Comité éditorial
(10-2025)
Pour citer cette notice :
***, 2025, « Unités maximales de la syntaxe », in Encyclopédie
Grammaticale du Français, en ligne : http://encyclogram.fr
DOI ; https://nakala.fr/10.34847/nkl.********
Il existe de la syntaxe des conceptions plus ou moins larges, et aux capacités descriptives inégales. L’étude des relations grammaticales a toujours été menée, par nécessité pratique, dans le cadre de fragments de discours de dimensions limitées, mais leur étendue a varié au fil du temps, et n’a pas toujours donné lieu à des définitions précises. La délimitation du domaine de la syntaxe, et du type de structures qu’elle a la charge de décrire, est donc un problème théorique et méthodologique ouvert, dont une encyclopédie grammaticale ne peut omettre de rendre compte. La présente notice a pour but d’inventorier les principales solutions qui y ont été apportées. Après un bref historique de la question (§ 1), nous dresserons un bilan critique des différentes façons de délimiter concrètement les unités syntaxiques maximales (§§ 2 à 5), et nous examinerons comment se situent par rapport à elles les divers types de notices que contient l’EGF (§ 6).
1. Historique sommaire.
1.1. Dès l’Antiquité (voir Raby (dir.) 2017) a été formulée l’idée qu’on peut isoler dans les discours des énoncés porteurs d’un sens complet (lógos chez Denys le Thrace, ou oratio chez Priscien) :
Oratio est ordinatio dictionum congrua, sententiam perfectam demonstrans. (Institutiones grammaticae, ca 525 )
Cependant, cette notion d’énoncé reste à peu près inexploitée, les grammairiens s’attachant, au rang le plus bas, à typer les mots en parties du discours, mais se montrant peu soucieux d’en décrire la combinatoire. D’où pour le français le diagnostic de Seguin (1993 : 37) :
[Jusqu’au 17e siècle,] il n’y a rien à distinguer au-delà de l’opposition entre l’énoncé global et les parties du discours, seuls objets d’analyse. […] On a affaire à des théoriciens du langage pour qui la syntaxe n’est pas le phénomène intéressant de la langue.
1.2. La première théorisation des relations syntaxiques peut être attribuée à la grammaire de Port-Royal (Arnauld & Lancelot 1660), qui introduit la notion de proposition constituée d’un sujet, d’un attribut et d’une copule > Détails . Mais le constat qu’il existe des propositions complexes, composées de plusieurs propositions élémentaires, pose aussitôt problème : comment décrire les rapports entre celles-ci, et catégoriser les constructions qui en résultent ? Des diverses réponses apportées à cette question par les grammairiens du 18e siècle (voir Seguin 1993, Raby 2018) a fini par émerger la notion de phrase, telle que nous la connaissons encore aujourd’hui :
La proposition est l’énoncé d’un seul jugement, sans qu’il en
résulte nécessairement un sens complet.
La phrase est l’énoncé d’un ou de plusieurs jugements, dont il résulte
nécessairement un sens complet. […]
Ce qui caractérise la phrase est la complétude du sens ; ce qui
caractérise la proposition est le prononcé d’un jugement, sans égard à
l’énonciation totale.
(Domergue, Grammaire générale analytique, an VII (=1798), cité par
Seguin)
Cette notion sert essentiellement à isoler des fragments de texte qui peuvent être considérés comme clos, c’est-à-dire à fermer le domaine de la grammaire, qui devient une théorie de la phrase. Attestations à toutes époques :
The Extensions of Speech are quite indefinite […] The longest Extension, with which Grammar has to do, is the Extension here considered, that is to say, a SENTENCE. The greater extensions (such as Syllogisms, Paragraphs, Sections, and complete Works) belong not to Grammar, but to Arts of higher order. (J. Harris, Hermès, 1806 : 18 )
La linguistique des langues nationales s’arrête à la phrase, qui est l’unité dernière à laquelle un linguiste peut s’attaquer. Au-delà de la phrase, la structure ne relève plus de la linguistique. (Barthes, L’Aventure sémiologique, 1985)
La phrase est le niveau supérieur de la syntaxe : c’est, dans son ordre, une totalité indépassable. (Le Goffic 1993 : 8)
1.3. Dans la deuxième moitié du 20e siècle, un changement majeur a eu lieu : le champ d’étude de la linguistique s’est élargi aux textes écrits et oraux puis aux interactions verbales, c’est-à-dire à des séquences de dimensions supérieures à la phrase, prises pour objet d’étude sous le nom générique de discours . S’est alors posée la question : la notion usuelle de phrase est-elle une unité pertinente pour décrire les structures des discours ? Et sinon, par quoi la remplacer, comment définir les unités constitutives de ces structures ? En l’état actuel de la recherche, plusieurs réponses théoriques y ont été apportées, que l’on peut classer en :
- grammaires de phrases
- grammaires d’énoncés
- grammaires d’énonciations
- approches interactionnistes.
2. Grammaires de phrases.
2.1. Principe.
2.1.1. Une première solution consiste à maintenir le postulat qu’il existe une catégorie d’unités phrases syntaxiquement pertinente, et à décrire les textes écrits et oraux comme étant constitués de phrases. C’est la position explicitement adoptée par les grammaires ‘de référence’ actuelles (Le Goffic 1993 : 8 ; Riegel & al. 2009 : 201 ; Wilmet 2010 : 540 ; GGF : 5 sq ; GGHF : 1220 sq), et par les grammaires formelles (modèles chomskiens, HPSG…) ou ‘de construction’. Elle est aussi implicitement assumée dans certaines analyses du discours d’inspiration logique (SDRT), qui restent basées sur les catégories grammaticales traditionnelles.
2.1.2. Références bibliographiques principales.
Abeillé (A.) & Godard (D.) éds, 2021, Grande Grammaire du Français, Arles, Actes Sud. [= GGF]
Le Goffic (P.), 2019, « De la langue au texte : à la recherche des unités perdues », in Types d’unités et procédures de segmentation, M.-J Béguelin, G. Corminboeuf & F. Lefeuvre (éds), Limoges, Lambert-Lucas, pp. 15-32.
Notice EGF « La notion de phrase » (Berrendonner 2021a) > Notice
2.2. Problèmes de segmentation.
La prorogation de la notion de phrase conduit cependant à des difficultés.
2.2.1. L’une vient de ce que la phrase est une catégorie vague, définie de façon multivoque (> Notice), si bien que le découpage d’un texte en phrases est parfois indécidable. En témoignent à l’écrit certaines divergences de ponctuation :
(1) (a) La banquise présentait alors une hauteur supérieure à celle que nous avions relevée sur les bords. Circonstance peu rassurante. [J. Verne]
(b) Il ne bougeait pas et semblait dormir sur les flots, circonstance qui rendait sa capture facile. [ibid.]
(2) (a) Avait-elle peur ? Il la rassurait, lui rappelait leurs conventions. [Guéhenno].
(b) Parlait-on devant lui de la corpulence de quelqu’un, il se considérait comme offensé – parce qu’il était lui-même assez fort. [Bataillard < Corminboeuf 2009]
Une ou deux phrases ? La décision ne peut que résulter d’un choix arbitraire.
2.2.2. D’autre part, on trouve dans les discours des énoncés qui ne présentent pas les qualités requises pour être des phrases. Ainsi, de l’aveu de la GGF,
Un énoncé n’est pas nécessairement une phrase dans la mesure où il
peut ne comporter qu’un mot ou un groupe de mots, sans verbe ni sujet :
Garçon ! Bof ! Un gâteau !
Ces énoncés ne décrivent pas des
situations : ils interpellent un individu, traduisent une attitude du
locuteur ou même désignent un objet avec des interprétations variables selon le
contexte. (p. 6)
Si de tels énoncés ne sont pas des phrases, ils relèvent de catégories énonçables autres que la phrase, et celle-ci présente donc un défaut de généralité : employée comme outil d’analyse des discours, elle laisse des résidus non décrits, sur la catégorisation desquels la grammaire reste muette.
2.2.3. Les textes oraux, en particulier, contiennent de nombreux fragments non conformes au format phrastique, et qui ne peuvent être ramenés à celui-ci qu’à condition d’y voir des phrases endommagées, victimes d’accidents de performance. C’est ainsi que Le Goffic (1993 : 8 ; 2011 : 15) justifie l’écart entre les ‘phrases’, types idéaux grammaticalement bien formés, et les ‘séquences’ orales observées, qui n’en seraient que des tokens mutilés. Cela revient à ériger la phrase en norme, et à traiter l’oral comme une variété dégénérée d’un français ‘standard’ idéal. Certains linguistes, soucieux d’adéquation empirique, ont préféré récuser la pertinence de la notion, qui est devenue objet de controverse :
Une des notions qui « saute », c’est celle de « phrase » : impossible de découper dans le parlé quelque chose qui corresponde à la notion de phrase pour l’écrit. (Blanche-Benveniste & Jeanjean 1987 : 89)
2.3. Le discours vu depuis la phrase.
2.3.1. Dans les années 1970-80, des grammairiens ont envisagé d’élaborer, sur le même modèle que les grammaires de la phrase, une grammaire du texte (Textgrammatik) qui serait capable d’engendrer tout et rien que les textes ‘bien formés’. Mais il leur est vite apparu que les techniques et outils d’analyse appropriés pour décrire la structure interne des phrases n’étaient pas transportables aux suites de phrases :
While sentences are units of grammar and, therefore, can be described in the framework of a grammatical model, texts are communicative processes and require a process model that takes their communicative function into account. […] Texts are dynamic processes of speech rather than static units of language. The communicative properties of a text as a whole cannot be derived by summing up the properties of its grammatical elements. (Oomen 1979 :272 )
Comme le diagnostiquait déjà Benveniste, il est en effet impossible de caractériser les phrases par leur distribution ou par leur intégration dans des syntagmes de rang supérieur :
Une proposition peut seulement précéder ou suivre une autre proposition, dans un rapport de consécution. Un groupe de propositions ne constitue pas une unité d’ordre supérieur à la proposition. Il n’y a pas de niveau linguistique au-delà du niveau catégorématique. […] Les phrases n’ont ni distribution ni emploi. Un inventaire des emplois d’un mot pourrait ne pas finir ; un inventaire des emplois d’une phrase ne pourrait même pas commencer. (1966 : 129)
2.3.2. Il s’ensuit que pour les grammaires de phrase, il n’y a pratiquement pas de syntaxe du discours possible. Au plan du signifiant, celui-ci ne peut être figuré que comme une suite non structurée de phrases, qui sont simplement juxtaposées les unes aux autres et ne s’agencent pas en constructions de rang supérieur formées selon des règles explicitables . Ce n’est qu’au plan sémantico-pragmatique que l’on est en mesure de caractériser des relations entre phrases. On identifie dans le sens communiqué en discours diverses relations de cohérence entrelacées ou superposées : anaphores, enchaînements par connecteurs, isotopies lexicales, progressions thématiques, relations argumentatives ou logicoïdes, etc., voir p. ex. l’inventaire (non exhaustif) qu’en dresse la Notice Texte § 42 > Notice . Ces relations sont généralement décrites comme liant des propositions (= contenus propositionnels), mais sans que celles-ci soient toujours précisément rapportées aux signifiants qui les expriment, autrement dit sans référence à une syntaxe formelle.
Un exemple en est la DRT (Théorie des relations de discours, ou Rhetorical Structure Theory, Mann & Thompson 1988), et la SDRT (Théorie des représentations discursives segmentées) qui en est issue. Cette dernière « représente le contenu propositionnel des discours » comme une macro-structure dont « les unités minimales sont des propositions », liées par des « relations de discours » dotées de propriétés logiques calculables (Busquets, Vieu & Asher 2001). Ces propositions sont associées à des « segments de discours » dont la définition reste imprécisée, mais au vu des exemples produits, il s’agit de phrases canoniques. Les relations sémantiques entre elles résultent de leur simple succession paratactique ou de la présence de connecteurs à leur initiale (l’attention se portant surtout sur le second cas, dont le marquage est plus explicite). Cette théorie s’attache à montrer comment se compose par incrémentations successives le sens communiqué, mais quant à la structure du signifiant qui le manifeste, elle s’en tient à la conception traditionnelle du discours comme suite de phrases juxtaposées.
2.3.3. En résumé, la notion de phrase permet de décrire la structure formelle de certains fragments de discours, mais pas tous, et elle n’est pas exploitable au-delà. S’y attacher a pour principale conséquence d’entraîner une scissiparité disciplinaire : la phrase est le domaine réservé de la syntaxe, et le discours est l’apanage de la sémantique-pragmatique. On doit alors se demander si cette division du travail est inéluctable, ou du moins s’il n’en est pas de meilleures possibles (n’y a-t-il pas des façons de placer la frontière entre les deux domaines qui permettraient de mieux expliquer les articulations du discours ?
2.4. Dissidences.
Certains linguistes, sans s’affranchir résolument de la notion de phrase, ont contribué de deux façons à la mettre en retrait : (i) d’une part, en prenant en charge la description d’énoncés non conformes au format phrastique canonique, et de séquences qui le débordent ; (ii) d’autre part, en recourant pour les décrire à des relations combinatoires d’un autre ordre que les relations rectionnelles classiques.
• Bally (1965 : 62 sqq.) propose ainsi, sous les noms de ‘phrase segmentée’ ou ‘dirème’ , une analyse unifiée des séquences (3) :
(3) Votre argent, je n’en veux pas.
Quand il pleut, je reste à la maison.
Où est-il ? Personne ne le sait,
Moi, accepter ce compromis, vous n’y pensez pas !
Paul, viens ici !
Tu te reposes, je travaille.
Et il décrit les membres de cette construction binaire comme étant à la fois termes d’une relation énonciative [thème + propos], et termes d’une relation de subordination, le premier segment étant assimilé à une proposition subordonnée complète ou fragmentaire.
• On trouve une démarche comparable chez Perrot (1970), pour qui les configurations syntaxiques sont l’expression d’une double structuration : à une ‘structuration de l’énoncé’, faite de dépendances rectionnelles autour d’un prédicat, se superpose une ‘structuration du message’ en constituants dotés de fonctions informationnelles, qu’il nomme support, apport (= rhème) et report. Cela explique la poly-fonctionnalité de certains morphèmes qui assument des fonctions relevant de l’une et l’autre structuration, comme p. ex le morphème que, introducteur d’un dépendant rectionnel (subordonnée) d’une part (le livre que j’ai lu), et introducteur d’apport informationnel d’autre part (c’est un livre que si tu l’ouvres, n’oublie pas que tu pourras pas t’endormir avant la fin).
• Suivant la même voie, Lambrecht (1981, 1994, 2008) propose une grammaire qui explique la forme de la ‘phrase orale’ comme résultant de contraintes d’appariement entre une structure grammaticale (relations verbe-catégories d’arguments) et une structure informationnelle (à base de relations ternaires topic-focus-antitopic).
• Parmi les auteurs qui ont contribué à dissoudre la phrase, on doit par ailleurs mentionner Halliday, qui distingue lui aussi dans la combinatoire inter-propositionnelle deux sortes de relations, enchâssements vs hypotaxes et parataxes, et qui en tire un découpage des textes en segments non phrastiques > Détails .
3. Grammaires d'énoncés.
3.1. Principes.
3.1.1. Dans toute une famille de travaux (Macro-syntaxe du Groupe Aixois de Recherche en Syntaxe ; L-AcT (Théorie du langage en acte) du Lablita ; Groupe Rhapsodie), c’est le terme d’énoncé qui sert à nommer le type d’unité de langue pris pour objet maximal de la syntaxe, et c’est en ce sens qu’on l’entend ici. Ces grammaires d’énoncé procèdent (i) du rejet explicite de la notion de phrase comme étant empiriquement inadéquate, et (ii) du dessein de décrire un ensemble de configurations syntaxiques plus vaste et plus diversifié, notamment celles qui sont en usage à l’oral.
3.1.2. Références bibliographiques principales :
Blanche-Benveniste (C.), 1990, Le français parlé, études grammaticales, Paris, Éditions du CNRS.
Blanche-Benveniste (C.) & Sabio (F.), 2023, Approches de la langue parlée en français, 3ème édition actualisée et révisée, Paris, Ophrys.
Benzitoun (C.), 2010, « Quelle(s) unité(s) syntaxique(s) maximale(s) en français parlé ? Discussion autour de quelques problèmes rencontrés », Travaux de linguistique n° 60, 109-126. (https://shs.cairn.info/revue-travaux-de-linguistique-2010-1-page-109)
Debaisieux (J.-M.) (éd.), 2013, Analyses linguistiques sur corpus. Subordination et insubordination en français, Paris, Hermès-Lavoisier.
Cresti (E.), 2003, « Modalité et illocution dans le topic et le comment », Macro-syntaxe et pragmatique. L’analyse linguistique de l’oral. A. Scarano (éd.), Roma, Bulzoni, 133-182.
Benzitoun (C.), Dister (A.),
Gerdes (K.), Kahane (S.), Pietrandrea (P.) & Sabio (F.), 2010, « Tu
veux couper là faut dire pourquoi, Propositions pour une segmentation
syntaxique du français parlé », CMLF 2010, 139.
https://www.linguistiquefrancaise.org/articles/cmlf/pdf/2010/01/cmlf2010_000201.pdf
3.1.3. Ces diverses entreprises grammaticales ont pour point commun de postuler une unité syntaxique énoncé autonome qui comprend deux sortes de relations constitutives :
• D’une part, des dépendances micro-syntaxiques. Ce sont des relations classiques de rection entre une unité rectrice et des dépendants qu’elle sélectionne ( > Notice Rection ). Les unités rectrices sont généralement des mots (prototype : la relation entre un verbe et ses arguments) ; les unités régies sont identifiées, selon les théories, soit à des syntagmes, soit au mot qui en est la tête. Une caractéristique essentielle de ce type de dépendance est qu’elle s’établit entre des paradigmes d’unités morpho-syntaxiquement caractérisables (classes de distribution) :
L’élément recteur contraint le régi en le faisant entrer dans un certain paradigme : être régi par le verbe c’est être affilié par lui à une organisation paradigmatique. (Deulofeu 1991 : 21)
• Un énoncé est formé au minimum d’un noyau constitué de relations rectionnelles. Mais il peut aussi comprendre des dépendances macro-syntaxiques, c’est-à-dire des relations non rectionnelles entre un noyau et des satellites qui s’y adjoignent. Ces ad-noyaux sont caractérisés au premier abord par leur position relativement au noyau : pré-noyaux, post-noyaux, in-noyaux . Exemples (Blanche-Benveniste & Sabio 2023) :
(4) J’ai appris un peu l’anglais. (Le polonais) (pas un mot)
PRÉ-NOYAU NOYAU
(5) (Bon déjà) (c’était pas terrible), (honnêtement), (le voyage en Suède)
PRÉ-NOYAU NOYAU POST-NOYAU POST-NOYAU
Le modèle du GARS présente toutefois une architecture pluri-linéaire (Blanche-Benveniste 2003) : il y a « recouvrement » entre les structures micro- et macro-syntaxique, c’est-à-dire qu’un même syntagme peut remplir à la fois des fonctions dans l’une et dans l’autre. Cette conception convient p. ex. au cas des compléments détachés comme :
(6) Au théâtre, c’est vrai qu’on va vachement moins
|
micro-syntaxe : complément régi par aller
macro-syntaxe : pré-noyau dépendant de c’est vrai qu’on va vachement moins
Remarque.
À propos du couple de termes micro-syntaxe vs macro-syntaxe, une mise en garde s’impose. D’une part ces vocables ont été mis en usage simultanément dans plusieurs cadres théoriques différents pour désigner des réalités langagières différentes, même s’il existe entre elles des zones de recouvrement (v. infra § 412 Note 16). D’autre part, le terme de macro-syntaxe, victime d’un effet de mode, « s’est vulgarisé, et on le trouve employé à tort et à travers, avec des acceptions fort éloignées des définitions initiales » (Avanzi 2007), qui ne sont souvent que le rhabillage plus ou moins confus d’une grammaire de phrase. Il est donc prudent, quand on le rencontre, de s’assurer du sens qui lui est donné, et des bases théoriques dont il procède.
3.1.4. En pratique, la notion d’énoncé comme construction macro-syntaxique induit d’autres découpages du donné textuel que celle de phrase. Elle correspond en effet pour la tradition soit à des phrases augmentées de constituants ‘périphériques’ (7) , soit à des suites de plusieurs phrases (8) :
(7) (franchement) (je savais pas)
PRÉ-NOYAU NOYAU
(8) Donc la clientèle était toujours avec moi
(je me levais le matin) (j’étais avec des clients)
(je mangeais à midi) (j’étais avec des clients)
(je me couchais le soir) (j’étais avec des clients)
PRÉ-NOYAUX NOYAUX
La possibilité d’attribuer une structure formelle à des séquences de ce genre constitue donc un élargissement notable du domaine de la syntaxe.
3.2. Problèmes de modélisation.
Le principal problème à résoudre dans ce type d’approche est cependant celui de la définition des dépendances macro-syntaxiques, qui doit être fondée sur un critère décidable. Les solutions qui y ont été apportées varient selon les théories et selon leurs états successifs.
3.2.1. Implications d’occurrence.
Le noyau peut faire un énoncé à lui seul, alors que les autres parties, si on les isole, donnent l’impression d’un énoncé en suspens. (Blanche-Benveniste & Sabio 2023 : 222)
Ce constat d’incomplétude conduit à définir les dépendances macro-syntaxiques comme des implications d’occurrence unilatérales : un noyau est actualisable sans acolyte, tandis qu’un ad-noyau est un segment non autonome, qui exige d’être accolé à un noyau.
Ce critère se heurte cependant au fait que la plupart des noyaux contiennent des éléments présupposants qui impliquent un antécédent verbal. P. ex. ceux qui sont introduits par un connecteur :
(9) (tu seras ma première victime↘) (or je
ne veux PAS que tu sois ma victime↘)
[crfp, pri-cle-2, 17'']
(10) (alors pourquoi pas se marier) (et puis on perdrait rien hein – sachant – faire ce qu'on sait faire) – (et puis c'est ce qui est arrivé) – (et puis là bon – c'était – train train quotidien quoi) [ofrom, les tirets notent des pauses brèves]
De tels noyaux ne sont donc pas énonçables indépendamment d’un cotexte antérieur, dont ils impliquent la cooccurrence . Cela oblige à fonder l’autonomie des noyaux sur un autre critère que l’indépendance vicinale (cf. la notion de noyau introduit dans Debaisieux 2013 : 79).
3.2.2. Complétude prosodique.
Il a été envisagé de définir les noyaux comme des unités prosodiquement complètes, c’est-à-dire dotées d’une intonation conclusive, à la différence des ad-noyaux, porteurs d’intonations non viables isolément (Cresti 2018 ; Blanche-Benveniste 2003 : 56-62) :
Sont considérées comme « noyaux » les unités qui, à l’intérieur d’un énoncé donné, sont effectivement dotés d’une mélodie conclusive. (p. 56)
Mais ce critère, repris des analyses prosodiques effectuées sur des phrases isolées (phrases écrites lues), fait lui aussi problème. D’une part, l’existence d’intonations ‘conclusives’ caractérisées par des traits formels distinctifs est contestable (Avanzi & Martin 2007). En particulier, le contour descendant au registre bas (↘), qui passe traditionnellement pour conclusif, peut aussi affecter des pré-noyaux, avec une valeur continuative (signal d’inachèvement). Cf. maintenant et mais à l’époque dans :
(11) (maintenant↘) (je sais que c’est du latin du quinzième↗) (mais à l’époque↘) (moi je croyais que c’était une écriture secrète↗) [ofrom > son & tracé ]
D’autre part, même en admettant l’existence d’intonations conclusives, les noyaux d’énoncé n’en apparaissent porteurs que si on observe des énoncés prononcés isolément, c’est-à-dire déjà prédécoupés. Dans les discours suivis, la plupart des noyaux sont couplés à un contour final montant (↗) continuatif (= impliquant une suite). Ex. :
(12) (c’est la fameuse époque très très sombre de l’histoire de Rome↗)
(Caligula est mort↗)
(Claude prend sa succession↗)
(il a un fils qui est Britannicus↗)
(et la sœur de Caligula↗)
(Agrippine↗)
(l’épouse↘)
[oral, interview radio, Pelt 346"
> son & tracé
]
(Pour d’autres exemples, voir la notice Phrase § 431 > Notice ).
Il s’avère donc que le critère de clôture prosodique est inexploitable pour différencier les noyaux des ad-noyaux, ces deux types de segments admettant le même paradigme d’intonations. Et par conséquent, il ne peut servir à délimiter les énoncés syntaxiquement autonomes. L’exemple ci-dessus montre en outre que si intonations conclusives il y a, elles caractérisent un type d’unités plus vastes que l’énoncé syntaxique (voir infra § 43).
3.2.3. Fonction informationnelle.
Certains choix terminologiques donnent à penser que les constituants macro-syntaxiques peuvent être caractérisés par leur fonction dans la structure informationnelle des énoncés. Cresti (2003) nomme ainsi les noyaux comment et les ad-noyaux topic, appendix, parenthesis, selon leur place.
Cependant, ce critère est difficilement manipulable, en raison du vague dont souffre la définition des fonctions informationnelles. Et surtout, la même fonction informationnelle peut être dévolue à des constituants régis comme à des composants macro-syntaxiques. Le rôle de thème/topic p. ex. peut échoir à un SN détaché (= pré-noyau) aussi bien qu’à un sujet canonique régi par un verbe :
(13) (les citoyens qui ont voté↗) (en juin dernier↗) (pour les accords bilatéraux entre l’Europe et la Suisse↗) (ces citoyens l’ont fait pour ouvrir la Suisse à l’Europe↘) [oral, radio]
Les fonctions informationnelles ne sont donc pas des critères discriminants pour définir les relations macro-syntaxiques.
3.2.4. Modalité illocutoire.
Une thèse commune à toutes les grammaires d’énoncé est que les noyaux se distinguent par l’expression de modalités, et en particulier de modalités illocutoires (Cresti 2003 ; Blanche-Benveniste 2010 : 159 ; Benzitoun & al. 2010 ; Debaisieux 2013…), tandis que les ad-noyaux « ne portent pas de force illocutoire et se raccrochent à un noyau par le fait d’être dans la portée de la force illocutoire de ce dernier » (Kahane & Pietrandrea 2009 : 66).
Cette thèse se heurte cependant à l’absence de critère formel permettant d’identifier les actes illocutoires (AI) dans le texte des discours. Il s’avère d’une part que contrairement à une idée reçue, il n’y a pas de contour intonatif qui soit le marqueur spécifique d’un AI. Par exemple, un contour descendant au registre bas peut caractériser aussi bien une affirmation (14) qu’une question (15) ou un ordre (16), quand il n’est pas un simple marqueur de continuation (11 supra) :
(14) (il est né le dix-huit février↘) [ofrom]
(15) (certains d’entre vous ont-ils déjà suivi une visite générale ↘) [crfp, pub-orl-1, 90"]
(16) (vas-y↘) (euh) (vas-y↘) (dors minablement↘) [ofrom]
Quant aux traits segmentaux qui passent communément pour des marqueurs d’AI, ils n’ont rien d’univoque. Les constructions verbales de la triade classique {assertive / interrogative / impérative} ont des occurrences qui ne peuvent pas être tenues pour nucléaires et qui ne signifient pas des AI, mais font partie d’un contenu propositionnel complexe . Si bien que là ou ces constructions commutent, il est hasardeux de décider si on a affaire ou non à un noyau. Les séquences (17) sont-elles des suites de deux énoncés nucléaires, ou un seul énoncé du type [prénoyau + noyau] ? :
(17) (a) je ne me livre pas à de folles débauches ! Hélas ! Je le voudrais, je serais un peu plus gai ! [Flaubert, frantext]
(b) Voulez-vous qu’on pense et qu’on dise du bien de vous, n’en dites pas vous-mêmes. [G. Bruno]
(c) Lisez les textes de Noam Chomsky : vous n’y trouverez aucune conscience de l’évolution du monde. [Todd, cité par Corminboeuf 2009 : 236]
Autre exemple : l’enchâssement sous bien sûr que…, même s’il a lieu le plus souvent dans des noyaux assertifs (Debaisieux 2013 : 75), apparaît aussi à l’occasion dans des ad-noyaux, voire dans des que P régies, et n’est alors qu’un marqueur de modalité épistémique sans valeur illocutoire :
(18) (a) Comme bien sûr que je savais que je n’étais pas encore bien guéri, je me suis plaint pour cela, et en effet je suis rentré à l’hôpital, je suis bien soigné. [M. Ducol, lettre 1916]
(b) J’ai l’impression que vous adorez mes choix un peu décalés ! Même si bien sûr que je choisi pas mes tissus pour vous plaire mais pour me plaire, il faut avouer que c’est toujours très agréable de recevoir des compliments. [sic, web]
(c) et ma foi ce monsieur a tant de cœur que bien sûr que Théodore est sûr de trouver près de lui peut-être bien plus qu'il ne mérite. [Proust, frantext]
Le cas des énoncés polyphoniques, entre autres, fait problème. On a pu soutenir p. ex. (Rubattel 1986) que l’énoncé (19) exprime deux assertions imputables à des énonciateurs différents, et argumentativement anti-orientées :
(19) Malgré une météo pessimiste, j’ai quand même envie d’aller à la plage.
Soit un contenu que l’on pourrait schématiser ainsi (la flèche notant l’inférence d’une conclusion tacite) :
(19′) Assert (X, il y a une météo pessimiste) → <je ne sortirai pas>
Assert (JE, j’ai envie d’aller à la plage) → <je vais sortir>
Cette analyse, si on l’admet, peut conduire à reconnaître une valeur illocutoire d’assertion à des segments qui ne sont pas des noyaux autonomes mais des ad-noyaux ou peut-être même des adjoints régis .
En l’absence de critères formels décidables permettant d’identifier les AI dans les textes, la ‘force illocutoire’ ne peut donc pas servir de critère efficace pour distinguer les noyaux, ni par conséquent pour délimiter les énoncés.
3.3. Conclusion.
La notion d’énoncé comme unité macro-syntaxique permet de décrire un domaine de faits plus vaste que celle de phrase. Elle est plus adéquate pour analyser les structures en usage à l’oral, et permet de formuler certaines généralisations sur la syntaxe de l’écrit, en ramenant à des constructions régulières des emplois traités jusque là comme marginaux (emplois non régis de propositions dites ‘subordonnées’, épexégèses, énoncés averbaux, etc.).
Mais la notion d’énoncé présente le même inconvénient que celle de phrase. Comme elle, c’est une unité postulée sans définition (d’où les tentatives successives faites pour lui en trouver une). Faute de propriété caractéristique, cette notion ne peut servir ni à garantir une segmentation consistante des textes discursifs en unités constitutives, ni à décrire la combinatoire inter-énoncés, qui reste une ‘nébuleuse’ (Debaisieux & al. 2013 : 67). C’est une notion ‘provisoire’ :
Le terme d’énoncé peut être employé pour délimiter de manière informelle le champ de l’analyse syntaxique […] Il a une valeur essentiellement heuristique : désigner la matière contenue dans les exemples que le linguiste utilise pour raisonner. Au niveau de la description linguistique, il n’a plus sa place et doit être remplacé par des termes comme construction grammaticale, période, configuration macro-syntaxique, unités de discours, qui désignent des séquences linguistiques définies par des critères explicites dans un cadre d’analyse donné. (Deulofeu 2021 : 333)
4. Grammaires d'énonciations.
4.1. Principe.
4.1.1. À l’origine de cette approche, il y a la théorie de Benveniste, qui distingue dans le discours deux ordres de combinatoire entre lesquels la phrase (ou plus exactement un type d’unités prédicatives qu’il nomme catégorèmes) tient lieu de seuil : aux rangs inférieurs, on a affaire à la construction de signes complexes à partir de signes simples ; au-delà de ce rang, on a affaire à une combinatoire d’actes de communication. Benveniste nomme respectivement ces deux domaines sémiotique vs sémantique :
[Il y a] deux modalités fondamentales de la fonction linguistique, celle de signifier, pour la sémiotique, celle de communiquer, pour la sémantique. La notion de sémantique nous introduit au domaine de la langue en emploi et en action. (Benveniste 1967 : 224)
Dans la sémiotique nous plaçons (1) les signes avec leurs variétés et leur hiérarchie ; (2) la capacité formelle de construire des énoncés. (Benveniste, note manuscrite, citée par Fenoglio 2019)
L’ordre sémantique s’identifie au monde de l’énonciation et à l’univers du discours. (1967 : 64)
Avec la phrase, on quitte le domaine de la langue comme système de signes, et l’on entre dans un autre univers, celui de la langue comme instrument de communication, dont l’expression est le discours. […] Il y a d’un côté la langue, ensemble de signes formels, dégagés par des procédures rigoureuses, étagés en classes, combinés en structures et en systèmes, de l’autre, la manifestation de la langue dans la communication vivante (1966 : 129-130)
(Sur la notion d’énonciation, voir l’ > Annexe .)
4.1.2. Certains travaux de sémantique descriptive ont apporté des analyses convergentes, comme p. ex. la distinction que pose le groupe λl (1975) entre les ‘opérateurs’ (parce que) qui construisent des contenus propositionnels complexes et les ‘connecteurs’ (car, puisque) qui signifient des rapports entre deux ‘actes de parole’ successifs, ou énonciations. Ce qui revient à reconnaître dans le discours deux ordres de relations, intra-propositionnelles (= sémiotiques) vs inter-énonciatives (= sémantiques).
4.1.3. Une tentative de systématiser cette approche est la grammaire du groupe de Fribourg (2012). À sa base est posée une distinction entre les segments de texte qui sont des signes maximaux, de rang catégorématique, ou clauses, et les actes locutoires qui consistent à employer ces signes pour communiquer, c’est-à-dire les énonciations de clause. D’où un modèle à deux composantes : une morpho-syntaxe, qui décrit la structure interne des clauses, et une pragma-syntaxe, qui décrit la combinatoire des énonciations dans le discours .
4.1.4. Références bibliographiques principales :
Benveniste (É.), 1966, « Les niveaux de l’analyse linguistique », in Problèmes de linguistique générale I, Paris, Gallimard, 119-131.
Benveniste (É.), 1967, « La forme et le sens dans le langage », in Problèmes de linguistique générale II, Paris, Gallimard, 215-240.
Berrendonner (A.), 2002, « Les deux syntaxes », Verbum XXIV/1-2, 23-35.
Groupe de Fribourg, 2012, Grammaire de la période, Bern, P. Lang.
4.2. Les deux syntaxes.
4.2.1. Morpho-syntaxe.
Dans ce modèle, les clauses sont définies comme des îlots de connexité rectionnelle, c’est-à-dire comme des constructions faites uniquement de rapports de rection (implications d’occurrence + restrictions sélectives mutuelles), mais qui n’entretiennent pas de rapport de rection avec leur entourage. Leur analyse se fonde sur une conception ‘large’ de la rection ( > Notice Rection, § 41), selon laquelle régissants et régis peuvent être des signes de tous rangs, syntagmes aussi bien que morphèmes.
Appliquée à la segmentation des textes, cette notion de clause comme domaine de la rection a pour conséquence pratique de faire éclater les formats usuels de phrase ou d’énoncé. De nombreux segments traités comme des adjoints périphériques dans les grammaires de phrase ou comme des ad-noyaux dans les grammaires d’énoncé sont en effet rectionnellement indépendants, ce qui conduit à les analyser comme des clauses distinctes. C’est le cas du premier membre des constructions pseudo-clivées (Groupe de Fribourg 2012 : 212), des adverbes d’énonciation (franchement, en un mot…) et de morphèmes comme bref, voilà ou donc, qui peuvent être décrits comme des clauses non verbales porteuses d’informations méta-énonciatives (Berrendonner 2020a, 2021b, 2025), sans avoir à recourir aux notions de ‘marqueur discursif’, de ‘connecteur’ ou de ‘particule énonciative’ ( > Notice ).
4.2.2. Pragma-syntaxe.
4.2.2.1. D’autre part, chaque clause est supposée faire l’objet d’un acte d’énonciation distinct. Il consiste en une opération ℰ (L0 {S,I,G}) par laquelle un locuteur L0 se montre en train d’actualiser conjointement une clause (signe segmental) S, un signe intonatif I et des gestes posturaux G (dont le modèle ne prend cependant pas la description en charge).
Selon une conception héritée à la fois de la logique naturelle de Grize (1976, 1982) et de la pragmatique ostensive-inférentielle de Sperber & Wilson (1989), il s’y ajoute la thèse que le discours a pour fonction de construire entre deux interlocuteurs un ensemble évolutif de représentations cognitives partagées, ou mémoire discursive M, et que chaque énonciation est un opérateur appliqué à un état momentané de M pour le transformer en un nouvel état. Les contraintes qui règlent la succession formelle des énonciations dans le discours résultent de ces opérations sur le savoir partagé, et ne peuvent pas être formulées correctement sans les prendre en compte, ce qui suppose qu’on élabore un modèle précis et formalisé des opérations sur M .
4.2.2.2. Dans ce cadre, les rapports entre énonciations sont décrits en faisant appel à des relations praxéologiques élémentaires dont principalement :
• la relation de préparation :
ℰ(1) ◄ ℰ(2) = si on a fait ℰ(1), ça
crée un état de M tel qu’on peut ensuite faire ℰ(2)
• la relation de projection
:
ℰ(1) ► ℰ(2) = si on a fait ℰ(1), ça
crée un état de M tel qu’on doit ensuite faire ℰ(2).
Ces relations sont constitutives de pragma-syntagmes plus ou moins routinisés, p. ex. :
(21) ℰ (on l’a fait rentrer en cinquième technique) ◄ ℰ (or ce n’était pas son orientation) [crfp, pri-lar-2, 921"]
(22) ℰ je suis sûr d’une chose) ► ℰ (il continuera de nous étonner) [Macron, web]
(23) ℰ (alors ce qui me met en joie↗) ◄ ► ℰ (c’est la musique baroque↘) [ctfp-35, 1165"]
En (21), exécuter la première énonciation permet d’énoncer ensuite une clause introduite par le connecteur or, qui l’implique . En (22), la première énonciation introduit un référent <une chose> totalement indéterminé, ce qui implique qu’une énonciation ultérieure vienne lui apporter des attributs. En (23), les deux relations sont cumulées : la première énonciation, dénotant un objet en attente de prédications, projette la seconde ; et en même temps, elle la rend possible en fournissant le référent nécessaire à l’interprétation du pronom c’.
4.3. Unités maximales.
4.3.1. Le fait que certaines suites d’énonciations soient perçues comme prosodiquement complètes et d’autres non (Hazaël-Massieux 1983) a conduit à postuler l’existence d’unités de rang supérieur aux énonciations, et dont la démarcation est assurée par des contours intonatifs terminaux faisant office de signaux de clôture. Ce sont ces séquences qui ont reçu le statut d’unités maximales de la pragma-syntaxe, sous le nom de périodes ( > Notice § 3). La notion de période, ainsi conçue, coïncide avec celle de paragraphe oral que Morel & Danon-Boileau, analysant le français parlé, posent en tant qu’« unité maximale susceptible d’une grammaire » (1998 : 21), et qu’ils définissent eux aussi par une intonation finale à fonction démarcative. La description de ces unités maximales ne va cependant pas sans soulever des problèmes.
4.3.2. L’un concerne leur identification formelle. Elle est censée reposer sur l’existence d’intonations conclusives. Mais en fait, qu’on en reconnaisse une ou plusieurs , il semble impossible de caractériser ces intonations par des traits phonologiques distinctifs (voir supra § 323). Si l’existence de périodes / paragraphes oraux est une donnée empirique indéniable, il faudrait donc plutôt les définir par la convergence de plusieurs indices de clôture, les uns prosodiques (autonomie intonative), les autres segmentaux (indépendance morpho-syntaxique) et communicatifs (complétude pragma-syntaxique).
4.3.3. Quant à la structure interne de ces unités maximales, elle attend un modèle d’ensemble. Morel & Danon-Boileau en proposent une analyse ternaire à base de fonctions informationnelles : [préambule (thèmatique) + rhème + postrhème], mais ces composants ne sont pas toujours congruents avec un découpage en unités de rection, et leurs rapports à la morpho-syntaxe sont laissés dans l’ombre. Si on envisage les périodes comme composées d’énonciations, leur rapport à la morpho-syntaxe est clair, mais il reste à décrire en détail comment et avec quelles fonctions communicatives ces énonciations se combinent pour former les structures périodiques les plus complexes.
4.3.4. Il a également été envisagé de définir des unités sur la base d’une complétude syntaxique assortie d’une complétude prosodique (Simon & Degand 2011). Cette approche vise à décrire les unités énonciatives comme des étapes de production dynamique du discours et elle aboutit à une typologie d’unités de base du discours (ou BDU, basic discourse units) .
4.4. Conclusion.
• Ce qui caractérise ce type de grammaires, c’est d’abord une critique de la notion traditionnelle de ‘chaîne parlée’. La linéarité du texte y est lue comme la marque indifférenciée de deux sortes de relations syntagmatiques, qu’il convient de démêler : la concaténation de signes vs la succession d’actes de parole. Cette idée est en opposition avec les conceptions du discours comme continuum homogène ou réseau de dépendances graduelles allant du morphème au texte.
• Une seconde caractéristique est la révocation du postulat de l’autonomie de la syntaxe. Les contraintes formelles qui pèsent sur la succession des énonciations étant déterminées par l’évolution du sens communiqué, leur description ne peut pas se faire avec généralité sans prendre sa structure en compte, y compris dans ses dimensions actionnelles. Autrement dit, sans abolir la traditionnelle division du travail entre syntaxe et pragmatique.
• Le recours exclusif aux relations de rection pour délimiter les clauses constitue un critère relativement décidable, qui permet, moyennant un examen soigneux des commutations et restrictions sélectives observables, de réduire le nombre des cas de segmentation douteux. Ce type d’approche a rendu des services, en littérature, pour aborder l’analyse de textes non ponctués, ou ponctués de manière peu conventionnelle (Yocaris & Zemmour 2008 : 289 et 2013 : 18)
• L’analyse du discours comme suite d’énonciations a en outre permis une modélisation de certains phénomènes variationnels et diachroniques (« couplages » de constructions verbales, greffes, coalescences...) en termes de réanalyses syntaxiques, mettant un contenu précis sous la notion de grammaticalisation (d’usage courant, mais définie de manière peu consensuelle ; v. Béguelin 2014). > Exemples .
• Le fait que les unités de dimension maximale prises pour objet de description soient les périodes constitue en soi une extension du domaine de la grammaire à des épisodes de discours qui peuvent être relativement longs. Néanmoins, la pragma-syntaxe reste dans un état de développement encore peu avancé, qui se résume pour l’essentiel à décrire des configurations bi-énonciatives routinisées. Il reste à rendre compte de leur intégration dans les structures périodiques plus complexes. La pragma-syntaxe n’étant pas une algèbre de concaténation, les modèles arborescents familiers aux grammaires syntagmatiques ou aux grammaires de dépendance ne peuvent guère lui convenir (Berrendonner 2002), et la combinatoire des énonciations dans les périodes attend une modélisation formelle appropriée.
5. Modèles de l'interaction.
5.1. L’objet d’étude.
5.1.1. La linguistique interactionnelle issue de l’analyse ethno-méthodologique des conversations s’attache à décrire les échanges verbaux en tant que pratiques sociales créatrices de rapports entre interlocuteurs > Notice . Cet objectif rend non pertinente la définition a priori d’une dimension de texte qui serait l’objet à modéliser. Les discours sont envisagés non comme des constructions, mais comme des suites ouvertes d’actions et de réactions coordonnées, dont il s’agit de décrire les ajustements mutuels. Cela se traduit en pratique par le fait que les données soumises à l’analyse sont des fragments de dialogues oraux découpés ad libitum à des fins heuristiques (= à la recherche de routines interactionnelles récurrentes).
5.1.2. Références bibliographiques principales.
Notice EGF « Linguistique interactionnelle et grammaire du français » (Mondada & Pekarek-Doehler, 2025) > Notice
Mondada (L.), 2008, « Contributions de la linguistique interactionnelle », CMLF08, 881-897. En ligne : http://dx.doi.org/10.1051/cmlf08348
Sacks (H.), Schegloff (E.-A.) & Jefferson (G.), 1974, « A Simplest Systematics for the Organization of Turn Taking for Conversation », Language 50(4), 696-735.
5.2. Théories des unités.
5.2.1. Dans la tradition de l’analyse conversationnelle, les unités de base constitutives des interactions sont le tour de parole et le TCU (unité de construction de tour, angl. turn constructional unit). Leur propriété distinctive est la complétude interactionnelle : ce sont des séquences comportementales reconnaissables par les interactants comme des actions achevées appelant une réaction pertinente de l’allocutaire, et après lesquelles un changement de tour de parole est légitime, que cette ‘place transitionnelle’ soit effectivement exploitée ou non. Leur identification ne repose donc pas sur un critère formel ou distributionnel, mais sur un critère de pertinence en contexte, qui est multi-factoriel :
Outre les dimensions syntaxique et prosodique, interviennent les dimensions sémantique (la complétude envisagée du point de vue du sens) et pragmatique (la complétude envisagée du point de vue de l’action réalisée par l’unité). [Mondada 2008 : 888]
La composition interne de ces TCUs peut être quelconque (« sentential, clausal, phrasal and lexical constructions » (Sacks, Schegloff, Jefferson, 1974)), dès lors qu’elle satisfait à une exigence de ‘complétude syntaxique’. Le type de syntaxe d’après laquelle est évaluée cette complétude n’est cependant pas spécifié explicitement, et se ramène le plus souvent à une grammaire de phrase, traditionnelle ou formelle.
Les tours de parole se groupent en paires adjacentes, du type [question > réponse] ou [salutation > salutation en retour], dont le premier membre impose des conditions de pertinence sur le second (après une question, p. ex., « toute chose dite sera inspectée afin de voir en quoi elle peut servir de réponse » (Goffman 1987 : 12). Il apparaît cependant que les contraintes de ce type, dites dépendances conditionnelles, s’établissent le plus souvent entre des segments non adjacents, propositions ou syntagmes réalisant des ‘actions’ élémentaires (Kerbrat-Orecchioni 2005 : 59). Pour les caractériser, on emprunte généralement à la pragmatique des actes illocutoires ou de l’argumentation, non sans s’autoriser des découpages intuitifs.
5.2.2. De la combinatoire de ces actions dans le discours, il n’existe pas de modèle formel d’ensemble, mais des analyses suggestives. Elles mettent notamment en évidence des relations de projection, liant deux segments dont l’un laisse prévoir l’occurrence ultérieure de l’autre :
By projection I mean the fact that an individual action or part of it foreshadows another. (Auer 2002 )
Un segment peut projeter une suite par sa valeur illocutoire ou argumentative, mais aussi en raison de son statut morpho-syntaxique (énoncer un syntagme régi ouvre p. ex. l’attente d’un régissant compatible). La notion de projection constitue donc une généralisation intéressante pour un modèle de l’actualisation des matériaux linguistiques (= de la performance). Mais elle laisse intacte la question de savoir comment doivent être définis et distingués les divers types de dépendances dont découlent les phénomènes de projection, et elle n’engage pas une conception originale de la syntaxe.
5.2.3. En résumé, les théories de l’interaction n’ont pas pour objectif principal d’analyser les structures syntaxiques, mais plutôt d’en décrire la production par les sujets parlants, et elles se réfèrent pour cela aux grammaires existantes, de phrase le plus souvent. Cela revient à proroger la dichotomie entre deux espèces hétérogènes d’objets langagiers : les discours, dont l’organisation est de nature praxéologique ou sémantico-pragmatique, et les constructions grammaticales, fragments préformatés présentant des régularités formelles. Mais sans déplacer leurs limites traditionnelles.
5.3. Dissidences.
5.3.1. Le modèle du discours élaboré à Genève par Roulet & al. (1985, 2001) s’écarte des approches interactionnistes classiques sur deux points :
• Il prend pour objet non pas les discours, mais les textes qui en sont la trace (Roulet 2002 : 161). Les dialogues sont traités comme des constructions, produits finis ‘émergeant’ de la dynamique interactionnelle.
• L’analyse de ces constructions, inspirée de Pike (v. supra § 13 note 4) n’est pas linéaire, mais procède du tout vers les parties. Elle leur attribue une structure hiérarchique faite de trois rangs d’unités emboîtées, échanges, interventions et actes. Ces unités sont constituées d’un membre principal et de membres subordonnés, et les unités de rang supérieur sont aptes à entrer comme constituants subordonnés dans une unité de rang inférieur, selon un principe de récursivité généralisé.
5.3.2. Ce modèle présente par ailleurs une architecture modulaire, juxtaposant un module ‘linguistique’ dont relève la syntaxe, et un module ‘textuel’ qui rend compte de la structure hiérarchique des textes. La syntaxe, qui ne fait pas l’objet d’un exposé systématique, se réduit à emprunter à la grammaire chomskyenne ses catégories, puis à la grammaire d’énonciations sa notion de clause (§ 421). Entre ses unités maximales (phrases, puis clauses) et les unités textuelles minimales, il n’y a pas correspondance terme à terme (Roulet 2002 : 170), une même unité syntaxique pouvant exprimer plusieurs actes (ex. 19). Non seulement ce modèle ratifie la thèse d’une hétérogénéité fondamentale entre deux ordres d’objets langagiers, la langue avec ses constructions syntaxiques d’une part, le texte et ses structures pragmatiques d’autre part, mais il postule en outre une disconnexité entre les unes et les autres, ce qui revient à récuser a priori toute tentative d’extension du domaine de la syntaxe à des configurations non rectionnelles, macro-syntaxiques ou pragma-syntaxiques.
6. Bilan: dans l'EGF.
6.1. L’EGF ne vise pas à proposer un corps de doctrine homogène, mais à présenter un tableau critique des connaissances grammaticales en développement et des options théoriques sur lesquelles elles se fondent. Les notices qu’elle comprend sont donc représentatives des diverses conceptions du domaine de la syntaxe répertoriées ci-dessus. Cette diversité tient entre autres au fait que ces notices sont datées (de 2011 à ce jour), et répondent à différents états d’avancement de la recherche en linguistique.
• En fait, la plupart des notices descriptives concernent des constructions ‘de bas rang’ (Pronoms clitiques, Postposition du sujet, Adjectif adverbal, COD, Prépositions, Adjectifs épithètes, Absence de ne…), qui peuvent être traitées sans que soit discuté le type d’unités maximales pris pour cadre. Selon les principes théoriques que l’on adopte (grammaires syntagmatiques, de dépendance, catégorielles, ou leurs hybrides), ces structures peuvent être figurées sous des formes différentes (structures plates vs hiérarchisées, p. ex.), mais à capacité descriptive équivalente, et qui sont toutes traduisibles en termes de rections.
• D’autres notices relèvent de la grammaire de phrase, soit par option de l’auteur (Mots qu-), soit parce que la notion traitée a pris naissance dans ce cadre (la notion de Dislocation, p. ex., n’a de sens à proprement parler qu’en référence à un modèle de la phrase canonique). Les notices qui portent sur de telles notions en présentent un bilan critique, et mentionnent l’existence de données qui orientent vers une approche non phrastique de certains faits.
• Certaines notices mentionnent sous diverses terminologies la coexistence de constructions rectionnelles et non rectionnelles (Constructions en quand, Constructions en si, Hypothétiques non marquées, Concessives), et s’inscrivent ainsi clairement dans le cadre d’une grammaire non phrastique, d’énoncés ou d’énonciations. Une approche de certains faits en termes de grammaire d’énonciations est p. ex. explicite dans la notice Concessives à auxiliaire modal (Béguelin 2022).
• D’autres notices, enfin, préfèrent laisser prudemment imprécisée la théorie des unités sur laquelle elles se fondent, en usant p. ex. du terme de segment comme moyen de rester neutre. Il appartient alors au lecteur de diagnostiquer ce qu’il recouvre…
6.2. La ‘table des matières’ de l’EGF est une esquisse de la façon dont pourrait être organisé un modèle général de la grammaire. L’idée que deux combinatoires sont à l’œuvre dans le domaine de la syntaxe, celle des signes et celle des actes d’énonciation, nous semble être un acquis pertinent, que l’EGF assume, tout en tenant compte du fait que la frontière entre elles (délimitation exacte des unités qui relèvent de l’une et de l’autre) est souvent sujette à débat. C’est pourquoi la table des matières présente une division principale de la syntagmatique en deux parties : syntaxe de rection et syntaxe d’énonciations. Certaines notices descriptives traitent de faits qui relèvent des deux domaines, soit en raison du découpage traditionnel des données, soit parce que ces faits sont susceptibles de plusieurs analyses. On ne s’étonnera donc pas de les voir figurer sous les deux rubriques.
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8. Annexes.
Annexe 1.
La proposition selon Port-Royal
Arnauld (A.) & Lancelot (C.), 1660, Grammaire générale et raisonnée, contenant les fondements de l’art de parler expliqués d’une manière claire et naturelle, les raisons de ce qui est commun à toutes les langues, et des principales différences qui s’y rencontrent.
Ce petit ouvrage (108 pages) innove pour l’époque, en se fixant pour but non de décrire les usages de la langue, mais d’« en pénétrer aussi les raisons » (p. 4), c’est-à-dire d’en proposer une théorie explicative, qui est fondée sur une conception du langage comme expression de la pensée, dont les constructions grammaticales sont censées refléter la structure logique.
1. L’analyse logique distingue trois opérations de l’esprit : concevoir (= se former la simple idée d’une chose), juger (= affirmer qu’une chose est telle ou telle), et raisonner (= se servir de deux jugements pour en faire un troisième). Les catégories grammaticales sont les marques de ces opérations : noms, pronoms, adjectifs et adverbes expriment des idées de choses (substances ou accidents), tandis que les verbes, les conjonctions et les interjections contribuent à l’expression des jugements. Quant à la troisième opération, raisonner, elle « n’est qu’une extension de la seconde » (p. 23), et ne met pas en jeu d’autres matériaux linguistiques que celle-ci.
2. L’apport principal de Port-Royal a été d’ajouter aux classes de mots traditionnelles la catégorie des propositions, unités construites exprimant les jugements. Une proposition est un énoncé verbal élémentaire formé de trois constituants : un sujet, un attribut, et le verbe copule être, dont la fonction est de marquer « l’action de notre esprit qui affirme l’attribut du sujet » (p. 66) :
Le jugement que nous faisons des choses, comme quand je dis La terre est ronde, s’appelle PROPOSITION ; et ainsi toute proposition enferme nécessairement deux termes ; l’un appelé sujet, qui est ce dont on affirme, comme terre ; et l’autre appelé attribut, qui est ce qu’on affirme, comme ronde ; et de plus, la liaison entre ces deux termes, est. (p. 23)
3. Cette structure canonique relève d’une ‘grammaire générale’ commune à toutes les langues. Dans les grammaires des langues particulières, elle peut toutefois être réalisée sous diverses formes abrégées, soit par ellipse de certains de ses éléments, soit par leur amalgame en un seul mot. En français par exemple, la plupart des verbes expriment à la fois un attribut et son affirmation :
C’est la même chose de dire, Pierre vit, que de dire Pierre est vivant. De là est venue la grande diversité des verbes dans chaque langue. (p. 67)
4. À côté des propositions simples, comme Dieu est bon, il existe par ailleurs des propositions complexes, dont le sujet et/ou l’attribut contiennent eux-mêmes des propositions dites incidentes.
Comme quand je dis : Dieu invisible a créé le monde visible : il se passe trois jugements dans mon esprit, renfermés dans cette proposition. Car je juge premièrement que Dieu est invisible ; 2° qu’il a créé le monde ; et 3° que le monde est visible. Et de ces trois propositions, la seconde est la principale et l’essentiel de la proposition : mais la première et la troisième ne sont qu’incidentes. (p. 50)
Le prototype des propositions incidentes est la proposition relative. Dans sa forme canonique (dont les adjectifs épithètes de l’exemple ci-dessus ne sont que des abrégés), elle est introduite par un mot qui vaut « à la fois pour une conjonction et un pronom démonstratif » (p. 52). Est donc reconnue l’existence d’une catégorie des ‘conjonctions’, dont la fonction est de lier (= intégrer) les propositions incidentes aux éléments de la principale. Mais l’analyse n’est pas poussée plus loin. Les diverses formes que peuvent prendre les propositions incidentes ne sont pas inventoriées, leurs portées ne sont pas examinées en détail, et ce qui est dit de la classe des conjonctions se réduit à en citer deux ou trois à titre d’exemple (et, ou, si, donc…). Il s’ensuit que la combinatoire inter-propositionnelle reste une zone de vague. S’y trouvent mises dans le même sac les coordinations, les subordonnées relatives, conditionnelles, causales, et les enchaînements adversatifs du genre P mais Q, P et non Q. Demeure notamment imprécisée la frontière entre propositions exprimant des jugements complexes et suites de propositions exprimant des raisonnements. C’est aux grammairiens du siècle suivant qu’il incombera d’affronter ces problèmes et de les résoudre.
Pour un bilan critique plus détaillé de la théorie de Port-Royal, on peut lire :
Pariente (J.-C.), 1984,
« Grammaire et logique à Port-Royal », Histoire, Épistémologie,
Langage 6-1, 57-75, en ligne :
https://www.persee.fr/doc/hel_0750-8069_1984_num_6_1_1176
Annexe 2.
La syntaxe de M. A. K. Halliday
Halliday, M.A.K. (1985). An introduction to functional grammar. London: Edward Arnold.
Halliday, M.A.K. (1989). Spoken and written language. Oxford: Oxford University Press. Second edition.
La démarche de Halliday consiste à décrire les structures linguistiques comme investies de fonctions communicatives (idéationnelles, interpersonnelles et textuelles), dans une perspective plus pragmatique que grammaticale. Cela le conduit néanmoins à se pencher sur la combinatoire inter-propositionnelle (1985, 1989).
1. Son analyse du discours prend pour unité de base la clause (terme usuel en anglais pour désigner les propositions). Elle est définie par son contenu, qui allie la représentation d’une donnée d’expérience, une modalité énonciative et une fonction informationnelle (thème + propos). Cette notion est équivalente à celle de phrase simple constituée d’une seule proposition :
A so called ‘simple sentence’ is a sentence consisting of one clause. (1985 : 66 )
2. Halliday récuse par contre la notion traditionnelle de phrase complexe, en distinguant parmi ses ressortissants deux sortes de structures. D’une part, les enchâssements (embedding), qui consistent à intégrer une clause dans une autre pour n’en former qu’une seule, et d’autre part l’assemblage de deux clauses en une unité de rang supérieur, ou complexe clausal (clause complex) :
It is important to distinguish between embedding on the one hand and the ‘tactic’ relations of parataxis and hypotaxis on the other. Whereas parataxis and hypotaxis are relations BETWEEN clauses (or other ranking elements; […]), embedding is not. Embedding is a mechanism whereby a clause or phrase comes to function as a constituent WITHIN the structure of a group, which itself is a constituent of a clause. (1985: 219 )
Dans son livre sur l’oral et l’écrit, (1989 : 83-84) Halliday illustre cette distinction en comparant les deux exemples suivants :
(1) Have
you seen my husband, who came in with me?
Avez-vous vu mon mari, qui est entré avec moi ?
(2) Have you seen the man who came in with me?
Avez-vous vu l’homme qui est entré avec moi ?
La formulation (1) est un complexe clausal formé de deux clauses reliées par hypotaxe (la relative non déterminative étant une clause distincte de la principale dont elle dépend) ; la formulation (2) est un cas d’enchâssement, analysable comme une clause unique (dont la relative déterminative n’est qu’un constituant). Ces constructions relèvent de deux procédés syntaxiques différents :
In mathematical terms, the hypotactic relation is one of iteration, whereas embedding is one of recursion. (p. 84 )
3. Au nombre des complexes clausaux figurent entre autres les subordinations en when, if, because, instead of, besides of… (quand, si, parce que, au lieu de, outre que). Halliday les range dans la même classe que les suites formées de deux clauses indépendantes, liées ou non par un connecteur. La catégorie clause complex rassemble donc d’une part des constructions hypotaxiques (dont les termes sont en relation inégalitaire de dépendance), et d’autre part des constructions parataxiques (dont les termes sont en relation égalitaire), sans que soient toutefois caractérisées précisément les marques formelles justifiant cette distinction, qui semble être une survivance de la grammaire traditionnelle.
The clause complex will be the only grammatical unit which we shall recognize above the clause. Hence there will be no need to bring in the term ‘sentence’ as a distinct grammatical category. (1985 : 193 )
4. Bien que Halliday n’ait pas pour objectif principal de développer une syntaxe, son modèle présente des convergences avec les grammaires d’énoncé, (i) par l’abandon de la notion de phrase, (ii) par l’opposition entre syntaxes de récursion vs d’itération, qui recoupe en partie la distinction entre micro et macro-syntaxe, et (iii) par la segmentation des textes qui en résulte.
Annexe 3.
La notion d’énonciation
1. Origine.
Le terme d’énonciation a été mis en usage par É. Benveniste, qui le définit ainsi :
L’énonciation est [la] mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation. (1967 : 80)
Selon cette conception originelle,
- Les énonciations sont des réalités d’ordre praxéologique : des actions et non des signes.
- Chaque énonciation est un événement singulier, accompli par un individu particulier dans des circonstances particulières (genre d’interaction, état de l’univers référentiel…).
- L’énonciation consiste à utiliser des signes de la langue pour communiquer, mais la nature et la dimension de ces signes n’est pas considérée : on peut parler d’énonciation aussi bien à propos d’un mot que d’une phrase ou de tout un discours. (Le plus souvent d’ailleurs, on dit « l’énonciation » (SN défini singulier) sans dire de quoi, pour désigner globalement l’activité de parole en cours).
2. Les linguistiques de l’énonciation.
Selon la conception structuraliste classique, ce que la linguistique se donne pour objet à décrire, c’est « la langue envisagée en elle-même et pour elle-même » (Saussure, CLG : 317), c’est-à-dire considérée comme un système de signes immanent, abstraction faite de ses mises en usage et des facteurs qui y interviennent. Cette perspective implique que les actes d’énonciation n’ont pas à faire l’objet d’une modélisation dans la grammaire. Ce sont des réalités ‘extra-linguistiques’ et idiosyncratiques, des ‘faits de parole’ dont le linguiste n’a pas à rendre compte :
Les linguistes sont également unanimes à reconnaître l’impossibilité de constituer en objet d’étude l’énonciation ainsi conçue : c’est en effet « l’archétype même de l’inconnaissable ». (Kerbrat-Orecchioni citant Todorov, 2002 : 32)
Cet immanentisme prend une forme particulièrement stricte chez Ducrot, qui définit l’énonciation comme une pure inconnue impliquée par l’existence d’un énoncé :
Ce que je désignerai par ce terme, c’est l’événement constitué par l’apparition d’un énoncé. […] On remarquera que je ne fais pas intervenir dans ma caractérisation de l’énonciation la notion d’acte – a fortiori, je n’y introduis donc pas celle d’un sujet auteur de la parole et des actes de parole. Je ne dis pas que l’énonciation, c’est l’acte de quelqu’un qui produit un énoncé : pour moi, c’est simplement le fait qu’un énoncé apparaisse […]. Je n’ai pas à décider s’il y a un auteur et quel il est. (1984 : 179)
Si le linguiste n’a pas à proposer un modèle des énonciations, il peut et doit en revanche décrire l’existence, dans la langue, de signes et de constructions qui fonctionnent comme des traces codées de leur énonciation. Soit qu’ils y réfèrent en tant que repère pour situer des êtres, des lieux ou des moments (embrayeurs, déictiques) ; soit qu’ils indiquent les effets informationnels qu’elle vise à produire (modalisateurs, marqueurs argumentatifs ou de ‘force illocutoire’) ; soit qu’ils signalent son rôle dans l’interaction (‘phatiques’, ‘particules énonciatives’, marques de discours rapporté…). Ces signes constituent dans la langue ce qu’il est convenu d’appeler ‘l’appareil de l’énonciation’. Il en existe des conceptions plus ou moins larges, les unes réduites aux indices de la subjectivité du locuteur (‘subjectivèmes’, Kerbrat-Orecchioni 2002), les autres étendues à la totalité du signifié verbal, p. ex. chez Ducrot :
[Ma conception] revient à considérer le sens comme une description de l’énonciation. Ce que communique le sujet parlant au moyen de son énoncé, c’est une qualification de l’énonciation de cet énoncé. (1984 : 182)
(Cette conception ouvre notamment la voie aux analyses polyphoniques : on peut envisager que dans le sens d’un énoncé soient représentés les rapports entre son énonciation et d’autres énonciations évoquées, attribuées à des énonciateurs différents.)
En résumé, ce qu’on nomme communément linguistique de l’énonciation n’est pas un modèle de la praxis langagière elle-même, mais une description sémantique de ses marques dans les énoncés. Elle n’atteint donc les énonciations qu’indirectement, à travers la représentation que le matériau verbal utilisé donne de son utilisation. Cette approche est néanmoins révélatrice de la façon dont les sujets parlants conçoivent et structurent mentalement leurs opérations énonciatives, et elle apporte par là un éclairage important sur la cognition.
3. L’énonciation dans les linguistiques du discours.
Si on se fixe pour but de décrire non la langue, mais les structures des discours, la perspective change : on ne peut le faire sans figurer explicitement les actions dont ces discours sont composés, leurs caractéristiques intrinsèques, et les relations qui les lient. Face à cette tâche, deux orientations se sont fait jour :
(i) Sans recourir à la notion d’énonciation.
Les travaux consacrés à l’analyse des interactions font généralement appel à d’autres types d’unités d’action. C’est le tour de parole, effectif ou potentiel (TCU), qui est pris pour unité discursive de base. Il s’y ajoute le plus souvent une notion d’acte de langage héritée des sémantiques énonciatives, qui recouvre en fait les valeurs illocutoires ou argumentatives signifiées dans les contenus d’énoncés (voir § 5).
(ii) En recourant à la notion d’énonciation.
C’est la perspective adoptée par le Groupe de Fribourg (§ 412), qui fait des énonciations les unités de base dont sont composés les discours (monologaux). Par énonciation, on entend alors non la représentation sémantique qu’un énoncé donne de son dire, mais bien ce dire lui-même, c’est-à-dire l’action concrète de prononcer une clause, exécutée par un locuteur en situation. Cette conception constitue un retour à la notion benvenistienne d’origine, mais définie toutefois plus restrictivement, en tant qu’opération effectuée sur un type particulier d’unités linguistiques, les clauses.
Annexe 4.
Réanalyses
Le français présente, comme d’autres langues, des suites à contenu épistémique au sens large, de forme je (ne) sais (pas) qui, je (ne) sais (pas) où (abrégée ci-après SQ), ou n’importe quoi, n’importe comment (abrégée ci-après NQ), dont la syntaxe externe, sous une même manifestation graphique, se prête à deux analyses formelles A et B, aboutissant à des décomptes en unités différents :
(1)
A. ℰ(le soir ils lisent ← ØSN)C1
◄ ℰ(je ne sais pas quoi)C2 ∼
B. ℰ(le soir ils lisent ← [je ne sais pas quoi]SN)C
A. ℰ(ils veulent partir ← ØSN)C1
◄ ℰ(n'importe où)C2 ∼
B. ℰ(ils veulent partir ← [n'importe où]SN)C
En l’absence d’intonation ou de ponctuation discriminantes, on peut voir dans les séquences ci-dessus (analyse A) des binômes constitués de deux clauses verbales, donnant lieu à deux énonciations successives, où la seconde clause se présente sous la forme d’une interrogative indirecte réduite ; mais on peut y voir aussi (analyse B) une énonciation unique, impliquant une seule clause, où les segments en italiques (je sais pas quoi, n’importe où) sont interprétés comme des compléments rectionnels de lire et de partir, voire recatégorisés comme des pro-SN indéfinis (cf. Haspelmath 1996).
S’agissant de NQ, il semble que la seconde des interprétations dépeintes ci-dessus ait pris naissance entre le XVIIIe et le XIXe siècles (Béguelin 2002). Tout s’est passé comme si le contenu d’une énonciation commentative ℰ (>NQ)C2, anticipant sur une demande de précision de la part de l’interlocuteur, avait été happé par la valence du verbe de la clause commentée, avec à la clef une régression de rang syntaxique du segment concerné (cf. la notion de greffe chez Deulofeu 1988, 2010). (La généralisation de telles réinterprétations locales n’empêche pas, au demeurant, que n’importe puisse continuer à fonctionner en français comme un verbe constructeur, à l’instar de peu importe.) Dans le cas de SQ, la double analyse A et B est attestée depuis bien plus longtemps (elle concerne déjà, en latin, les équivalents de je ne sais qui, je ne sais quoi, etc., nescio quis, nescio quid, etc.) : elle affecte, au cours de l’histoire du français, des « aveux d’ignorance » de forme régulièrement renouvelée (je ne sais qui, je ne sais pas qui, on sait pas qui, Dieu sait qui, j’ignore qui, devine qui, etc.).
Or, la possibilité de réinterprétations « par greffe » de ce type peut être expliquée par les propriétés informationnelles de certaines routines périodiques où elles prennent naissance. Sont concernés, entre autres, des binômes [Préparation + Action] ou [Action + Réfection] dont la clause C1 est faiblement informative et/ou contient un verbe insaturé, et dont la clause C2 commente l’absence de complément du verbe de C1 soit sous forme d’un « aveu d’ignorance » (SQ), soit sous forme d’un « déni de pertinence informationnelle » (NQ) ; dans ces cas, il est tentant, par raccourci interprétatif, de considérer le contenu de C2 comme étant l’objet du verbe de C1. (Voir d’autres contextes « assimilateurs » dans Béguelin 2002, 2009 ; pour les questions prosodiques, v. Avanzi & Béguelin 2014 ; pour l’analyse, dans une perspective pragma-syntaxique, d’autres cas de coalescences, v. Béguelin & Conti 2010 ; Béguelin & Corminboeuf 2005, 2019).
(1)
Par syntaxe, on entend ici l’étude de la combinatoire des signes linguistiques, envisagée comme agencement de formes signifiantes associées à des signifiés. Le terme de grammaire, très polysémique, est parfois utilisé restrictivement dans le même sens.
L’énoncé est une suite de mots bien formée, exprimant un jugement complet.
Les divers degrés d’étendue du discours sont infinis […] La plus grande étendue dont la grammaire s’occupe est celle que nous considérons ici, c’est-à-dire la phrase. Les étendues plus grandes (comme les syllogismes, les paragraphes, les sections et les ouvrages complets) ne relèvent pas de la grammaire, mais d’arts d’ordre supérieur.
(4)
Certains auteurs font une distinction entre le discours, qui est l’activité de langage, et le texte, c’est-à-dire les suites d’énoncés qui en sont le produit (p. ex. Le Goffic 2019, Roulet 2002). En ce sens, ce que la plupart des descriptions grammaticales ‘transphrastiques’ prennent pour objet, ce sont des textes. Celles qui sont explicitement consacrées au discours sont rares, et l’envisagent généralement dans le cadre de théories de l’action. Cette approche praxéologique est p. ex. celle de Pike (1954=1967), qui traite le discours comme une manifestation particulière du comportement humain. Dans sa modélisation, un rôle unificateur est joué par la notion de fonction, qui est appliquée sans rupture de l’analyse des comportements non linguistiques à celle du langage (dans un mouvement top-down). La notion de tagmème lie une fonction à une classe d’éléments de diverses natures permettant de la réaliser (p. ex., la fonction de salut peut être réalisée tant par un signe de la main que par une formule linguistique). Le discours est vu comme une hiérarchie de tagmèmes intégrant des tagmèmes de rang inférieur. Pike n’a guère eu de successeurs, sinon Longacre 1983, qui s’en tient à l’analyse proprement linguistique. Le modèle de Roulet (voir infra § 53) lui emprunte cependant l’idée que des gestes peuvent remplir la même fonction que des énoncés, et une conception du discours comme hiérarchie d’unités d’action emboîtées.
(5)
Selon la GGF, le format [sujet + verbe] et le fait de décrire une situation (= dénoter un état-de-choses) sont les propriétés caractéristiques des phrases. Mais prise au pied de la lettre, cette définition ne convient pas à de nombreux énoncés, y compris verbaux (interrogatifs, impératifs, optatifs, etc.).
Alors que les phrases sont des unités de grammaire, et peuvent être décrites dans le cadre d’un modèle grammatical, les textes sont des processus communicatifs et requièrent un modèle procédural qui rende compte de leur fonction communicative. […] Les textes sont des processus de parole dynamiques plutôt que des unités de langage statiques. Les propriétés communicatives d’un texte en tant que tout ne peuvent pas être dérivées en faisant la somme des propriétés de ses éléments grammaticaux.
(7)
Dans cet article, Benveniste use indifféremment des termes phrase, proposition et catégorème comme étant synonymes.
(8)
Lorsque sont postulées, à l’écrit, des unités de dimensions supérieures à la phrase, ou bien elles sont définies sur la base de critères extrinsèques non linguistiques (p. ex. le texte, délimité par son péritexte, v. > Notice Texte § 32), ou bien elles résultent de la prise en compte de démarcations typographiques ( > Notice Paragraphe) dont le statut sémiotique n’est pas clair (transcrivent-elles de manière isomorphe des articulations linguistiques, ou relèvent-elles d’un code paralinguistique indépendant ?). Dans un cas comme dans l’autre, ces unités ultra-phrastiques ne sont pas définies par des règles de composition interne formulables en termes de contraintes sur leurs signifiants, autrement dit, n’ont pas de syntaxe.
(9)
Cf. Blanche-Benveniste (2002 : 8) : « Ce n’est pas seulement dans l’au-delà de la phrase qu’il faudrait placer une répartition entre syntaxe et non-syntaxe, mais, pour ainsi dire, dès l’en-dedans de ce qu’on entend par phrase. »
(10)
Ce terme est emprunté à Sechehaye (1926), ainsi que l’idée que ces phrases sont nées du couplage de deux énoncés monorèmes successifs.
(11)
Dans les travaux du GARS, la terminologie a évolué au fil du temps : les pré-noyaux ont d’abord été nommés préfixes, et les post-noyaux suffixes et postfixes.
(12)
Sur le statut des périphériques dans les diverses conceptions de la syntaxe, voir p. ex. Verbum, tome XLIII n° 2 (2021).
(13)
Le même problème se pose si on admet l’existence de noyaux complexes du type Plus il mange plus il grossit, formés de deux noyaux qui ne vont pas l’un sans l’autre (Blanche-Benveniste 1990 : 118). Ou encore si on analyse en [prénoyau + noyau] les pseudo-clivées comme Ce qui m’a plu c’est qu’on sortait tous les soirs ou Quand on réagit comme ça, c’est qu’on n’a rien compris : leur partie noyau semble bien exiger un élément préalable auquel réfère le pronom c’, et paraît de ce fait peu autonomisable.
(14)
C’est le cas lorsque ces constructions font partie d’une proposition enchâssée :
(a) Mais je dois vous dire, que je serais vous, je me tiendrais tranquille. [Aragon, frantext]
(b) [Il est] porté par une sorte d’énergie désespérée vers on ne sait quel but, auquel il sait seulement qu’il ne parviendra pas, aurait-il l’éternité devant lui. [Des Forêts, frantext].
(c) Il faut dire que, bu au petit matin, ce jus est très rafraîchissant et tout à fait anodin, l’absorbe-t-on en quantité ; mais aussitôt que le soleil commence à faire sentir sa chaleur, il fermente et devient en peu de temps extrêmement capiteux. [C. Schopp, Le salut de l’Empire]
Sur les inversions de clitique sujet comme marques d’enchâssement, voir . Damourette & Pichon 1911-34, § 1595), et Groupe de Fribourg 2024 : 129.
(15)
Rubattel, à vrai dire, refuse de traiter le syntagme [malgré SN] comme signifiant un acte illocutoire, au motif qu’il n’a pas la forme d’une proposition verbale, et il préfère appeler semi-actes les unités de ce type. Mais Roulet (2001 : 64) convient « qu’on perdrait une généralisation importante si on ne les traitait pas comme des actes ». C’est leur existence qui, dans le modèle genevois des interactions (v. infra § 53), conduit à postuler une discrépance entre structuration syntaxique et combinatoire des actes de langage.
(16)
L’usage du terme français de clause est sans rapport avec l’existence d’un homonyme anglais qui désigne ce que nous nommons traditionnellement des propositions. Par ailleurs, dans les travaux antérieurs à 2012, le terme de macro-syntaxe était employé au sens de pragma-syntaxe. Cet usage a été abandonné pour éviter tout risque de confusion avec les grammaires d’énoncés.
(17)
Ce point de vue entraîne en particulier des conséquences sur la façon de décrire les contraintes de cohérence référentielle. Les anaphores ne sont plus à décrire comme des relations entre segments textuels formant des ‘chaînes de référence’, mais comme des mises à jour, suivant des procédures énonciatives et inférentielles réglées, d’entités cognitives déjà enregistrées en mémoire discursive.
(18)
Le terme de projection est emprunté à Auer (2002), voir infra § 523.
(19)
Contrairement à la plupart des connecteurs comme et, mais, donc et autres, or ne semble pas utilisable pour enchaîner sur un non-dit (geste, évidence situationnelle ou savoir partagé tacite). Son emploi n’est attesté qu’à la suite d’une énonciation à effet assertif. Il présuppose donc l’enregistrement en mémoire discursive du fait que cette énonciation préalable a eu lieu.
(20)
Il y a divergence sur ce point. Morel & Danon-Boileau (1998 : 23) ne tiennent pour conclusif que le contour descendant (chute de la F0 au niveau bas), tandis que le modèle fribourgeois en admet plusieurs, qui diffèrent par leur forme et par la visée communicative qu’elles indiquent.
(21)
Elle présente l’avantage, aux plans théorique et méthodologique, de ne donner le primat de la segmentation ni à la syntaxe, ni à la prosodie. D’autre part, le problème des intonations conclusives soulevé plus haut est résolu par une définition des frontières prosodiques majeures reposant sur plusieurs critères, dont l'intonation et la durée de la pause.
(22)
Voir p. ex. comment certaines propositions relatives sont décrites en référence à la notion classique de subordination, à la fois comme « insubordonnées » et comme « incréments » d’une proposition principale dont elles sont la « continuation syntaxique » ( > Notice Interaction § 41).
Par projection, j’entends le fait qu’un action particulière ou une partie de celle-ci en présage une autre.
Ce qu’on appelle ‘phrase simple’ est une phrase qui consiste en une seule clause.
Il est important de distinguer entre l’enchâssement, d’une part, et les relations ‘tactiques’ de parataxe et d’hypotaxe, d’autre part. Tandis que la parataxe et l’hypotaxe sont des relations ENTRE clauses (ou entre éléments d’un autre rang hiérarchique), l’enchâssement n’est pas une relation entre clauses. L’enchâssement est un mécanisme par lequel une clause ou un syntagme en vient à fonctionner comme un constituant à l’intérieur de la structure d’un groupe, qui lui-même est un constituant de la clause.
En termes mathématiques, l’hypotaxe est une relation d’itération, tandis que l’enchâssement est une relation de récursion.
(26)
Sur cette opposition, voir la Notice Récursivité.
En bref, il y a itération quand une unité contient plusieurs constituants de
même type, et il y a récursion lorsqu’une unité contient un constituant du même
type qu’elle :
Itération : […X+X+X…]Y
Récursion : […X…]X.
Le complexe clausal sera la seule unité grammaticale que nous reconnaîtrons au-dessus de la clause. Il ne sera donc pas nécessaire d’introduire le terme ‘phrase’ comme catégorie grammaticale distincte.
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