le locuteur conçoit qu’on pourrait inférer de je fais toujours deux groupes musculaires par entraînement que le même groupe musculaire pourrait être fait plus de deux fois par semaine, et réfute cette inférence anticipée. Dans le troisième, l’insertion de la parenthèse je crois que tous les musiciens seront d’accord avec moi laisse entendre que le locuteur imagine qu’on interroge les musiciens de la même génération que lui sur le rythme des carrières.

Dans tous ces exemples (57-67), un Futur périphrastique est possible, de même qu’un Présent. Mais un temps verbal spécifiquement dédié au futur, en raison même de sa futurité, présente la caractéristique de marquer, de sanctionner grammaticalement le fait même que l’assertion est produite à l’intérieur d’un univers distinct de l’univers actuel.

L’idée que le Futur simple peut être projectif permet également d’expliquer les cas dans lesquels ce temps verbal est associé à l’atténuation. Plutôt que de supposer l’ellipse d’une protase (cf. supra § 3.2.2.4.), il nous paraît plus adéquat, et moins coûteux au plan théorique, d’analyser les Futurs d’atténuation comme présupposant l’existence d’un univers projeté. Ces Futurs s’appuieraient alors simplement sur un implicite, plutôt que sur une ellipse.

Il existe un emploi du Futur périphrastique qualifié de « caractéristique » (Larreya 2005), d’« illustratif » (Bres & Labeau 2014) ou encore « de typicalisation » (Abouda & Skrovec 2017a). Il s’agit des cas où ce temps verbal est utilisé pour désigner un procès ou une série de procès sélectionnés en vertu du fait qu’ils sont particulièrement « caractéristiques », « illustratifs » d’un état de chose – le plus souvent, du caractère d’une personne, de ses habitudes, manies, etc., comme dans l’exemple suivant :

(68)  [Il est question de N. Sarkozy] Un jour il va accueillir Kadhafi en grandes pompes, il va même le laisser installer sa tente dans les jardins de l’Élysée et un autre jour il va mettre en place la destruction de son pays et son exécution tel un chien qui a la rage. (20 Minutes, Blog, 2015)

Or, le Futur simple se rencontre également dans ce type de contexte, comme l’avait déjà noté Clédat (1908), qui qualifiait cet emploi de « possibilité occasionnelle ». Il est clairement, dans ce cas, projectif :

(69)  Un jour il vous fera bonne mine, le lendemain il vous tournera le dos. (< Clédat 1908 : 311)

(70)  Un jour il passera devant vous sans avoir l’air de vous voir ; l’autre jour, il vous dira bonjour et il vous demandera de vos nouvelles. (< Damourette & Pichon, t.5, p 390)

Ce n’est bien sûr pas le Futur simple en lui-même qui porte cette signification d’univers projeté, pas plus que le Futur périphrastique de (68). Mais, dans la mesure où ils sanctionnent le caractère « projeté » des situations décrites, ces temps verbaux confirment et renforcent le caractère illustratif de ce qui est asserté. Cela dit, un Présent ou un temps du passé pourraient être utilisés dans le même type de contexte (un jour… un autre jour…) :

(71)  Le jeune Oluf est un enfant bien étrange : on dirait qu’il y a dans sa petite peau blanche et vermeille deux enfants d’un caractère différent ; un jour il est bon comme un ange, un autre jour il est méchant comme un diable […]. (T. Gautier, 1856)

(72)  Le sort est inconstant : Un jour il te sourit et un autre il te boude […]. (G. Malien, 2021)



4. La concurrence entre le Futur simple et le Futur périphrastique



4.1. Préalable

La comparaison entre le Futur simple et le Futur périphrastique, ainsi que le rapport qu’ils entretiennent en diachronie, ont donné lieu à d’assez nombreux travaux. Tous semblent s’accorder sur les deux constats suivants : d’une part, ces temps ont des emplois communs et des emplois spécifiques ; d’autre part, d’un point de vue diachronique, le Futur périphrastique tend à empiéter sur le territoire fonctionnel du Futur simple. Concernant le second constat, l’étude d’Abouda & Skrovec (2017a), qui porte sur des données orales recueillies à quelque 40 ans d’intervalle (fin des années 1960 et 2008), fait apparaître deux tendances générales, dont la conjonction est tout à fait significative : une nette augmentation de la proportion des Futurs périphrastiques par rapport aux Futurs simples, et le fait que les locuteurs les plus jeunes utilisent davantage de Futurs périphrastiques que les plus âgés.

Il n’est pas possible d’aborder le problème de la concurrence entre ces deux temps verbaux sans commencer par une présentation des diverses constructions grammaticales auxquelles peut correspondre la périphrase verbale « aller + Infinitif ». C’est un point important, dans la mesure où cette situation de concurrence ne concerne qu’une seule interprétation de cette périphrase.


4.2. La périphrase « aller + Infinitif »

Les expressions verbales de la forme « aller + Infinitif » peuvent correspondre à trois constructions différentes, parfois difficiles à distinguer :

(i) À une construction infinitive. – Le verbe aller y a le statut de verbe lexical « plein » signifiant le déplacement. Exemples :

(73)  Son sabot est resté dans le jardin, dit-il. Quand je descendrai, j'irai le chercher (B. Clavel, 1968)

(74)  et pis je lui ai offert un_je lui ai offert un petit bracelet euh_assez sympa_que je suis allé acheter euh dans un petit magasin (Corpus OFROM)

(75)  À 17h30 ma mère se leva et alla trouver la secrétaire dans son bureau. (R. Ouedraogo, 2020)

De façon tout à fait prévisible, aller peut, dans cette construction, être conjugué à tous les temps grammaticaux, et l’Infinitif ne peut pas y être un verbe impersonnel .

(ii) À un temps verbal prospectif. – Le verbe aller a perdu sa signification de verbe de déplacement. Il a le statut d’auxiliaire et ne se rencontre alors qu’au Présent et à l’Imparfait (il va pleuvoir, il allait pleuvoir). Il en résulte deux temps prospectifs. La terminologie pour désigner ces deux temps verbaux est variable : on parle en général, respectivement, de Futur périphrastique, Futur proche ou Présent prospectif, quand aller est au Présent (il va pleuvoir) ; et de Passé prospectif, Imparfait prospectif ou Futur périphrastique du passé, quand aller est à l’Imparfait (il allait pleuvoir). À la différence du cas précédent, l’Infinitif peut ici être un verbe impersonnel – cf. (78) ci-dessous. Mais le point important est que ces deux temps verbaux sont susceptibles, selon le contexte, de deux interprétations :

– Soit ils désignent la phase pré-processive (préparatoire) du procès signifié par le verbe à l’Infinitif, comme dans les exemples suivants :

(76)  Hector salue, Amanda fait une petite révérence ; il va parler, la duchesse le coupe. [Suit la réplique de la duchesse. (J. Anouilh, 1965, didascalie)

(77)  J’allais sortir quand j’entendis un froissement sous la porte : c’ètait le concierge qui passait une lettre pour Gina. (R. Abellio, 1946)

(78)  [...] les montagnes avec leurs quartiers de forêts [...] bleuissaient sombrement, comme quand il va pleuvoir. (H. Pourrat, 1931)

– Soit ils désignent la phase processive du procès signifié par le verbe à l’Infinitif, comme dans les exemples suivants, où les expressions ce samedi et le plus longtemps possible portent spécifiquement sur cette phase des procès être opéré et rester. C’est la raison pour laquelle, dans (80), un Conditionnel produirait la même signification.

(79)  Le serial buteur polonais du Bayern Münich Robert Lewandowski va être opéré de l’aine ce samedi juste après la rencontre face à Wolfsburg. (Ouest-France, 20.12.2019)

(80)  Moi, je me suis alors dit que j’allais rester le plus longtemps possible, qu’on verrait bien. (M. Droit, 1964)

Or, la concurrence entre le Futur périphrastique et le Futur simple n’existe en principe que pour la seconde de ces deux interprétations. C’est donc seulement dans un cas comme (79) que cette situation se présente. Du point de vue aspectuo-temporel, (79) produit en effet la même représentation que (81).

(81)  Le serial buteur polonais du Bayern Münich Robert Lewandowski sera opéré de l’aine ce samedi.

La raison est la suivante : le Futur simple est un temps verbal à signification processive. La signification qu’il produit ne peut donc être concurrencée que par un temps verbal apte à produire la même signification. Cela dit, il faut bien reconnaître que la distinction entre les deux interprétations, pré-processive et processive, du Futur périphrastique est fragile et parfois difficile à établir. Elle pose le même genre de problème, mutatis mutandis, que la distinction entre les deux interprétations, résultative (accomplie) et processive, du Passé composé et du Plus-que-parfait.

(iii) À l’expression de l’« extraordinaire ». – On doit cette appellation à Damourette & Pichon (1911-1936 : t.5, § 1652 et suiv.), qui utilisent également l’expression d’« allure extraordinaire », considérant que dans cette construction, le verbe aller confère au procès signifié par l’Infinitif « un caractère dérangeant par rapport à l’ordre attendu des choses » (§ 1652). Il s’agit de formulations dans lesquelles le verbe aller n’a pas sa signification lexicale de verbe de déplacement et indique l’atteinte ou le franchissement d’un seuil. Exemples :

(82)  On trouvera bien un gosse pour nous acheter du vin. Personne n’ira imaginer que c’est pour nous. (Y. Kateb, 1956)

(83)  Non, est-ce qu’il n’était pas maboul maintenant d’aller penser à des trucs pareils ? (L. Aragon, 1947)

(84)  Qu’est-il allé imaginer ? La réforme, la réforme… À quoi bon et qui pourra la comprendre ? (https://fr.rbth.com/, 2016)

Bres & Labeau (2013) notent que cette construction a été repérée dès le XVIIe s., mais qu’il faut attendre l’ouvrage de Damourette & Pichon pour en trouver une analyse détaillée. « Allure » doit s’entendre ici non pas au sens habituel du terme, mais au sens de ‘manière d’aller’, ‘emploi du verbe aller’. Comme avec la construction infinitive, il n’y a aucune restriction sur le temps verbal du verbe aller (cf. le Futur, l’Infinitif et le Passé composé des exemples ci-dessus). Aux temps composés, aller y alterne avec être, comme quand il s’agit du verbe de déplacement (cf. je suis allé chez le médecinj’ai été chez le médecin) :

(85)  Ah ! coquin, fils de Satan de Malambrun, où diable ton esprit maudit a-t-il été imaginer de donner de la barbe à de pauvres filles qui n’ont peut-être pas de quoi payer un baigneur ! (Trad. du Don Quichotte de Cervantes, 1810)

Damourette & Pichon notent qu’avec l’extraordinaire, contrairement au prospectif, il est possible d’enlever l’auxiliaire et de reporter son temps grammatical sur le verbe lexical : sémantiquement, seule disparaît alors la nuance propre à l’extraordinaire (cf. Qu’est-il allé imaginer ?Qu’a-t-il imaginé ?). Des verbes impersonnels, comme s’agir, falloir, y avoir, ne se rencontrent en principe pas dans l’expression de l’extraordinaire.

Certains auteurs (e.g. Schrott 2001) traitent cette construction comme un cas particulier de la construction (ii). Mais, outre celui signalé par Damourette & Pichon, deux autres arguments s’opposent à cette analyse :

– dans (ii), aller n’accepte que deux temps verbaux, Présent et Imparfait, mais cette restriction n’existe pas dans (iii),  
– dans (ii), l’Infinitif peut être un verbe impersonnel, pas dans (iii).

Ces différences montrent qu’il ne s’agit pas du même type d’auxiliation. Il est donc préférable de considérer (ii) et (iii) comme des constructions distinctes.


4.3. Futur simple et Futur périphrastique

Le but de cette notice n’étant pas de présenter le Futur périphrastique pour lui-même, on se limitera dans ce qui suit à passer en revue les principales différences qu’il y a entre ces deux temps verbaux.

4.3.1. Relation avec la situation d’énonciation

La principale différence concerne la relation avec l’énonciation. À quelques nuances près, l’analyse vers laquelle convergent la très grande majorité des travaux est la suivante : tandis que Futur simple représente le procès en rupture avec le moment et les circonstances de l’énonciation, le Futur périphrastique le représente dans une continuité avec le moment et les circonstances de l’énonciation. Cette analyse est notamment défendue par Damourette & Pichon (1911-1936), Imbs (1960), Franckel (1984), Sundell (1991), Blanche-Benveniste et al. (1991), Vet (1993), Maingueneau (1994), Confais (1995), Schrott (2001), Barceló & Bres (2006), Revaz (2009), Gosselin (2011), Rebotier (2015), Camussi-Ni (2018). Elle est généralement associée à l’idée que, contrairement au Futur simple, le Futur périphrastique indique que les conditions du procès à venir sont déjà partiellement réalisées au moment de l’énonciation. Voir par exemple cette définition :

Le futur périphrastique exprime qu’une action sera réalisée postérieurement à la situation d’énonciation et indique que les conditions de cette action sont déjà remplies et « actuelles » (Schrott 2001 : 60).

Ainsi, Franckel (1984 : 66-67) considère que le Futur périphrastique construit un « état actuel » localisé au moment de l’énonciation. Il en résulte que les deux énoncés suivants ne sont pas adaptés aux mêmes circonstances :

(86)  Tu vas tomber.

(87)  Tu tomberas.

L’énoncé (86) est typiquement produit dans des circonstances où les causes de la chute mentionnée sont déjà, au moins partiellement, réalisées. En revanche, un locuteur pourrait produire (87) après avoir appris, par exemple, que l’allocutaire projette une action plus ou moins dangereuse et susceptible de donner lieu à une chute, les causes de celle-ci n’étant pas encore réalisées.

Examinons encore le couple d’exemples suivant, qui font bien voir cette dépendance qu’a le Futur périphrastique vis-à-vis des circonstances de l’énonciation :

(88)  Si je suis malade, je vais démissionner. (< Franckel 1984 : 67)

(89)  Si je suis malade, je démissionnerai.

La formulation au Futur périphrastique pourrait être produite dans la situation où Si je suis malade est interprété comme signifiant ‘s’il s’avère que je suis (en ce moment) malade’ ; en revanche, la formulation au Futur simple pourrait être produite dans la situation où Si je suis malade est interprété comme signifiant ‘si je tombe malade (dans un avenir plus ou moins proche)’. Ainsi, tandis que le Futur périphrastique est difficilement compatible avec une prédication impliquant une rupture avec le moment de l’énonciation, le Futur simple est quant à lui difficilement compatible avec une prédication impliquant un ancrage au moment de l’énonciation.

4.3.2. Information de localisation temporelle

En raison de cet ancrage dans la situation d’énonciation, le Futur périphrastique est moins dépendant des informations de localisation temporelle que le Futur simple (Blanche-Benveniste et al. 1991, Bilger 2001). On le voit en comparant les deux exemples suivants :

(90)  Arthur va avoir trente ans.

(91)  Arthur aura trente ans.

Une formulation comme (90) est temporellement autonome et ne requiert aucune information complémentaire, explicite ou implicite, sur le moment où la trentaine sera atteinte. L’ancrage dans le présent est en quelque sorte suffisant. Il en va différemment de (91), qui est pragmatiquement inappropriée si cette information n’est pas contextuellement ou situationnellement accessible. L’autonomie temporelle de (90) tient au fait que le Futur périphrastique peut ici être interprété comme référant à la phase pré-processive (préparatoire), donc comme signifiant ‘Arthur est près de la trentaine’.

4.3.3. Contextes d’emploi

Pour distinguer les contextes propres au Futur simple et ceux propres au Futur périphrastique, on peut reprendre les emplois du Futur simple présentés plus haut (§ 3.2.1.). On constate alors que le Futur périphrastique est potentiellement en concurrence avec les types suivants de Futur simple :

– Futur littéral (emplois narratifs et déixis discursive inclus) :

(92)  Nous allons voir au chapitre suivant par quel cheminement il prend lui-même conscience de cet étrange renversement. (J.-F. Billeter, 1979)

– Futur d’atténuation :

(93)  Madame, je vais vous demander de quitter l’établissement. (Le Parisien, 2019)

– Futur associé à un acte promissif ou directif :

(94)  En effet, l’accueil étant fermé jusqu’à nouvel ordre, nous allons vous rembourser par virement. (https://lerocherdepalmer.fr/, 2020)

– Futur projectif :

(95)  Mais ouvrez par exemple Balzac : vous allez trouver de façon continue des exemples de passé simple à la 1ère et à la 2ème personne. (M. Arrivé, 1997)

Concernant les emplois projectifs, Abouda & Skrovec (2017a) notent que la variante « illustrative » (§ 3.2.2.6. supra), qu’ils appellent « de typicalisation » (Un jour il vous fera bonne mine, le lendemain il vous tournera le dos), tend de plus en plus à être réalisée au moyen du Futur périphrastique, du moins en langue orale.

Le Futur périphrastique est en revanche inapte à produire la valeur de conjecture et celle de bilan (Barceló & Bres 2006, Revaz 2009, Abouda & Skrovec 2017a).

On a parfois également signalé une certaine incompatibilité entre le Futur périphrastique et la généricité (Barceló & Bres 2006, Revaz 2009). Il faut cependant distinguer deux types d’énoncés génériques (ou gnomiques) : les énoncés proverbiaux et assimilés, nécessairement figés, et dont l’énonciation relève par conséquent du discours rapporté ; et ceux qui sont construits comme « nouveaux ». Or, ces derniers ne sont nullement incompatibles avec le Futur périphrastique, a fortiori quand il est pré-processif. Voir l’exemple suivant, tout à fait ordinaire grammaticalement :

(96)  Disons-le franchement : l’homme qui va mourir se révolte rarement contre la mort. (L’Orient-Le Jour, 2021)

Parce qu’il désigne spécifiquement la phase pré-processive et équivaut pratiquement à un Présent (cf. l’homme qui est sur le point de mourir), le Futur périphrastique ne saurait ici être remplacé par un Futur simple, sauf à changer la signification de l’énoncé.

4.3.4. Relation avec la négation

Enfin, plusieurs travaux ont également signalé que ces deux temps verbaux entretenaient un rapport différent avec la négation. Le fait principal, révélé par des études quantitatives sur corpus, est le suivant : la négation est statistiquement plus fréquente avec le Futur simple qu’avec le Futur périphrastique (e.g. Söll 1969, Jeanjean 1988, Sundell 1991, Poplack & Turpin 1999, Blondeau 2006, Fleury & Branca-Rosoff 2010, Abouda & Skrovec 2017a, Camussi-Ni 2018, Lhafi 2022). Ainsi, à partir d’un corpus d’articles parus dans Le Monde en 2017, corpus de quelque deux millions et demi de mots, Lhafi (2022) note que, sur 2371 Futurs simples répertoriés, 431 sont en contexte négatif (soit 18.1%) ; et que sur 477 Futurs périphrastiques répertoriés, 34 sont en contexte négatif (soit seulement 7.1%). Abouda & Skrovec (2017a) font état de résultats assez proches, obtenus sur deux corpus oraux : selon leurs données, respectivement, 10.4% et 12.3% de Futurs simples, et seulement 5% et 7.8% de Futurs périphrastiques, sont en contexte de négation. Ces auteurs estiment cependant que l’explication de cette corrélation est peut-être plus complexe qu’il n’y paraît et nécessiterait des investigations particulières.

Camussi-Ni (2018), quant à elle, tente d’expliquer cette différence d’affinité avec la négation par les propriétés respectives des deux temps verbaux. Son hypothèse est la suivante. Lorsque la négation concerne un Futur périphrastique, elle peut porter soit sur la phase pré-processive, soit sur la phase processive, tandis qu’avec le Futur simple, elle ne peut porter par définition que sur la phase processive. Soit l’exemple suivant :

(97)  Elle n’a pas eu sa correspondance. Elle ne va pas venir. (< Camussi-Ni 2018 : 47)

L’interprétation du Futur périphrastique n’est pas très claire dans cet exemple, mais une façon de justifier le choix du temps verbal est de l’interpréter comme pré-processif. La négation porte alors spécifiquement sur la phase pré-processive, donc sur les conditions préalables à la venue de la personne désignée par « elle » : l’énoncé revient ainsi à nier que les conditions de cette venue soient réalisées – ce qui, notons-le, est quasiment une paraphrase de l’énoncé précédent Elle n’a pas eu sa correspondance. Compte tenu de l’ambiguïté du Futur périphrastique, la seule façon de forcer la négation à porter sur le procès proprement dit est d’utiliser un Futur simple (Elle ne viendra pas). Tout effet de paraphrase disparaît alors, et l’enchaînement relève du pur raisonnement. Camussi-Ni (2018) fait l’hypothèse que c’est ce fonctionnement de désambiguïsation du Futur simple qui explique que ce temps verbal ait statistiquement la préférence en cas de négation.

Cette analyse est à mettre en rapport avec celle de Franckel (1984 : 68) (voir aussi Maingueneau 1994 : 102), qui est la suivante : avec la négation portant sur le Futur simple (elle ne viendra pas), le locuteur sélectionne directement la proposition négative, qu’il place dans le futur ; avec la négation portant sur le Futur périphrastique (elle ne va pas venir), il envisage d’abord la proposition positive pour la nier ensuite. La réfutation opérerait ainsi en une seule étape dans le premier cas, et en deux étapes dans le second cas.


4.4. Bibliographie sur le rapport entre Futur simple et Futur périphrastique : Cliquer  ICI 

Ouvrages :

SUNDELL Lars Göran (1991). Le temps futur en français moderne. Uppsala : Acta Universitatis Upsaliensis.     
Thèse de 245pp entièrement consacrée au futur et au futur périphrastique. L’étude porte sur un corpus de 50 textes littéraires.

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ABOUDA Lotfi & SKROVEC Marie (2017b). Du rapport micro-diachronique futur simple / futur périphrastique en français moderne. Étude des variables temporelles et aspectuelles. Corela HS21, https://doi.org/10.4000/corela.4804

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CAMUSSI-NI Marie-Armelle (2018). Divergence et convergence d’emploi du futur simple et du futur périphrastique. Linx 77, 41-64. En ligne : https://doi.org/10.4000/linx.2702

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5. Le Futur simple dans un modèle néo-reichenbachien


Le logicien et mathématicien Hans Reichenbach (1891-1953) est l’un des premiers à avoir esquissé un modèle général du fonctionnement des temps verbaux, dans un chapitre de 11 pages de ses Elements of symbolic logic (Reichenbach 1947 : § 51). Intitulé The Tenses of Verbs, ce chapitre traite essentiellement de l’anglais, mais l’approche de Reichenbach est clairement onomasiologique et vise par conséquent une certaine universalité. Ce texte a exercé une influence considérable en aspectologie et en sémantique verbale. Cette influence est d’ailleurs loin d’être tarie, comme en témoigne un article récent de Vetters (2022). Le modèle présenté ci-dessous, typiquement « néo-reichenbachien », est une version légèrement modifiée de celui élaboré par Gosselin (1996).

Selon Reichenbach, trois paramètres temporels sont nécessaires pour décrire les temps verbaux : l’énonciation (Speech), le procès (Event) et la référence (Reference), abrégés respectivement S, E et R. L’auteur conçoit ces paramètres comme des points temporels. Fondamentalement, la caractérisation d’un temps verbal consiste selon lui à spécifier les relations temporelles pouvant exister, pour ce temps verbal, entre ces trois points.

Gosselin (1996) fait subir deux modifications à ce modèle.

En premier lieu, il considère que ces paramètres consistent en des intervalles temporels, non en des points : l’intervalle du procès (E), l’intervalle de l’énonciation (S) et l’intervalle de la référence (R).

En second lieu, le terme de « référence » n’a pas la même signification dans le texte de Reichenbach et dans celui Gosselin. Chez Reichenbach, ce terme vise à rendre compte de la notion de repère. Mais chez Gosselin, il doit être compris de la même façon que dans les théories de la référence, lorsqu’on dit par exemple de telle expression nominale qu’elle est une expression référentielle. « Référer » équivaut donc ici à « désigner ». Ainsi, Gosselin (1996 : 15) décrit la référence d’une forme verbale comme « ce qui est perçu/montré sur l’axe temporel ». Dans une publication ultérieure, il la qualifie d’« intervalle de visibilité » (2021 : 34). L’idée est que toute forme verbale conjuguée et en usage désigne et donne à voir une certaine portion de temps.

L’intérêt de cette redéfinition de R est de permettre de rendre compte de l’aspect, et en particulier de la distinction entre visée perfective et visée imperfective, catégories absentes du texte de Reichenbach. Ces deux visées correspondent en effet à deux relations temporelles différentes entre R et E. Il y a perfectivité quand R donne à voir l’intégralité de E (R=E), comme dans il mangea ; et imperfectivité quand R ne donne à voir qu’une partie de l’intérieur de E (R⊂E), comme dans il mangeait.

Ces précisions étant faites, le Futur simple peut être caractérisé comme suit :

(i)  Il indique que E (intervalle du procès) est, au moins partiellement, ultérieur à un repère r0 localisé par défaut dans S (intervalle de l’énonciation).

(ii)   Il indique par ailleurs que la relation entre R (intervalle de la référence) et E (intervalle du procès) peut, selon le verbe concerné et d’autres facteurs contextuels, prendre deux valeurs : 
– soit R=E (l’intervalle de la référence donne à voir l’intégralité du procès),         
– soit R⊂E (l’intervalle de la référence ne donne à voir qu’une partie du procès, les bornes initiale et terminale de celui-ci étant hors du champ de la référence).

La propriété (i) concerne le temps ; la propriété (ii) concerne l’aspect. Dans le cas où R=E, l’aspect est perfectif (« global », « aoristique » dans la terminologie de Gosselin) ; dans le cas où R⊂E, l’aspect est imperfectif (« sécant », « inaccompli », toujours selon ses termes).

Au point (i), la spécification « par défaut » permet d’intégrer les cas où le Futur opère une localisation par rapport à un autre repère que celui que constitue ordinairement, « par défaut », l’énonciation. Typiquement, il s’agit des cas où le repère utilisé par le Futur est le moment où est parvenu le cours d’une narration, que celle-ci soit produite au Présent de narration ou à un temps du passé, comme dans l’extrait suivant, déjà donné plus haut § 3.1.1. :

(98)  Révélée par son roman Elise ou la vraie vie, prix Femina 1967, Claire Etcherelli, qui fut une précieuse collaboratrice de Simone de Beauvoir, est morte le 5 mars à l’âge de 92 ans.       
Les débuts dans la vie de la jeune Claire sont difficiles. […].       
Elle refuse de se présenter au bac, arrête ses études, se marie, mais divorcera un an après la naissance de son premier enfant. Un autre viendra, qu’elle élève seule encore. (Le Monde, 17.03.2023)

Quant à la spécification "au moins partiellement", elle est justifiée par une propriété des emplois imperfectifs, expliquée ci-après.

On peut maintenant représenter le Futur simple perfectif au moyen du chronogramme suivant :

Figure 3 : Chronogramme du Futur simple
interprété avec une visée aspectuelle perfective

Quand le Futur est interprété avec une visée imperfective (donc avec R⊂E), il se produit la conséquence suivante, à laquelle on ne pense pas immédiatement. En emploi déictique (quand r0 est dans S), la borne initiale de E, parce qu’elle est par définition hors du champ de la référence, ne subit aucune contrainte d’époque. La seule contrainte est qu’elle doit précéder la borne initiale de R (sans quoi il n’y aurait pas imperfectivité) ainsi que la borne terminale de E (par définition). Rien ne s’oppose donc à ce qu’elle soit localisée postérieurement à S, dans S ou avant S, donc dans le passé. Cette troisième possibilité est réalisée dans l’exemple suivant :

(99)  Bonjour, je suis actuellement en Master en alternance mon contrat se termine le 31.07.2021. A cette date, je travaillerai depuis 5 ans en alternance.      
(Forum Juritravail, https://www.juritravail.com/, message laissé le 14.12.2020. Ex. aimablement fourni par L. Gosselin)

Dans ce message, le Futur est indiscutablement imperfectif : je travaillerai équivaut ici à je serai en train de travailler. L’expression depuis 5 ans est d’ailleurs incompatible avec la perfectivité. Mais surtout, compte tenu des dates indiquées, le procès proprement dit (travailler en alternance) est en cours au moment de la production du message et a débuté quatre ans auparavant, donc dans le passé. Ces relations temporelles sont représentées dans le chronogramme de la Figure 4 :

Figure 4 : Chronogramme de l’exemple (99)

Le chronogramme du Futur simple imperfectif se présente donc comme suit :

Figure 5 : Chronogramme du Futur simple
interprété avec une visée aspectuelle imperfective

La flèche qui part de la borne initiale de E vers la gauche, en direction de S et au-delà, indique que cette borne peut être localisée après S, dans S ou avant S. En revanche, R est intégralement localisé après S dans les deux interprétations aspectuelles – perfective et imperfective – du Futur.



6. Études à faire, lacunes


Mis à part quelques cas particuliers, comme le Futur périphrastique, les études sémantiques et aspectuelles sur les temps verbaux prennent généralement peu en compte la langue orale, et encore moins la langue orale telle qu’elle se présente dans la conversation ordinaire. À notre connaissance, l’analyse conversationnelle, toutes tendances confondues, ne s’est jamais réellement préoccupé de cette question. Or, s’agissant du Futur simple, l’examen de données orales est tout particulièrement pertinent en raison de certains faits de variation induits par l’oralité. Un cas relativement connu est la variation entre Futur simple et Conditionnel.

Une enquête menée par Avanzi & Véron (2019) montre que sur le territoire francophone européen, les locuteurs qui différencient les 1ères personnes du singulier du Futur simple et du Conditionnel – soit : je mangerai, prononcé avec /e/ (‘e’ fermé), et je mangerais, prononcé avec un /ɛ/ (‘e’ ouvert) – sont minoritaires et principalement localisés en Belgique, en Franche-Comté et dans la moitié septentrionale de la Suisse romande. Dans le reste de ce territoire, la tendance est plus ou moins forte à généraliser la prononciation /e/, donc à ne plus faire cette distinction . Les francophones du Canada tendent quant à eux à conserver la distinction /e/ VS /ɛ/.

Or, à l’écrit, on trouve assez fréquemment des graphies comme les suivantes :

(100) Bonjour, Je souhaiterai connaitre la façon de faire une capture d’écran avec la Surface Pro 8. (Forum Microsoft, 2022)

(101) Bonjour je voudrai savoir comment écrire sa demande d’annulation de commande et à qui l’adresser. (Forum Sonatel, 2021)

(102) [Réaction à un courrier annonçant des réunions]              
Bonsoir, Je ne pourrais finalement pas être des vôtres. Bonnes réunions !              
[signature] (mail intégral, Université de Lorraine, 2016)

(103) J’aimerai, s’il vous plait, m’inscrire à votre cours SL 203 M et ainsi faire partie du second groupe le mercredi de 9h30 à 11h. (Lettre d’une étudiante, < Barceló 2007 : 52)

(104)

Inscription sur un « gilet jaune », 2019. CM2 = Cours moyen 2. La fillette qui porte ce gilet a donc 10-11 ans. Dans le système scolaire français, la classe qui suit le CM2 est la « sixième », d’où le jeu de mot avec la 6ème République. < Avanzi & Véron 2019.

Ces graphies sont généralement considérées par les instances normatives soit comme des « confusions » de temps verbaux, soit comme de simples fautes d’orthographe. Elles sont rarement mentionnées dans les travaux des linguistes et, quand elles le sont, c’est plutôt à titre de curiosité ou simplement en passant (e.g. Barceló & Bres 2006, Barceló 2007). Mais, à notre connaissance, aucune étude consistante ne leur a été consacrée.

Dans le français parlé en Europe, l’état actuel de la distinction /e/ VS /ɛ/ en finale conduit de prime abord à analyser ces graphies comme de simples fautes d’orthographe. Ce ne serait donc pas la grammaire qui serait en cause ici, mais seulement la transcription orthographique. En faveur de cette analyse, on peut signaler que dans certains cas, l’un des deux temps paraît improbable. Ainsi, dans l’exemple suivant, le scripteur a très vraisemblablement voulu écrire un conditionnel (serait). Pour lui, la graphie ai est une variante parmi d’autres pour représenter /e/. Il paraît difficile en pareil cas de considérer que le problème est grammatical.

(105)  Il serai aussi pratique d’avoir une idée de la densité des objets détectés afin de ne pas déterrer des objets inutiles (ex: canette, capsule ...). (Résumé d’un mémoire de master, Université de Rennes 1, 2005)

Cependant, la distinction entre fait grammatical et fait orthographique n’est pas si tranchée qu’on pourrait le penser. Un autre facteur ayant peut-être favorisé ces graphies est la signification même de ces temps verbaux : tous deux sont susceptibles d’exprimer l’ultériorité ; et tous deux ont une affinité particulière avec les contextes qualifiés ci-dessus de projectifs (§ 3.2.2.6.). De surcroît, dans certains emplois atténuatifs la distinction entre Futur simple et Conditionnel semble très fragile, voire pratiquement neutralisée, comme dans les exemples suivants :

(106) Pour ce faire, je vous serai très reconnaissante de bien vouloir remplir la fiche de renseignements ci-jointe et de me la retourner dès que possible. (mail, 2018)

(107) L’un après l’autre, les garçons avaient jeté l’éponge, ils étaient rentrés se coucher, il ne restait plus que nous, et le patron qui somnolait derrière sa caisse. J’irai bien boire un verre, proposa Guillaume en enfilant sa veste. Vous m’avez énervé tous les deux avec votre discussion. (M. Desplechin, 1998)

Il est intéressant d’observer que dans des corpus de transcriptions linguistiques, les transcripteurs eux-mêmes peuvent manifester une certaine hésitation. On trouve par exemple, dans le Corpus du Français Parlé Parisien des années 2000 (CFPP2000), des transcriptions comme les suivantes :

(108) si j’avais l’argent pf d’office j’achèterai des marques et tout enfin parce que quand tu as l’argent tu t’en fous tu vois (CFPP2000)

(109) alors dans cet dans cet immeuble il y a plusieurs + sortes de gens + qui appartiennent tous bon à la bourgeoisie bien sûr mais + bourgeoisie assez hétérogène hein je distinguerai trois groupes euh euh alors les vieux habitants il y en a plus ils sont tous morts (CFPP2000)

(110) ça [le travail que je fais] me file une patate dingue [rire] j’ai besoin de ça + j’ai vraiment besoin de ça [rire] + donc non + je j’envisagerai pas de + de ne pas travailler (CFPP2000)

Dans (108), le contexte de l’hypothétique implique en principe un Conditionnel, ce qui donne à penser que le transcripteur a lui-même des problèmes avec l’orthographe des temps verbaux. Mais dans (109)-(110), où les locuteurs parisiens ont probablement produit respectivement les formes /distɛ̃gəʁe/ et /ɑ̃vizaʒəʁe/, le contexte ne permet pas de trancher entre le Conditionnel et le Futur simple. Le transcripteur a donc, consciemment ou – plus vraisemblablement – à son insu, fait un choix, sans explication ni commentaire. Il est à noter que dans leur étude de ce corpus, Fleury & Branca-Rosoff (2010) ont tenu compte de ce problème et créé une catégorie spéciale pour ce type d’exemple. Concernant le verbe dire, ces auteures ont relevé que près de ¼ des formes transcrites au Futur (dirai) pourraient être interprétées comme des Conditionnels.

Compte tenu de ce qui a été dit plus haut à propos de la répartition géographique de la distinction entre /e/ et /ɛ/ en finale, une question vient immédiatement à l’esprit : est-ce que des graphies comme celles des exemples (100)-(104) supra sont plus fréquentes dans les régions où cette distinction n’existe plus, que dans les régions où elle est maintenue ? Il y a là un terrain qui mériterait une recherche détaillée et documentée. Mériteraient également d’être étudiés les contextes dans lesquels le Futur simple et le Conditionnel commutent sans différence sémantique notable, comme dans (106)-(107) supra. Il n’est pas impossible que ces contextes neutralisants aient des conséquences sur la signification même de ces temps verbaux.



7. Bibliographies



7.1. Numéros de revues consacrés au Futur

Canadian Journal of Linguistics / Revue canadienne de linguistique 61/3, 2016 : Future temporal reference in French / La référence temporelle au futur en français (pas d’indication d’éditeur scientifique)

Faits de langue 33, 2009 : Le futur (C. Chauvin, L. Danon-Boileau, C. Delmas, R. Mir-Samii, M.-A. Morel & I. Tamba, éds)

Linx 77, 2018 : Regards croisés sur le futur en français et dans différentes langues romanes (S. Azzopardi & E. Oppermann-Marsaux, éds)

Revue de sémantique et pragmatique 38, 2015 : Le futur (L. Abouda & S. Azzopardi, éds)

Verbum 22/3, 2000 : Autour du futur (C. Benninger, V. Lagae & A. Carlier, éds)


7.2. Études contrastives ou typologiques incluant le français

AZZOPARDI Sophie (2011). Le Futur et le Conditionnel : valeur en langue et effets de sens en discours. Analyse contrastive espagnol / français. Université Paul-Valéry Montpellier III. Thèse de doctorat. (Accessible sur les archives ouvertes HAL)

AZZOPARDI Sophie (2017). Le futur est-il un marqueur modal ? Analyse du fonctionnement du futur à effet de sens « conjectural » en français et en espagnol. In : L. Baranzini (éd.), Le futur dans les langues romanes. Berne : Peter Lang, 79-104.

BARANZINI Laura (éd.) (2017). Le futur dans les langues romanes. Berne : P. Lang.

BARCELÓ Gérard J. (2007). Le(s) futur(s) dans les langues romanes : évolution linéaire ou cyclique ? In : E. Labeau, C. Vetters & P. Caudal (éds), Sémantique et diachronie du système verbal français. Amsterdam : Rodopi, 47-62. (Cahiers Chronos 16)

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NIEKERK Pieter K. (1972). L’expression du futur en français et en néerlandais : étude synchronique sur les syntagmes verbaux susceptibles d’exprimer la futurité. Groningen : Kleine.

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NOVAKOVA Iva (2001b). Sémantique du futur : étude comparée français-bulgare. Paris : L’Harmattan.

ROCCI Andrea (2000). L’interprétation épistémique du futur en italien et en français : une analyse procédurale. Cahiers de linguistique française 22, 241-274.


7.3. Bibliographie générale (reprenant tous les travaux cités dans cette notice)

ABEILLÉ Anne & GODARD Danièle (sous la dir. de) (2021). La Grande grammaire du français. Paris : Actes Sud et Imprimerie nationale.

ABOUDA Lotfi & SKROVEC Marie (2015). Du rapport entre formes synthétique et analytique du futur – Étude de la variable modale dans un corpus oral micro-diachronique. Revue de sémantique et pragmatique 38, 35-57.

ABOUDA Lotfi & SKROVEC Marie (2017a). Alternance futur simple / futur périphrastique : variation et changement en français oral hexagonal. Revue de sémantique et pragmatique 41-42, 155-179.

ABOUDA Lotfi & SKROVEC Marie (2017b). Du rapport micro-diachronique futur simple / futur périphrastique en français moderne. Étude des variables temporelles et aspectuelles. Corela HS21, https://doi.org/10.4000/corela.4804

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AUSTIN John Langshaw (1970). Quand dire, c’est faire. Paris : Seuil.

AVANZI Mathieu & VÉRON Laelia (2019). « Serai » ou « serais » ? C’est un peu trop facile de se moquer… [Cet article en ligne est signé M. Avanzi, mais une note finale indique les deux auteurs signalés ici]     
URL : https://francaisdenosregions.com/2019/03/20/serai-ou-serais-cest-un-peu-trop-facile-de-se-moquer/

AZZOPARDI Sophie (2011). Le Futur et le Conditionnel : valeur en langue et effets de sens en discours. Analyse contrastive espagnol / français. Thèse de doctorat, Université Paul Valéry – Montpellier III. (Accessible sur les archives ouvertes HAL)

AZZOPARDI Sophie (2017). Le futur est-il un marqueur modal ? Analyse du fonctionnement du futur à effet de sens « conjectural » en français et en espagnol. In : L. Baranzini (éd.), Le futur dans les langues romanes. Berne : Peter Lang, 79-104.

AZZOPARDI Sophie & BRES Jacques (2015). Quand le futur ne porte pas sur le procès qu’il actualise : futur d’énonciation et futur de découverte. Revue de sémantique et de pragmatique 38, 77-95.

BARANZINI Laura (éd.) (2017). Le futur dans les langues romanes. Berne : P. Lang.

BARANZINI Laura & SAUSSURE Louis de (2017). Le futur épistémique en français et en italien. In : L. Baranzini (éd.), Le futur dans les langues romanes. Berne : P. Lang, 305-322.

BARCELÓ Gérard J. (2007). Le(s) futur(s) dans les langues romanes : évolution linéaire ou cyclique ? In : E. Labeau, C. Vetters & P. Caudal (éds), Sémantique et diachronie du système verbal français. Amsterdam : Rodopi, 47-62. (Cahiers Chronos 16)

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BEAUZÉE Nicolas (1767). Grammaire générale, ou exposition raisonnée des éléments nécessaires du langage, pour servir de fondement à l’étude de toutes les langues. Paris : Imprimerie de J. Barbou.

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